Cet article n’est pas à proprement parler sur Atos, mais sur les mandataires judiciaires chargés entre autres, des conciliations comme celle d’Atos.
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Les mandataires judiciaires de nouveau sur le banc des accusés.
Houria Aouimeur, la directrice de l’AGS qui menait alors les investigations, estimait que les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires avaient mis en place, à leur propre profit et pour leurs sous-traitants (avocats, experts-comptables, société de conseil…), un système de captation des avances qui leur étaient versées par l’AGS. Selon elle, entre 2013 et 2018, l’enjeu financier se montait à 7 ou 8 milliards d’euros, pour des classements en perte de ces avances, jamais remboursées et cela sans documents précis.
Déclaration cinglante du Medef
Une somme rondelette, donc, qui n’était toutefois pas perdue pour tout le monde. « Quand vous avez une boîte en redressement judiciaire, il y a tout de suite des avocats spécialisés qui se greffent, des boîtes de conseil qui vont faire un business plan pour le tribunal, et tous ces gens-là se servent massivement sur la bête, cinglait dans Le Monde en 2023, à ce sujet, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. Les mandataires judiciaires, si j’étais journaliste, je m’y intéresserais, ça c’est sûr ! Est-ce que c’est un système sain ? Non, ça c’est certain. »
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Mais depuis, le président du Medef a changé. Houria Aouimeur a été brutalement débarquée pour faute grave – un licenciement qu’elle conteste devant la Cour d’appel, s’estimant victime de son rôle de lanceur d’alerte dans ce dossier. Et le 26 juin, donc, en présence du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, le Conseil national des AJ/MJ et les responsables des AGS ont signé un « pacte d’avenir » qui promet de « déjudiciariser » leurs relations. Exit les lourds soupçons. « Je me réjouis de la signature de ce pacte d’avenir avec l’AGS, commente le président du conseil national, François Desprat. Ce document va permettre de mettre un terme à une période de tensions et de conflits. Il favorisera l’intervention sereine de chacun, dans son rôle, dans l’intérêt des entreprises et de leurs salariés. »
Le juge d’instruction saisi de l’affaire peut certes décider de continuer son enquête. D’autant que l’Unédic, partie prenante à l’AGS avec le patronat, avait aussi déposé plainte et semble vouloir la maintenir. Tout comme l’association de lutte contre la corruption Anticor, qui s’était portée partie civile en 2023 dans ce dossier. « Mais il ne faut pas se raconter d’histoire : ce retrait de l’AGS fragilise le dossier », relativise Me Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor.
Nouvelles attaques
Les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires ne sont pas pour autant sortis d’affaire. Selon nos informations, un collectif d’entrepreneurs qui estiment avoir été gravement lésés par ces professionnels, le Conseil national des débiteurs (CNDD), s’apprête à assigner l’Etat en justice, en raison de la durée déraisonnable de ces procédures de redressement et de liquidation menées par les AJ/MJ. Parmi une trentaine de dossiers présentés par la société d’aide juridique Liber Acta, seize permettront de porter, à la rentrée sans doute, autant d’assignations visant l’Etat. Des dizaines de mandataires judiciaires sont mis en cause. Une opération que devrait porter Me Karsenti. Son but : « dénoncer un dysfonctionnement systémique de la justice commerciale ».
Parmi les dossiers portés par le CNDD, auxquels Challenges a eu accès, certains ont viré au cauchemar. Ainsi Mme C.* s’est-elle retrouvée emportée par la faillite, prononcée en 2002, de l’entreprise de travaux de son époux, implantée dans le Loir-et-Cher. Pire : outre l’habitation du couple, le mandataire judiciaire a aussi demandé la mise en vente de la maison des parents, car ces derniers avaient encaissé des chèques destinés à la société afin de mettre ces sommes à l’abri. Depuis, les époux C. ont fait plusieurs tentatives de suicide. Et ils ont menacé de s’en prendre à la famille du mandataire judiciaire. Résultat : le jugement de clôture de la liquidation judiciaire n’a eu lieu qu’en septembre 2023.
