Le taux de réussite dans les redressements de Butler est de 70%. Rappel au travers de cet article de quelques échecs cuisants, Virgin, Sernam, … Reste plus qu’à prier que Atos ne fasse pas parti des 30%…
Dans le calendrier chinois, 2012 fut l’année du Dragon d’eau. Le financier Walter Butler, qui a pris deux bouillons, en sait quelque chose. En janvier, il était contraint de mettre Sernam en redressement judiciaire. Un an plus tard, c’est au tour de Virgin. Deux entreprises dont il est propriétaire. « Butler, assume tes erreurs », scandaient les salariés de Virgin, inquiets pour leur emploi. Le grand public découvrait alors le nom de cet investisseur discret et puissant, actif depuis vingt-cinq ans dans le « retournement ». Un métier d’urgentiste consistant à reprendre des entreprises en difficulté, à les restructurer et à les revendre.
Il n’en fallait pas plus pour que les mauvaises langues se délient dans le microcosme féroce du private equity. « Tout le monde sait qu’il ne trouvera plus d’investisseurs », assène un concurrent. « Il se délocalise au Royaume-Uni, son fonds en France est planté », persifle un autre. Plusieurs pointures ont récemment quitté le fonds. Car la rumeur prospère vite dans ce métier à haut risque. Le premier fonds de Walter Butler, levé en 1998, avait par exemple démarré par l’éclatement d’un énorme LBO – celui sur Autodistribution – mis au tapis par une fraude.
Les bureaux de Butler Capital Partners (BCP) ne portent pourtant pas les cicatrices d’un business en danger. Situés dans un somptueux immeuble sur les quais de Seine, cours Albert-Ier, ils sont l’héritage de l’un de ses premiers coups fumants: le rachat à Axa d’un portefeuille immobilier. Walter Butler ne cille pas quand on lui demande s’il se sent décrédibilisé auprès d’investisseurs potentiels. « Compte tenu de notre expérience unique et des opportunités, nous ferons un nouveau fonds quand nous le voudrons. » Et de sortir fort à propos une lettre d’intérêt reçue d’un fonds de pension américain pesant 90 milliards! Argument essentiel, son précédent fonds avait terminé avec un taux de rendement interne (TRI) annuel de 15%. « Rien ne presse, nous avons beaucoup à faire avec nos participations », précise-t-il.
Aujourd’hui, le fonds qui abrite Virgin, France Private Equity III (FPE III), date de 2005. Avec 325 millions d’euros, il a représenté la plus grosse collecte des fonds européens de retournement en 2005, quand l’argent coulait à flots et que ce créneau était à la mode. Investi dans six entreprises, FPE III recèle quelques pépites qui compensent les 30 millions perdus dans Virgin. Adit, par exemple. Référence auprès de tous les grands exportateurs français, l’agence d’intelligence économique a été reprise en 2011 par BCP lors de sa privatisation. « L’Ebitda a depuis doublé, à près de 4 millions », affirme son patron, Philippe Caduc. Les acquéreurs se bousculent déjà au portillon pour une cession prévue en 2016. Walter Butler devrait tripler sa mise, qui était de 20 millions.
Une opération exemplaire
Autre participation dont Walter Butler se dit « très fier »: le réparateur et recycleur de matériel informatique Anovo, repris en 2011. « C’est la plus grosse reprise de la décennie en cessation de paiements. Cette entreprise qui perdait 40 millions d’euros par an est redevenue bénéficiaire dès la première année. » Les salariés ont voté à 85% pour son offre, qui préservait le mieux l’emploi d’un groupe de 4.500 salariés. « Butler joue pleinement son rôle d’actionnaire: il a injecté 20 millions d’euros de cash, nous aide sur la stratégie, surveille de près la trésorerie », confirme son directeur général, François Lacombe.
Walter Butler poursuit l’énumération des affaires en forme: le loueur de chariots Acces Industrie (63 millions de chiffre d’affaires, 4 millions de résultat net), le fabricant de bijoux Christian Bernard (160 millions de chiffre d’affaires)… Quid de Partouche, dont il possède 12%? Il assure être « protégé » sur la valeur de son ticket. Bien vu: l’actionnaire principal du groupe de casinos a été placé en « procédure de sauvegarde »…
Au total, Butler servira-t-il un rendement annuel correct aux investisseurs? « Nous avons fait mieux que la Bourse sur la période. » Soit 2 à 3% de rendement. Performance que le président de l’Association française des investisseurs pour la croissance (Afic), Louis Godron, estime honorable. « Le jugement des investisseurs dépend beaucoup des millésimes des fonds. Pour ceux levés juste avant la crise, une performance de 2% est plutôt bonne. Il faut la comparer au CAC 40, qui a baissé de 8%. »
Alors, d’où vient ce halo de suspicion? Il faut dire que le personnage alimente les fantasmes. Les pouvoirs publics sont ravis de voir débouler ce chevalier blanc, si utile à l’économie. Son tableau de chasse impressionne: BDDP, Atys (ex -filiale de Pernod Ricard), Groupe Flo (3,2 fois la mise), France Champignon (sauvée et revendue à Bonduelle), Osiatis, ex-filiale de Thomson et qui vient d’être cédée sur la base de 80 millions d’euros à Econocom.
