EXCLUSIF – Contesté depuis l’annonce du plan stratégique et la déroute boursière du titre, Bertrand Meunier, président du conseil d’administration de la société, s’explique.
Il est en première ligne depuis la démission du directeur général Rodolphe Belmer, annoncée le même jour que le plan stratégique qui va scinder la société Atos en deux d’ici fin 2023. Bertrand Meunier, le président du conseil d’administration d’Atos, est sous le feu des critiques de certains actionnaires, depuis le massacre en Bourse de l’action. Elle a chuté de 60 % depuis la présentation du plan censé relancer le groupe français le 14 juin dernier.
Ce plan prévoit de séparer en deux sociétés cotées distinctes les activités d’Atos. D’un côté, une entité (qui conservera le nom d’Atos) regroupera les activités historiques d’infogérance, autrement dit la gestion des infrastructures informatiques des entreprises et les centres de données. De l’autre, une nouvelle entreprise, baptisée Evidian, regroupera les activités digitales (cloud, intelligence artificielle, internet des objets, décarbonation) et la cybersécurité (big data & security, BDS). Atos a nommé un triumvirat chargé de mener à bien cette transformation autour de Nourdine Bihmane, nouveau directeur général, Diane Galbe et Philippe Oliva.
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«Le scénario choisi par le conseil d’administration est de loin le plus créateur de valeur pour l’ensemble des parties prenantes, avec un schéma que nous maîtrisons de A à Z», explique Bertrand Meunier au Figaro, insistant sur deux critères qui l’ont guidé: «l’intérêt de toutes les parties prenantes et la maximisation de la création de valeur pour les actionnaires à horizon de 12 à 18 mois».
Le groupe Atos n’a pas besoin d’augmentation de capital et n’en prévoit pas
Bertrand Meunier
Un choix opéré après une étude approfondie et rationnelle de tous les autres scénarios, assure-t-il, de la scission à l’introduction en bourse des activités digitales et cyber. Comment expliquer alors un tel scepticisme des marchés? Selon Bertrand Meunier, la chute du titre observée depuis sa présentation s’explique principalement par deux éléments. «L’annonce du départ de Rodolphe Belmer a surpris, tout comme l’ampleur des restructurations nécessaires, et les marchés ont dû intégrer qu’Atos aurait besoin de 1,6 milliard d’euros, dont 1,1 milliard pour le futur Atos (TFCo)», estime celui qui préside le conseil d’administration d’Atos depuis 2019.
La dégradation – attendue – de la note d’emprunt du groupe par l’agence S&P la semaine dernière n’est pas une source d’inquiétude. «Le groupe Atos n’a pas besoin d’augmentation de capital et n’en prévoit pas», assure Bertrand Meunier. Et de reprendre les mots de l’agence de notation dans son communiqué: «La liquidité d’Atos est forte, notamment grâce à son niveau de trésorerie, et sa politique financière est appropriée (…). Le niveau de liquidité prévu du groupe devrait lui donner les moyens de mener à bien son plan de transformation.»
Fronde d’actionnaires
La chute de la capitalisation du groupe à 1,2 milliard d’euros pourrait cependant compliquer la tâche de BNP Paribas et JPMorgan, les deux banques mandatées pour assurer le financement du plan stratégique, dans un contexte de remontée des taux d’intérêt et de marché bancaire plus frileux à prêter. «Je n’ai aucune remontée à ce niveau», indique le président.
Bertrand Meunier ne semble pas plus inquiet de la fronde d’actionnaires, qui aimeraient le voir quitter ses fonctions. «Nous sommes en dialogue permanent avec les actionnaires. Le retour d’une grande majorité d’entre eux sur ce plan stratégique est totalement positif, et ils nous disent “tenez bon”», assure-t-il. «Bien sûr, nous pouvons comprendre que certains actionnaires individuels, dont le portefeuille comporte une importante part d’actions Atos, soient inquiets au vu de l’évolution du cours. On leur demande d’être patients», ajoute-t-il.
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Certains d’entre eux – pas uniquement des individuels – se sont plaints auprès du conseil d’administration et réclament une évolution de la gouvernance. «Suite à l’annonce du départ de Rodolphe Belmer, il est vrai qu’il y a eu un sujet d’incarnation du pouvoir. Dans ces cas-là, certains acteurs mécontents ont pu se retourner vers le président du conseil d’administration pour exprimer leur mécontentement. Mon cas personnel importe peu. C’est pour les 111.000 employés d’Atos que je me bats et que le conseil agit», se défend Bertrand Meunier.
Le président dément d’ailleurs toute vague de départs de cadres de premier ordre au sein du groupe qui n’adhéreraient pas en interne au projet stratégique. «Le corps social est complètement aligné avec le conseil d’administration et l’équipe dirigeante sur ce projet ambitieux», insiste celui qui affirme avoir reçu des gages de soutien lors du comité d’entreprise européen la semaine dernière. «Lors de l’arrivée de Rodolphe Belmer en début d’année, la gouvernance du groupe a été resserrée et le comité exécutif réduit de 22 à 11 personnes. Certaines d’entre elles expriment leur mécontentement à l’extérieur de l’entreprise», estime-t-il.
Nous avons signé de nombreux contrats pendant le second trimestre, y compris ces dernières semaines. Certains noms cités dans la presse (American Express, State Street, NDLR) ont même renforcé leurs liens avec Atos. Arrêtons cette œuvre de déstabilisation !
Bertrand Meunier
L’homme veut aussi tordre le cou aux rumeurs instillant un doute sur la dynamique commerciale. «Nous avons signé de nombreux contrats pendant le second trimestre, y compris ces dernières semaines. Certains noms cités dans la presse (American Express, State Street, NDLR) ont même renforcé leurs liens avec Atos. Arrêtons cette œuvre de déstabilisation!», tonne le président. Fin juin, Atos a remporté un nouveau contrat auprès de l’Otan, pour installer et configurer des systèmes de cybersécurité essentiels aux activités de l’organisation.
Les résultats semestriels publiés le 27 juillet prochain permettront d’en savoir davantage. «Certains acteurs semblent vouloir fragiliser Atos avec une campagne de déstabilisation externe, en se disant qu’ils pourraient potentiellement acheter à bon compte certaines activités d’Atos», ajoute le président.
Intérêt de certains groupes
Plusieurs groupes français n’ont pas caché leur intérêt pour les activités cybersécurité d’Atos: Thales, Orange Cyberdéfense, la filiale cyber d’Airbus… Mais aucun ne s’est manifesté auprès d’Atos: «Il n’y a eu aucune approche ou offre sur BDS. Si nous avions reçu une offre, nous l’aurions étudiée. Il n’y a eu aucune discussion», assure Bertrand Meunier, répétant n’avoir eu aucune dissension avec Rodolphe Belmer.
Garder ensemble les activités digitales et cyber au sein de la future Evidian reste la meilleure option, pour le conseil d’Atos, la migration sur le cloud des organisations s’accompagnant de problématiques de sécurité fondamentales. «Nous avons besoin d’un tout sur le plan de la création de valeur. Séparer la partie cyber fragiliserait les activités digitales. BDS est une activité stratégique, nous mènerons ce projet jusqu’au bout.» L’État suit avec attention le dossier, indiquait mi-juin le cabinet du ministre de l’Économie et des Finances. Bertrand Meunier les a rencontrés à plusieurs reprises. «Tant qu’Atos est à même de financer elle-même son développement, il n’y a pas de raison que l’État considère qu’une solution indépendante n’est pas la meilleure», indique-t-il.