Lors de l’assemblée générale du groupe de services numériques, la résolution portant sur les comptes consolidés a été rejetée. Cette marque de défiance inédite est le point d’orgue d’un mécontentement plus large.
Si Atos a échoué à réunir une majorité simple de 50 % pour valider ses comptes, c’est d’abord parce que ceux-ci faisaient l’objet de réserves pour le moins inhabituelles des commissaires aux comptes, qui avaient relevé « plusieurs erreurs comptables » et un « risque de contournement des contrôles » dans deux filiales américaines du groupe : Atos IT Solutions and Service et Atos IT Outsourcing Service.
Besoin de clarté
Ni la nature ni l’ampleur des écarts n’ont été précisés depuis que le groupe a publié le 1er avril un communiqué expliquant le problème, tout en assurant qu’ « aucune anomalie significative » n’avait été identifiée à ce jour. Mais le fait que les deux entités concernées représentent 11 % du chiffre d’affaires et 9 % de la marge opérationnelle consolidée d’Atos a alarmé plusieurs grands actionnaires, qui avaient appelé à voter contre la résolution n°2.
« Rejeter des comptes qui font l’objet de telles réserves est normal, tempère un analyste. S’ils avaient été approuvés, cela aurait engendré une suspicion permanente. Là, Atos a l’opportunité de faire toute la lumière et de présenter des comptes corrigés si nécessaires ».
« Sachez que la société est pleinement mobilisée pour répondre au besoin de clarté que ce vote exprime et pour mener à bien, sous la supervision du conseil, la revue complète des comptes des deux entités américaines concernées », a commenté Bertrand Meunier, le président du conseil d’administration d’Atos, juste avant de clore l’AG. Le groupe s’est engagé à faire un point d’avancement sur le sujet au moment de l’annonce des résultats du premier semestre 2021. Il met aussi en place un « plan de remédiation et de prévention » pour renforcer les contrôles et éviter que la mésaventure ne puisse se reproduire.
Vote sanction
Reste que le coup d’éclat des actionnaires en dit long sur leur niveau de mécontentement. « C’est une sorte de vote sanction contre Elie Girard », estime un bon connaisseur du secteur. Le directeur général d’Atos, qui a succédé à Thierry Breton – devenu commissaire européen – fin 2019, a plusieurs torts aux yeux des actionnaires. D’abord, son offre d’acquisition de l’américain DXC Technology pour 10 milliards de dollars en janvier, a été mal comprise et a coûté cher à Atos en Bourse, avant que le Français ne jette l’éponge .
Ensuite, les performances opérationnelles du groupe sont jugées insuffisantes. Alors que ses pairs, y compris le géant Cap Gemini, ont renoué avec la croissance des derniers mois, ce n’est pas le cas d’Atos. Et les actionnaires s’impatientent de voir sa stratégie de recentrage sur quatre domaines en croissance – le digital, le cloud, la sécurité et la décarbonation – porter ses fruits. Elles représentaient 52 % des revenus au premier trimestre, contre 46 % sur l’ensemble de l’année 2020.
Ces facteurs d’incertitudes pèsent sur le cours d’Atos, qui a abandonné 28 % depuis le début de l’année. La valorisation du groupe n’est plus que de 6 milliards d’euros – ce qui pourrait poser à terme, selon des observateurs, la question de sa présence dans l’indice CAC 40.
Dans cette tempête, la direction d’Atos peut se féliciter en revanche d’être le deuxième groupe, après Vinci début avril, à voir ses actionnaires approuver sa stratégie environnementale. Après le « Say on Pay » (droit de regard sur la rémunération des dirigeants), le « Say on Climate » (droit de regard sur la politique environnementale) fait une entrée remarquée dans les AG. Atos se devait d’être en pointe. Le groupe a fait de la décarbonation au pas de charge de ses activités un axe majeur de sa stratégie. Il compte diviser par deux l’entièreté de ses émissions en 2025 et les ramener à zéro dès 2028.
Sébastien Dumoulin
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/les-actionnaires-datos-refusent-de-valider-les-comptes-consolides-du-groupe-1314814