Mais avec son histoire – fils d’un Américain et d’une aristocrate brésilienne, sorti de l’ENA dans la botte et ses puissants réseaux, il intrigue. Son beau-père, Jean de Roux, est un proche de François Pinault. Ses amitiés – notamment avec Dominique de Villepin – nourrissent les soupçons de connivence. « Son entrée dans Adit, c’est encore du copinage », raille un financier. « Ridicule. Butler a payé plus cher que les autres », rétorque Philippe Caduc.
Ces options lui valent une réputation de joueur. Emblématique, son aller-retour sur le PSG, ticket racheté à Canal+ et revendu au fonds Colony, a fait de lui le seul investisseur à avoir jamais gagné de l’argent avec le club parisien. Idem avec l’armateur SNCM, une participation revendue à Veolia 5,5 fois sa mise. « Faire des opérations très atypiques conduit à aller trop vite, ne pas comprendre les fondamentaux et perdre une partie de son équipe », tacle un acteur du secteur.
Des tripes et du cash
« Il a surtout des c … de mammouth, tranche le fondateur du cabinet Eight Advisory, Cédric Colaert. Ceux qui le critiquent n’ont ni les tripes ni le cash pour faire ce qu’il fait. » Là, tout le monde est d’accord: Walter Butler, menacé de mort quand il était actionnaire de SNCM, a accepté du bout des lèvres une protection policière. Et beaucoup saluent son éthique des affaires. « Jamais je ne l’ai vu acculer un chef d’entreprise pour lui prendre la boîte », dit un spécialiste du secteur. Philippe Caduc, d’Adit insiste: « C’est quel qu’un de très droit. » Les créanciers de Virgin, baladés les mois précédant la procédure judiciaire, auront du mal à partager cet avis.
https://www.challenges.fr/finance-et-marche/la-verite-sur-les-affaires-de-walter-butler_140240
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POSTFACE
Les autres échecs
On peut citer aussi :
NextiraOne: Walter Butler a également investi dans NextiraOne, une société de télécommunications, en 2011. L’entreprise a été rachetée par CenturyLink en 2013 pour un montant inférieur à ce que Butler avait payé pour ses actions.
Partouche : Butler Capital Partners a également connu des difficultés avec son investissement dans Partouche, un opérateur de casino français. L’entreprise a été confrontée à une baisse de ses revenus et à un endettement croissant, ce qui a conduit à un processus de restructuration complexe et prolongé. Cet investissement a mis en évidence les difficultés rencontrées par Butler Capital dans le secteur du jeu hautement réglementé et volatil.
Groupe Flo: Walter Butler a également investi dans le groupe Flo, en 2000 une chaîne de restaurants française. Il revend ses parts à bas prix en 2017. La société fait faillite en 2019. Le groupe a été victime d’une baisse de la fréquentation et d’une concurrence accrue, ce qui a conduit à sa liquidation.
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Virgin dépose le bilan. Qui est Butler Capital Partners, son principal actionnaire ?
Le distributeur de biens culturels Virgin Megastore a officiellement déposé le bilan ce mercredi auprès du Tribunal de Commerce de Paris. L’enseigne au logo rouge, incapable de régler ses dettes, en avait fait l’annonce à l’issue de deux jours de réunion du CE lundi et mardi à Paris. Le Tribunal de commerce de Paris doit désormais décider si la cessation de paiement (ou dépôt de bilan) peut déboucher sur une procédure de redressement ou une liquidation judiciaire.
Spécialisé dans le « retournement d’entreprises »
Créé par le milliardaire britannique Richard Branson, Virgin Megastore a été cédé, en 2001, au groupe Lagardère, qui en détient aujourd’hui 20 %. Mais son actionnaire principal est, depuis 2008, le fonds d’investissement français Butler Capital Partners (BCP), spécialisé dans ce que l’on appelle le « retournement » d’entreprises en difficulté. Le but : investir dans des entreprises à la peine et (tenter de) les redresser.
Cette société, plutôt discrète, a été fondée et est dirigée par Walter Butler, 56 ans. Énarque, ancien haut fonctionnaire au ministère des Finances, il a occupé, de 1988 à 1991, la fonction de directeur exécutif au sein de la banque d’affaires Goldman Sachs à New York puis Londres. Avant de fonder, en 1991, Butler Capital Partners.
PSG, Sernam, SNCF
Son fonds a fait parler de lui, notamment dans les années 2000, à l’occasion de la vente du Paris Saint-Germain. À l’époque, BCP rachète le club à Canal +, avec son partenaire Colony Capital et la banque Morgan Stanley, pour 41 millions d’euros. Mais, deux ans plus tard, Walter Butler cède quasiment toutes ses parts, en ne conservant que 1 %, vendu au Qatar l’année dernière.
En 2005, BCP acquiert le Sernam, ex-filiale de la SNCF, lors de sa privatisation. Mis en redressement judiciaire il y a un an, le Sernam est partiellement repris par Geodis-Calberson en mai 2012.
Autre exemple : en 2006, l’État privatise partiellement la compagnie maritime SNCM (Marseille), et verse alors 158 millions d’euros à Veolia transports et BCP, qui prennent respectivement 28 % et 38 % de la compagnie. Deux ans plus tard, Veolia rachète la part de BCP.
Aujourd’hui, avec un fonds de 500 millions d’euros, BCP assure détenir neuf sociétés en portefeuille, dans des secteurs aussi variés que les casinos (groupe Partouche), les services informatiques ou la location de chariots élévateurs.
Carine JANIN.
https://www.ouest-france.fr/europe/france/virgin-depose-le-bilan-qui-est-butler-capital-partners-son-principal-actionnaire-348183