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Longtemps, Bercy a espéré ne pas avoir à intervenir directement dans le dossier, misant sur un rachat des activités critiques par Airbus.
ANALYSE – Par Olivier Pinaud
« C’est le rôle de l’Etat de défendre les intérêts stratégiques d’Atos et d’éviter que des technologies qui sont sensibles, qui sont décisives en matière de supercalculateurs ou de défense, ne puissent dépendre d’intérêts étrangers. » Interrogé sur LCI, le 28 avril, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, vole au secours du groupe d’informatique. L’Agence des participations de l’Etat a soumis, à sa demande, une lettre d’intention pour acheter ses trois activités les plus importantes : les produits de cybersécurité (cryptologie, contrôle d’accès…) ; les ordinateurs de haute performance (supercalculateurs) qui servent notamment à la simulation nucléaire ; et les systèmes dits « critiques », utilisés par les armées ou les services de renseignement.
Plusieurs semaines de discussions sont encore nécessaires pour transformer cette intention en offre d’achat. Mais on voit mal comment l’opération pourrait échouer. Atos est lui-même favorable à cette vente : elle lui apporterait des liquidités bienvenues. Pour les finances publiques, la charge est supportable : Bercy valorise ces activités entre 700 millions et 900 millions d’euros, un coût qui devrait être partagé avec un ou plusieurs industriels français de la défense. Enfin, tout le personnel politique approuve l’exfiltration de ces activités sensibles.
Pourquoi le gouvernement a-t-il attendu la dernière minute avant une possible faillite pour intervenir ? Les difficultés financières et stratégiques d’Atos sont anciennes : à bout de souffle après les années de croissance au pas de charge imposée par son ancien PDG, Thierry Breton, actuel commissaire européen au marché intérieur, le groupe a lancé un plan de séparation de ses activités dès juin 2022.
Intérêt de Daniel Kretinsky
Impossible de ne pas voir dans ce projet un risque de démantèlement. Ni de passer à côté de l’intérêt de l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, connu depuis octobre 2022, huit mois avant que le milliardaire ne formule une offre de reprise. M. Kretinsky ne visait que des activités civiles d’Atos, moins sensibles pour l’État, mais leur transfert chez un nouvel actionnaire fragilisait l’équilibre financier de celles restant chez Atos, dont celles reprises aujourd’hui par l’État.
Malgré ces alertes, il a fallu attendre le 26 septembre 2023 pour que la première ministre d’alors, Elisabeth Borne, interrogée à l’Assemblée nationale par le député (Les Républicains, Eure-et-Loir) Olivier Marleix, fasse état, pour la première fois, de la vigilance du gouvernement dans ce dossier, afin « que [les] intérêts souverains soient protégés en toutes circonstances », tout en rappelant qu’Atos est une société privée, soumise aux décisions de son conseil d’administration. Dans son rapport remis le 30 avril, intitulé « L’avenir d’Atos : une question de souveraineté », la mission d’information sénatoriale a jugé « tardive et insuffisante » l’intervention de l’État.
On s’étonnait, au sein même de la direction d’Atos, du silence pesant de l’exécutif. Pourquoi attendre aussi longtemps, alors qu’en janvier 2021, il avait suffi de quelques heures pour que Bruno Le Maire exprime publiquement son opposition au rachat de Carrefour, entreprise privée également, par le canadien Couche-Tard au nom de la « souveraineté alimentaire des Français ». Les prestations informatiques pour les armées seraient-elles donc moins stratégiques que des rayons de supermarché ?
Longtemps, Bercy a espéré ne pas avoir à intervenir directement dans ce dossier, misant sur un rachat des activités critiques par Airbus, dont l’État français détient 10,8 % du capital, à parité avec l’État allemand. Par deux fois, le fabricant d’avions a étudié l’opération. Par deux fois, les négociations ont échoué. L’insistance de Bruno Le Maire en faveur de la solution Airbus a fini par braquer l’État allemand, qui voyait d’un mauvais œil que le fabricant d’avions serve au sauvetage d’une entreprise française. Les réticences étaient fortes aussi en France. La Banque publique d’investissement, Bpifrance, ne voulait pas prendre de part au capital d’Atos de peur de créer un précédent et de devoir, ensuite, voler au secours de toutes les entreprises privées en difficulté.
