IBM donne son indépendance à Kyndryl, un géant des services informatiques (LES ECHOS)

Le groupe centenaire de l’informatique se sépare d’une société de 90.000 salariés et de près de 19 milliards de dollars de chiffre d’affaires. La nouvelle entreprise espère davantage travailler sur des technologies non-IBM, notamment dans le cloud.

Découpez un colosse, il en restera toujours deux géants…

Par Florian Dèbes

Publié le 4 nov. 2021 à 7:00. 
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Découpez un colosse, il en restera toujours deux géants. Après plus d’un siècle d’existence, IBM acte une étape majeure de son histoire en se séparant de ses activités de services informatiques qui avaient fait sa fortune dans les années 1990 et représentaient plus du quart de son chiffre d’affaires 2020. Née de cette scission, la société Kyndryl abordera ce jeudi 4 novembre sa première journée boursière en tant que société indépendante. Elle compte pas moins de 90.000 salariés pour près de 19 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel.

Décidée par le PDG d’IBM, Arvind Krishna, cette grande manoeuvre impliquait pour « Big Blue » de distribuer à ses actionnaires 80 % des parts qu’elle possédait dans cette nouvelle entreprise créée en septembre dernier pour l’occasion. Désormais concentré sur la vente de logiciels pour l’informatique en ligne (« cloud computing ») et pour l’analyse de données, ainsi que sur les serveurs et mainframes, IBM, selon les plans de son patron, espère être en mesure de retrouver une trajectoire de croissance qui l’a fui ces dernières années.

Nouveaux partenaires

Coté Kyndryl, ce spin-off est aussi vu comme une libération. Bien décidé à envoyer ses ingénieurs dans les entreprises clientes pour y installer des technologies qui jusqu’ici étaient concurrentes de produits IBM, Kyndryl estime que la taille de son marché adressable va presque doubler immédiatement après cette séparation.

« Ce n’était pas nous rendre service que de nous limiter aux technologies d’IBM, le marché est bien plus vaste que ça. Nous considérons les grandes plateformes de cloud et les éditeurs de logiciels comme des sources de développement pour Kyndryl », souligne Philippe Roncati, le président de Kyndryl France.

Un bol d’air pour croître

Certes, Kyndryl restera le premier client d’IBM. Mais Amazon Web Services, Microsoft Azure, Google Cloud ou encore Alibaba Cloud seront d’autres partenaires de choix alors que les entreprises cumulent désormais plusieurs clouds. De même, Kyndryl pourra travailler sur des serveurs Hewlett Packard Enterprise ou Dell rivaux de certains produits IBM.

Ce sera un bol d’air pour la société de services alors que son activité historique de maintenance des serveurs de ces clients souffre à mesure que ses clients externalisent l’hébergement de leurs données aux acteurs du cloud. « IBM se disait déjà agnostique sur les technologies. Mais maintenant, du point de vue de la marque, l’indépendance de Kyndryl ​clarifie ce positionnement et lui permet de jeter un filet beaucoup plus large vers ses clients et partenaires potentiels », écrivent les analystes de Futurum Research dans une note récente.

« Erosion naturelle »

Toutefois, le défi du retour à la croissance reste immense pour l’émanation d’une entité d’IBM qui n’a pas connu de progression de son chiffre d’affaires annuel depuis trois ans. Durant le trimestre qui s’est achevé fin septembre, l’attentisme des clients dans cette période de scission avait encore fait plonger les recettes de la division Global Technology Services de 4,8 %, à 6,15 milliards de dollars. Pour 2021, l’ancien directeur financier d’IBM et nouveau directeur général de Kyndryl, Martin J. Schroeter, s’attend encore à une baisse des revenus de 2 à 3 % par rapport à 2020, à environ 18,6 milliards de dollars.

« C’est vrai qu’il y a une érosion naturelle de notre base installée quand elle bascule vers les services mutualisés des concurrents d’IBM dans le cloud », admet Philippe Roncati. Mais il assure que la quasi-totalité des 4.000 clients de Kyndryl souhaitent conserver une relation avec l’entreprise de services afin de garder à leur main une part de leurs systèmes informatiques, sans tout migrer vers les centres de données des grandes plateformes. En France, la confiance est telle que Kyndryl compte recruter 250 personnes en 2022, après une série récente de plan de départs du temps d’IBM.

Vive concurrence

D’après Kyndryl, la totalité de son marché doit croître de 7 % par an d’ici à 2025, tiré par la demande en analyse de données, les exigences de cybersécurité des entreprises et la pénurie de talents que les entreprises ne peuvent pas recruter en direct. Sans les contraintes financières d’IBM – peu enclin à investir dans une entité en difficulté -, Kyndryl entrevoit également la possibilité de grandir par acquisition.

Mais la concurrence sera vive sur un marché qui reste fragmenté. En concurrence frontale avec des groupes comme DxC ou le français Atos, qui connaissent aussi des difficultés pour se repositionner dans l’ère du cloud, Kyndryl devient instantanément le numéro un mondial de la gestion d’infrastructures (serveurs) informatiques. Mais dans le service en cybersécurité, Atos ne cache pas ses ambitions de prendre la première place jusqu’ici occupée par Kyndryl.

Florian Dèbes

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