Des ralentisseurs sur les voies de la justice commerciale
Si rares sont les cas à atteindre de telles extrémités, certains délais de traitement n’en paraissent pas moins incompréhensibles. Celui par exemple de cette serrurerie-ferronnerie assignée en liquidation judiciaire en 2015 par le procureur de la République de Mulhouse, faute pour elle d’avoir acquitté ses impôts. Près de dix ans plus tard, le mandataire judiciaire n’a toujours pas clôturé le dossier et le dossier est comme suspendu dans le vide. Idem pour le dossier d’une société de gestion de biens immobiliers placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny en mai 2007, puis en liquidation judiciaire un an plus tard – et qui en est encore à supplier ce même tribunal pour obtenir une clôture définitive de ses comptes, dans une requête adressée en mai 2024. Soit 17 années plus tard.
« Nous n’avons aucun intérêt à de telles durées de procédures, puisque nous ne sommes payés qu’à l’issue de celle-ci », se défend François Desprat. Et de pointer les nombreux ralentisseurs dans les opérations de liquidations qui ne sont pas le fait des mandataires judiciaires : mise en cause en justice contre des experts-comptables peu scrupuleux, procédures des salariés aux prud’hommes et surtout recours multiples des débiteurs. « C’est un droit pour chacun de se défendre et contester par tous moyens juridiques : ainsi est faite la justice française, analyse un mandataire judiciaire. Mais il ne faut pas ensuite nous en imputer la faute. »
Folle durée de procédure
Brigitte Vitale, fondatrice du CNDD et actionnaire de Liber Acta, livre pour sa part une tout autre analyse. « Le nombre élevé de recours montre que les procédures de redressement et de liquidation sont souvent perçues comme injustes et mal gérées, pointe-t-elle. En outre, dans de nombreux dossiers, nous observons des périodes d’inactivité totale, parfois pendant 2, 3, voire 5, 10 ou 15 ans. Il est faux de dire que ce sont systématiquement les recours des dirigeants qui ralentissent ces procédures. »
Le cas de Mme L., qui exerçait dans le commerce de bijoux fantaisie, est de ce point de vue stupéfiant. Elle a accumulé la durée folle de 42 années de procédures, entre 1981 et 2023. Avec des périodes de latence qui ont pu durer plus de dix ans, pendant lesquelles elle jure n’avoir pas eu d’informations sur les opérations menées sur sa société.
Mise en examen pour malversation
Ces infinis délais sont d’autant plus gênants qu’ils épaississent le mystère autour du travail des mandataires judiciaires. « Tant que les comptes ne sont pas clôturés, il est impossible pour le dirigeant mis en cause de savoir comment le mandataire judiciaire gère la société. Pour obtenir des informations il faut faire jouer son réseau, ses bonnes relations avec les anciens clients par exemple, mais il est difficile d’accéder à des données officielles », assure Thierry Matignon.
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Ce dirigeant a obtenu, le 12 septembre 2023, près de 20 ans après la décision de redressement judiciaire de la société qu’il dirigeait, la mise en examen pour malversation de l’administrateur judiciaire, Bruno Sapin. Et pour l’heure, les comptes de la procédure concernant son entreprise n’ont toujours pas été publiés.
François Desprat balaye les doutes qui peuvent se faire jour, dans ces conditions, sur la manière dont les mandataires judiciaires gèrent les fonds et les stocks restant dans une entreprise en cours de liquidation : « Entre les interventions régulières des commissaires au compte et celle des juges-commissaires pendant les procédures, nous sommes une profession très surveillée », rappelle-t-il.
Harley en errance
Pourtant, parmi les dossiers collectés par le CNDD, les zones d’ombre ne manquent pas. La liquidation d’une concession de vente de motos par le tribunal de commerce d’Agen comporte quelques mystères. La procédure a duré douze ans, appel compris. Or dans le stock de véhicules de la société, une Harley Davidson Fat Boy 1450 a connu une improbable « errance », selon le mot utilisé dans le dossier. Le mandataire judiciaire a d’abord tenté de faire réparer la moto sur les fonds restant de l’entreprise – opération refusée par le tribunal. L’engin disparaît alors mystérieusement de la concession, pour réapparaître aux mains d’un particulier inconnu de la procédure à l’autre bout de la France, en Alsace, lors du passage dans un garage. Les comptes de clôture de la concession, obtenus bien des années après, ne mentionnent pourtant pas la vente du véhicule.