L’État ne fait que renationaliser Bull
Ce dossier, à l’instar du cas EDF, renationalisé en juin 2023 en réponse à une crise profonde, illustre les difficultés de l’Etat à définir et à tenir dans la durée une stratégie de souveraineté industrielle. Avant les difficultés financières actuelles d’Atos, l’Etat s’y intéressait peu. Aucune entité publique n’était présente au capital du groupe. Son conseil d’administration ne comptait aucune figure étatique, excepté Edouard Philippe, entre la fin de 2020 et 2023, après son départ de Matignon. Mais la présence de l’ancien premier ministre n’a pas empêché le groupe de lancer un plan de démantèlement dangereux pour ses activités sensibles.
Pas de souveraineté non plus dans la commande publique : Atos a beau être le seul fabricant européen de supercalculateurs avec son usine d’Angers, la France a commandé à l’américain HPE l’ordinateur de haute performance le plus puissant de l’Hexagone, le Jean Zay, mis en service en 2020 au CNRS, sur le plateau de Saclay (Essonne). En mars 2024, alors que le groupe est déjà en grande difficulté, l’Etat se rattrape et lui confie le contrat d’extension de ce supercalculateur.
Finalement, en achetant ces trois activités sensibles, le gouvernement ne fait que renationaliser Bull, l’ex-fabricant français d’ordinateurs, héritier du plan Calcul, lancé par Charles de Gaulle en 1966. Après de multiples péripéties et soutenu à coups de milliards d’euros d’aides publiques, Bull est privatisé en 1995 par le gouvernement Balladur et quasiment laissé à l’abandon. Thierry Breton, à la tête d’Atos, le rachète en 2014, ne voulant pas que « ces actifs partent dans des mains non européennes », a-t-il expliqué, le 29 avril, sur France Inter. Dix ans plus tard, l’Etat doit intervenir pour la même raison, en urgence.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/13/la-chute-d-atos-ou-la-difficulte-de-l-etat-a-tenir-une-strategie-de-souverainete-industrielle_6232919_3232.html
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Si vous avez subi d’énormes pertes sur Atos, sachez qu’une action en réparation est en cours de constitution sur le site Upra.fr (l’Union Pour la Réparation des Actionnaires), pour recouvrer une partie de vos pertes par voie de justice. Cette action sera totalement gratuite pour les plaignants car nous la ferons financer auprès de fonds spécialisés qui prendront un pourcentage en rémunération et l’UPRA ne vous demandera aucun paiement ni cotisation ou autres. À ce jour, plusieurs fonds ont fait part de marques d’intérêts, mais nous n’avons pas encore de réponse définitive. La réponse dépendra du nombre de personnes pré-inscrits et des comptes audités 2023.
Afin de ne pas déstabiliser la société, cette action ne visera ni Atos, ni ses dirigeants ou ex-dirigeants, mais uniquement ses auditeurs (commissaires aux comptes) en particulier DELOITTE supposé être le n°1 mondial de l’audit, mais que l’UPRA soupçonne avoir été très complaisante vis-à-vis d’Atos avec les règles comptables en vigueur, et leur reproche d’avoir fait manquer une chance aux actionnaires de ne pas acheter l’action quand elle était surcotée vis-à-vis de sa réelle valeur et d’avoir fait manquer une chance d’avoir vendu, quand la société s’effondrait et que la comptabilité ne reflétait pas cet effondrement, en particulier une absence totale de dépréciation d’actifs en 2022.
Je rappelle qu’à la publication d’un jugement qui dirait le contraire, Deloitte est supposé avoir certifié les comptes d’Atos de manière totalement sincère, et l’avis exprimé ci-dessous est l’avis de l’UPRA uniquement et reste à l’état de soupçons tant que nos preuves n’auront été validé par un juge.
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