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L’homme d’affaires tchèque va reprendre les activités d’infogérance du groupe d’informatique et devenir le premier actionnaire de sa division de cybersécurité.
Daniel Kretinsky est sur tous les fronts en France. En plus de voler au secours du distributeur Casino, l’homme d’affaires tchèque (actionnaire indirect du Monde) va racheter Tech Foundations, l’entité qui englobe les activités historiques du groupe d’informatique Atos. La transaction, négociée depuis plusieurs mois et officialisée le 1er août, sera réalisée par EP Equity Investment, sa principale société d’investissement.
Pour cette cession, Atos percevra 100 millions d’euros, une somme extrêmement faible au regard de la taille de Tech Foundations, qui réalise 5,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 52 000 salariés dans le monde. Mais cela donnera une bouffée d’oxygène au groupe d’informatique, dont les finances s’étaient fortement dégradées ces deux dernières années, au point de soulever des interrogations sur sa solvabilité à moyen terme. L’annonce, le 28 juillet des résultats semestriels, avait entraîné une chute de 35 % du cours de l’action en deux jours.
L’accord prévoit qu’Atos transfère 1,9 milliard d’euros d’engagements financiers à EP Equity Investment. L’opération permettra également à la société d’informatique d’éliminer environ 1 milliard d’euros en fonds de roulement chaque année. La reprise de Tech Foundations ne devrait pas poser de problème de souveraineté, aucun contrat d’infogérance d’Atos n’étant réellement sensible pour la sécurité nationale.
Changement de structure
En plus de cette vente, Atos, qui se rebaptisera du nom de sa filiale Eviden, pour concrétiser ce changement de structure, procédera à une augmentation de capital de 900 millions d’euros afin de financer le développement des activités de cybersécurité qu’il souhaite conserver. M. Kretinsky sera là encore incontournable : il apportera à lui seul 217,5 millions d’euros. EP Equity Investment détiendrait ainsi 7,5 % du capital d’Eviden, ce qui fera de lui le premier actionnaire.
Fimalac, la société d’investissement de Marc Ladreit de Lacharrière, déjà associée à l’homme d’affaires tchèque dans le dossier Casino, devrait également participer à ces opérations de financement. Atos convoquera une assemblée générale extraordinaire au dernier trimestre, afin que ses actionnaires se prononcent sur ce plan de démantèlement. Eviden resterait cotée à la Bourse de Paris.
Pour Atos, deuxième groupe français d’informatique après Capgemini et dirigé jusqu’en 2019 par Thierry Breton, avant son départ à la Commission européenne, passer sous la coupe de la société d’investissement de M. Kretinsky sonne comme un échec. En lançant en juin 2022 un plan de scission entre ses activités historiques et celles de cybersécurité, promises à un plus bel avenir, Atos espérait engager un concours de beauté entre plusieurs industriels de renom.
Des discussions avaient été ouvertes avec Airbus pour entrer au capital d’Eviden, mais celles-ci ont rapidement échoué, en mars, le conseil d’administration du fabricant d’avions n’étant pas convaincu par l’intérêt d’un tel achat, malgré des synergies industrielles dans les systèmes de défense du futur. Thales a également regardé le dossier, mais il n’était réellement intéressé que par une petite partie des métiers d’Eviden. D’autres prétendants, comme Onepoint ou Astek, avaient été jugés trop petits pour prétendre en devenir l’actionnaire de référence.
Première incursion dans l’informatique
Avec cette opération, M. Kretinsky confirme son intérêt pour les entreprises françaises et son goût pour les dossiers complexes. D’autant que s’il est déjà présent dans l’énergie, principalement en Europe centrale, la distribution européenne, avec des participations au capital de l’allemand Metro ou du britannique Sainsbury’s, ainsi que dans les médias (Marianne, Elle, etc.), Tech Foundations est sa première incursion dans les services informatiques, un métier qui nécessite une gestion au cordeau pour tenir la rentabilité des contrats.
Relancer une telle machine, avec autant de salariés, s’annonce périlleux et coûteux pour l’homme d’affaires tchèque. Atos avait estimé lors de la présentation de son plan de scission en juin 2022 qu’il lui faudrait engager 1,1 milliard d’euros d’ici à 2026 pour redresser l’activité, dont 750 millions d’euros rien qu’en frais de restructuration. Ce plan permettrait d’espérer un retour à la rentabilité en 2025 et une génération de trésorerie positive en 2026.