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Atos : David Layani prêt à mieux traiter la BCE que Daniel Kretinsky
La position du premier créancier d’Atos divise l’entrepreneur et l’homme d’affaires tchèque. Des tensions internes surgissent chez les créanciers alors que les banques ont pris leurs distances avec BNP Paribas, selon nos informations.
Par Anne Drif
Le cas échéant, la BCE pourra obtenir une part sur les 40 % du 1,2 milliard d’euros de plus-values de cessions anticipées des actifs souverains et de la filiale critique dans le nucléaire d’Atos (Worldgrid) que le camp Kretinsky prévoit de redistribuer aux créanciers. Voire de l’activité numérique – ou même, et c’est à l’étude, d’un éventuel intéressement futur au redressement à long terme de Tech Foundations, l’activité infogérance d’Atos visée en priorité par Daniel Kretinsky. « La BCE décide souverainement de ce qu’elle fait de la dette qu’elle détient », ajoute le camp de l’homme d’affaires.
Elle a de fait aussi la possibilité de vendre ses créances, à perte certes, celles-ci ne se traitant plus qu’à 20 % ou moins de leur valeur faciale. Mais c’est une option moins douloureuse si l’avenir d’Atos s’assombrit encore.
Dette fantôme
« Les créanciers défendent leurs intérêts, explique un porte-parole de Daniel Kretinsky qui défend un projet de redressement radical. Mais nous disons qu’aux 4,8 milliards de dette financière, il faut ajouter environ 3 milliards de dettes économiques qui sont des engagements auxquels la société est tenue et qui sont incompressibles. » Cette dette « fantôme » cumule entre autres les coûts d’exécution des contrats déficitaires qui font l’objet de provisions pour risques et charges, les engagements au titre des plans de retraite déficitaires à abonder, ou encore les coûts de restructuration. Et les mauvaises surprises avec le départ de clients sont loin de disparaître, en témoignent les dernières révisions de plan d’affaires d’Atos.
Dans le camp de David Layani et des autres créanciers, on ne partage pas cette vision et on préfère arrondir les angles avec le premier détenteur de dette d’Atos. Un instrument est prévu dans l’offre de celui qui est devenu le premier actionnaire du groupe, déjà utilisé dans la restructuration d’Orpea en faveur des banques chinoises et taïwanaises – celles-ci n’étaient pas autorisées à détenir du capital après conversion de leur dette. Ce sont des titres subordonnés (TSDI) qui seraient mis à disposition de la BCE à hauteur de la faveur faciale de ses créances.
La BCE, pas décisive
« Le traitement égalitaire entre tous les créanciers sera amplement respecté puisqu’il sera proposé à tous, de même que la conversion en capital », indique-t-on du côté de l’entrepreneur associé à Walter Butler et Econocom. Il permettra à l’ensemble des créanciers qui auraient des contraintes réglementaires comme la BCE de les respecter.
Cette option éviterait aussi à la banque européenne de devoir vendre à perte ses créances dans l’immédiat. Et c’est aussi l’optique défendue par les autres créanciers obligataires d’Atos.
En dépit de son poids, la banque centrale ne sera pas à elle seule décisionnaire : l’accord qui sera soumis au vote dans le cadre de la phase finale de sauvegarde accélérée nécessite le soutien des deux tiers des créanciers. Or la BCE pèse environ 20 % des créanciers obligataires, soit 10 % du total de la dette.
Et si dans les rangs des créanciers on dit toujours chercher un accord avec David Layani, des tensions surgissent. Les banques viennent d’écarter, selon nos informations, une voix dissonante : BNP Paribas. La banque a été mise à l’écart du comité de tête qui négocie pour l’ensemble des banques. Outre BNP Paribas, celui-ci comptait notamment Société Générale, CIC (Crédit Mutuel) et Natixis (BPCE), ainsi que Commerzbank, ING et Barclays, selon des sources.
BNP Paribas à l’écart
Visiblement plus en ligne avec la vision de Daniel Kretinsky sur l’avenir d’Atos et la masse de dette nécessaire à effacer – elle fait de plus partie des conseils du milliardaire pour le rachat à 3,5 milliards de livres de la poste anglaise Royal Mail -, la première banque européenne ne pourrait plus intervenir en direct dans la position commune défendue par les banques. Interrogé, BNP Paribas n’a pas souhaité réagir.
Sa mise à distance est en soi symbolique : selon nos informations, la banque détiendrait moins de 10 % de la part des banques françaises dans 2,4 milliards d’euros de dette bancaire, soit moins de 100 millions d’euros.
Mais elle pourrait embarquer d’autres banques derrière elle, comme Natixis et CIC, selon des sources. Le fonds Attestor, allié de Daniel Kretinsky, se tiendrait prêt à racheter leur dette.
Anne Drif
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/atos-david-layani-pret-a-mieux-traiter-la-bce-que-daniel-kretinsky-2096321