Autre dossier troublant : celui d’une pharmacienne dont l’officine a été liquidée après une procédure longue de onze ans. Le mandataire judiciaire a cédé son fonds de commerce et le stock pour 112 000 euros à un pharmacien, M. C.. « Nous avons démarché sept repreneurs potentiels dans la ville et M.C. avait l’offre mieux disante », explique aujourd’hui le mandataire judiciaire, qui souligne que la cession et le prix ont été validés par la cour d’appel de Rennes. Problème : la propriétaire produit, de son côté, une évaluation de son commerce, réalisée par un cabinet, à 854 520 euros. Et elle assure que, six ans après la première cession, la pharmacie a été revendue au prix de 920 000 euros.
Problème systémique
Pour Me Karsenti, c’est bien là l’autre but de l’action en responsabilité civile qui sera engagée contre l’Etat : outre les lenteurs de la justice, il s’agit de démontrer que de telles graves anomalies ne relèvent pas d’erreurs ou de comportements déviants individuels des mandataires judiciaires, mais qu’elles sont bien systémiques. Les juges-commissaires, qui doivent surveiller les procédures pour les tribunaux de commerce, seraient trop souvent défaillants. Et la justice n’accorderait pas assez de crédit à la parole des chefs d’entreprise en faillite, comme frappés d’opprobre. Résultat : une captation de fonds par les mandataires de justice serait bel et bien en place, selon lui. Exactement l’accusation portée à l’époque par l’AGS et qui vient tout juste d’être enterrée.
*Des procédures sélectionnées par le CNDD étant toujours en cours, nous avons choisi de préserver l’anonymat des protagonistes de ces dossiers.
https://www.challenges.fr/economie/les-mandataires-judiciaires-de-nouveau-sur-le-banc-des-accuses_898126
POSTFACE BLOG
Nos lecteurs assidus se souviennent peut-être que je leur ai expliqué dans de précédents articles que cette profession était devenu tellement mafieuse, qu’en 1967, le législateur a totalement modifié la fonction de juge commissaire pour les encadrer et que désormais toute décision importante (ce qui reste subjectif) doive avoir la validation en aval du juge commissaire suivant le dossier.
Donc quand je vous dis que je n’aime pas cette profession, c’est pas de l’anti-Bourbouloux primaire. Ce genre d’article est là pour rappeler que je ne suis pas le seul.
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Si vous avez subi d’énormes pertes sur Atos, sachez qu’une action en réparation est en cours de constitution sur le site Upra.fr (l’Union Pour la Réparation des Actionnaires), pour recouvrer une partie de vos pertes par voie de justice. Cette action sera totalement gratuite pour les plaignants car nous la ferons financer auprès de fonds spécialisés qui prendront un pourcentage en rémunération et l’UPRA ne vous demandera aucun paiement ni cotisation ou autres. À ce jour, plusieurs fonds ont fait part de marques d’intérêts, mais nous n’avons pas encore de réponse définitive. La réponse dépendra du nombre de personnes pré-inscrits et des comptes audités 2023.
Afin de ne pas déstabiliser la société, cette action ne visera ni Atos, ni ses dirigeants ou ex-dirigeants, mais uniquement ses auditeurs (commissaires aux comptes) en particulier DELOITTE supposé être le n°1 mondial de l’audit, mais que l’UPRA soupçonne avoir été très complaisante vis-à-vis d’Atos avec les règles comptables en vigueur, et leur reproche d’avoir fait manquer une chance aux actionnaires de ne pas acheter l’action quand elle était surcotée vis-à-vis de sa réelle valeur et d’avoir fait manquer une chance d’avoir vendu, quand la société s’effondrait et que la comptabilité ne reflétait pas cet effondrement, en particulier une absence totale de dépréciation d’actifs en 2022.
Je rappelle qu’à la publication d’un jugement qui dirait le contraire, Deloitte est supposé avoir certifié les comptes d’Atos de manière totalement sincère, et l’avis exprimé ci-dessous est l’avis de l’UPRA uniquement et reste à l’état de soupçons tant que nos preuves n’auront été validées par un juge.
Pour des raisons de coûts de procédure, elle est réservée aux personnes ayant subi des pertes supérieures à 15 000€ minimum, sinon les coûts judiciaires, avocats, expertises, etc… en millions d’euros seraient supérieurs à la perte et ne seraient pas rentables pour le fonds qui financera ce recours. Soyez assuré qu’il ne s’agit pas de snobisme, mais réellement de contraintes financières.