Après le renoncement d’Airbus sur Evidian, Atos peut-il rebondir ? (CHALLENGES)

À L’ANNONCE DU RETRAIT D’AIRBUS, LE TITRE ATOS A DÉVISSÉ DE 16,75%, EFFAÇANT TOUS LES GAINS ENGRANGÉS DEPUIS SON REBOND ENTAMÉ LE 16 FÉVRIER DANS LA FOULÉE DE L’ANNONCE DES DISCUSSIONS AVEC AIRBUS.

Atos a plongé en Bourse suite à l’annonce du retrait d’Airbus, candidat au rachat d’une partie du groupe. La nouvelle est un coup dur pour le groupe informatique embourbé dans des dettes et des activités peu rentables. Il cherche une porte de sortie. Daniel Kretinsky serait intéressé par la partie infogérance à condition qu’Atos finance la restructuration. Une opération difficile sans l’argent qu’Airbus aurait pu apporter.

 

Raté. La fin des discussions avec Airbus annoncée mercredi est un coup dur pour Atos, qui affiche de lourdes pertes et veut d’ici à l’été externaliser ses activités les plus dynamiques (cybersécurité, cloud, supercalculateurs…) regroupées dans Evidian. Airbus avait envisagé de racheter 29,9% de la nouvelle entité valorisée environ 4 milliards d’euros par Atos selon des informations de presse. Cette vente d’Evidian aurait servi à restructurer ses activités déficitaires d’infogérance (gestion informatique pour compte d’autrui), qui emploient plus de 50.000 personnes. Cette autre branche, baptisée Tech Foundations, intéresse l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, à condition que la restructuration soit financée par Atos.

Atos dévisse

À l’annonce du retrait d’Airbus, le titre Atos a dévissé de 16,75%, effaçant tous les gains engrangés depuis son rebond entamé le 16 février dans la foulée de l’annonce des discussions avec Airbus. Une vente partielle d’Evidian à Airbus — le reste devant être coté en Bourse — avait l’avantage d’être une solution européenne pour un groupe considéré comme stratégique par l’exécutif, souligne une source gouvernementale. L’un des actionnaires historiques d’Airbus, le fonds TCI, très hostile aux négociations sur Evidian, avait dénoncé dans la presse « une interférence politique pour sauver un acteur français à la dérive », au détriment de l’intérêt des actionnaires privés. Chris Hohn, patron du front activiste TCI, du haut de ses 3%, pèse finalement plus lourd que les 10,9% de l’Etat français, favorable à l’opération. C’est un camouflet pour Atos mais aussi pour l’Elysée. Selon les Echos, l’entourage d’Airbus indique que le retrait n’est pas le résultat d’une pression de TCI et que « le point qui s’est révélé bloquant, c’est le seuil de 29,9% [d’Evidian, ndlr], le prix n’a même pas été évoqué ». Reste maintenant à Atos, qui a perdu 1 milliard d’euros en 2022 après une perte de 3 milliards en 2021, à trouver une autre solution pour se refinancer et sauver ses 110.000 emplois.

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Les négociations n’étaient pas exclusives

Malgré l’arrêt des discussions en vue d’un rachat, le groupe espère toujours « continuer à travailler sur le partenariat stratégique et technologique à long terme entre Airbus et Atos, qui a le potentiel de créer une valeur significative pour les deux sociétés », indique un porte-parole d’Atos. Autre possibilité: un autre repreneur pour Evidian — les négociations avec Airbus n’étaient pas exclusives, ce qu’Atos a toujours rappelé — mais les acteurs français potentiellement intéressés au départ, notamment Thales et Orange, ne seront pas forcément sur les rangs.

Onepoint pourrait revenir

En présentant ses résultats annuels le 8 mars, Thales (équipements militaires, aéronautique et cybersécurité), qui s’intéressait surtout aux activités de cybersécurité, a exclu toute offre sur Evidian. Le groupe Orange, qui veut devenir un leader mondial dans la cybersécurité, notamment par croissance externe, ne s’est pas manifesté officiellement et serait réticent à un investissement minoritaire qui n’est pas dans ses habitudes. Troisième option, le cabinet de conseil OnePoint avait fait en septembre une proposition de reprise de 100% d’Evidian pour 4,2 milliards, mais elle avait été rejetée à l’unanimité par le conseil d’administration d’Atos. Elle n’était pas jugée suffisamment crédible par l’exécutif, selon la même source gouvernementale. « Les équipes de Onepoint sont totalement mobilisées et étudieront toutes les possibilités de rapprochement, dans le cadre d’une acquisition d’Evidian, pour apporter une solution française et ainsi satisfaire toutes les parties prenantes », a indiqué mercredi David Layani, le président de OnePoint, dans une déclaration reprise par l’AFP.

Autre schéma: une cotation à 100% d’Evidian, mais cela risque de rapporter à Atos moins qu’une vente, au vu de l’état actuel des marchés financiers, sans compter le risque de voir tomber ces activités stratégiques dans des mains chinoises ou américaines. Pour l’éviter, selon l’AFP, l’exécutif pourrait envisager de faire entrer dans cette entité la banque publique Bpifrance ou l’Agence des participations de l’État à hauteur de 10%, le seuil suffisant pour empêcher une OPA hostile. Cette hypothèse n’est pour l’instant pas confirmée par le gouvernement.

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Daniel Kretinsky en embuscade

Enfin, le retrait d’Airbus pourrait faire évoluer Daniel Kretinsky. Il avait clairement posé ses conditions: Atos devait lui verser plusieurs centaines de millions pour assurer le besoin en fonds de roulement et notamment garantir les engagements de retraite des salariés des filiales allemandes. Cette incursion dans l’informatique serait une première pour l’homme d’affaires tchèque, qui a fait fortune en rachetant des mines et centrales à charbon à bas prix en Europe et qui s’est récemment illustré en se portant acquéreur du groupe éditorial Editis. Si l’opération avec Airbus ne se fait pas, Atos sera privé du milliard d’euros qu’il espérait retirer de la vente et pourra difficilement alléger sa dette, condition sine qua non au rachat de Tech Foundations. « Les discussions se poursuivent », a néanmoins indiqué un porte-parole d’Atos.

PL avec AFP

https://www.challenges.fr/high-tech/apres-le-renoncement-dairbus-sur-evidian-atos-peut-il-rebondir_850726

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