Et si l’OPA du 2 janvier n’était pas une blague ? En tout cas non seulement l’article semble avoir été publié volontairement avant l’ouverture de demain mais ça fait la une de la version papier également (bas de page, mais c’est déjà ça malgré tout, c’est à dire pas le truc genre discrêt).
Selon plusieurs sources, Airbus aurait engagé des discussions exploratoires pour prendre une part minoritaire au capital d’Evidian, la branche numérique et cyber d’Atos. Une approche qui entre dans la droite ligne du plan de restructuration du groupe informatique.
Par Anne Drif, Anne Bauer
Atos échappera-t-il à l’appétit de Thales ? Les spéculations reprennent autour de l’avenir de ses activités de cybersécurité. Airbus pourrait bien sérieusement contrarier les ambitions du spécialiste de l’électronique aérospatiale et de défense. Selon plusieurs sources, l’avionneur serait en discussions préliminaires avec Atos pour prendre une part minoritaire du capital d’Evidian, la branche qui va héberger son activité numérique et cyber. Un projet qui entre dans la droite ligne du plan de restructuration du groupe informatique , à l’inverse des intentions de Thales. Pour Atos, ces dernières signifieraient abandonner 100 % des seules activités cyber en forte croissance.
« Il y a des discussions exploratoires avec de potentiels futurs actionnaires minoritaires d’Evidian. Thales ne s’inscrit pas à ce stade dans ce schéma », appuie une source au fait du dossier. Interrogé, Thales maintient de fait sa position : le groupe est « potentiellement intéressé par tout actif de cybersécurité qui serait disponible à la vente », mais ne veut pas se diversifier et « n’a aucune discussion en cours avec Atos ».
Or « si l’un des deux groupes met le pied dans la porte, cela la ferme de facto au deuxième », déclarent des proches des discussions. Les autres candidats, OnePoint et Orange eux sont aux aguets.
En mal de cash, Atos, dont la valeur en Bourse a fondu de plus de 76 % en un an , veut avoir finalisé son découpage d’ici à juin 2023 pour financer la restructuration de son pôle d’infogérance, TFCo. Une fois scindé, celui-ci détiendra 29,9 % (en dessous du seuil d’OPA) de la branche courtisée d’Atos, Evidian, qui héberge le digital, le quantique et le cyber, avant d’en céder tout ou partie à un tiers.
Un siège pour deux
« La cession de ce bloc pourrait être menée en une ou plusieurs fois, avec une ou plusieurs mains, explicite une source. La recherche d’un investisseur de référence fait partie du plan ». Son intérêt est triple : obtenir les moyens financiers pour TFCo, cristalliser le niveau de valeur d’Evidian avant sa cotation et stabiliser son futur actionnariat.
Interrogé sur l’approche d’Airbus, Atos confirme des négociations préliminaires sans citer de nom : « dans la perspective de la mise en oeuvre de son plan stratégique, la société a engagé des discussions exploratoires avec de potentiels futurs actionnaires minoritaires du périmètre d’activités regroupé sous Evidian. Ces discussions ne sont pas suffisamment avancées pour permettre tout autre commentaire ».
Pour sa part, Airbus répond être « en discussion constante avec ses partenaires, clients et fournisseurs dans l’ensemble de ses secteurs d’activité », en tant qu’entreprise globale. « Ces conversations demeurent privées par nature. »
Pour le groupe, via sa branche Defence and Space, comme pour Thales, se rapprocher d’Atos présente un intérêt industriel évident. La connectivité et les communications sécurisées entre les « plates-formes » blindés, avions, navires, devient l’une des clés de la guerre de demain. Et la cybersécurisation de ces communications militaires est un enjeu majeur. Ainsi les savoir-faire d’Atos dans ces communications sécurisées, – la société est notamment un fournisseur clé de l’Armée de terre avec le système d’information et de combat Scorpion qui met en réseau les nouveaux blindés français et les combattants -, intéressent l’ensemble des acteurs de la défense.
Le SCAF s’invite dans le dossier
Airbus Defense and Space a une branche d’activités spécialisée dans la connectivité, qui a l’habitude de travailler avec Atos. Pour certains, Airbus serait la meilleure solution, car ses équipes franco-allemandes pourront davantage faire jouer les synergies avec Atos, qui a hérité d’une grande partie de son savoir-faire de Siemens. Et aujourd’hui, selon plusieurs sources, Airbus aurait bien besoin du savoir-faire d’Atos pour pouvoir piloter, comme elle en a la charge, les recherches sur le cloud de combat pour le Système de combat aérien du futur (SCAF) . Toutefois, cette part du projet « cloud » , est aussi à réaliser en partenariat avec Thales et l’Espagnol Indra.
D’autres voient, au contraire, l’ancrage du siège d’Airbus Defense and Space, en Allemagne, comme un désavantage dans ces enchères sur les actifs d’Atos, alors que le groupe Thales peut lui se targuer de son noyau tricolore – à 34,75 % dans les mains de l’Etat et à 29,79 % dans celles de Dassault Aviation.
Thales serait aussi selon eux un meilleur partenaire car il est davantage associé à Atos dans des projets sensibles pour l’armée française. Atos travaille également avec Thales pour la Direction générale de l’armement afin de mettre en place le projet Artémis pour développer le traitement de données avec de l’intelligence artificielle. Ensemble encore, au travers de leur consortium Athea, ils concourent pour remplacer l’Américain Palantir dans le sensible appel d’offres lancé par la DGSI dans le traitement des données.
Anne Drif et Anne Bauer
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/atos-les-intentions-dairbus-se-precisent-face-a-thales-1893093