Partie 2 – ATOS, AIRBUS et TCI – La perturbation des fonds Activistes (analyse-membre par Euro17)

Notre membre Euro17, est expert en F&A, et cela fait plusieurs semaines qu’il nous pond des threads ultra-pointus, qui ont plus vocation à se trouver ici que noyés dans le forum.

Je lui donner la parole via cet un article et avec son accord, en publiant son point de vue au travers de son expérience personnelle et de son expérience boursière sur les fonds activistes et le dossier AIRBUS en particulier.

La photo un peu provocante du crash d’un A320, c’est pas pour le « buzz Airbus », mais pour attirer l’attention sur le côté ultra-nuisible des ces fonds activistes, car ils ont parfois foutu des sociétés en l’air!

Je l’ai intitulé « Partie 2 », car la « Partie 1 », c’est également un de notre membre Euro17 avec la décomposition étapes par étapes du deal Airbus/Evidian de façon très pédagogique et très pointue à la fois, étapes complètes des premières approches jusqu’au paiement du deal.

Le Deal Airbus étant encore loin de la fin, je vous invite vraiment à lire aussi la partie 1 – Le Deal Airbus/Evidian mode d’emploi  pour ceux qui veulent comprendre le déroulement précis d’une telle prise de participation.

Introduction de Map.

Publié par Euro17,  le 26/02/2023 à 19h25

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Les fonds Activistes

Ayant travaillé dans une boite de fonds d’investissements et de gestion, je peux dire d’expérience qu’un fonds activiste présent dans l’actionnariat est “le mal (actionnarial) absolu”.

Leur moyen d’action s’opère toujours par voie de presse et pendant les AG, il faut que ce soit public. Les leviers sont toujours les mêmes et sont au nombre de 2 :

  • remettre en cause la stratégie
  • faire pression sur les dirigeants et administrateurs (parfois aux fins de les évincer)

Leur objectif est unique et simple : maximiser leur investissement, sans aucun état d’âme.

Leur corde sensible : les performances moyennes, médiocres, voir faibles de ces entreprises.

TCI en fait partie. Mais eux ont en plus une hypocrisie bien anglo-saxonne, à savoir se faire passer pour des bons samaritains à travers des engagements philanthropiques, ou des engagements à la mode, dans l’air du temps, qui tend à les rendre crédibles et légitimes vis-à-vis de l’opinion publique.

Rechercher à maximiser un investissement n’est pas mauvais en soi, mais ce qui caractérise un fonds activiste, c’est la brutalité avec laquelle ils agissent (on n’est pas étonné dès lors que ce fonds a financé le mouvement écologiste “radical” extinction rébellion).

A court terme (1 an environ) les sociétés victimes des fonds activistes voient leur cours de bourse monter….MAIS, à moyen/long terme (3-5 ans), c’est l’inverse qui se produit. Le cours tend à sous-performer.

C’est ce qui a été démontré dans une étude de la Harvard Business Review sur une période conséquente (2000 à 2016) et sur un panel statistique significatif (1324 entreprises), donc fiable en terme de résultat.

On constate que les entreprises ciblées par les fonds activistes sont perdantes sur le long terme.

Fort heureusement, les performances financières d’Airbus sont solides et ne plaident pas en la faveur du fonds, s’il venait à remettre en cause la Direction. Alors oui, il y a bien des problèmes opérationnels liées aux problématiques fournisseurs et d’assemblages des avions (avec des livraisons légèrement en retrait des objectifs), mais, au regard des bénéfices records en 2022, il est bien difficile de remettre en question la direction du groupe. C’est là un point important car la performance de l’entreprise est l’appui le plus important d’un fonds pour justifier le bien-fondé de sa démarche.

 

Les Menaces TCI

TCI brandit le menace d’actions en justice? OK, mais sur quel fondement ? Ingérence politique dans les affaires d’Airbus avec “intervention de l’Etat français pour “sauver” ATOS (entreprise aux activités stratégiques et de souveraineté). Bon courage à ce fonds pour soutenir un thèse pareille en justice, d’autant que l’Etat a régulièrement affiché sa préférence pour Thalès, et que c’est au contraire, Airbus qui a du défendre auprès de l’Etat le bien-fondé de son statut souverain “européanisé”.

Les intérêts de TCI à influencer à la baisse l’offre d’Airbus ne sont plus à démontrer, cela a été fait par le passé avec l’affaire Safran/Zodiac.

De même, les intérêts (plutôt les conflits d’intérêts même) de TCI, actionnaire dans des sociétés aux activités concurrentes d’Atos (Microsoft / Alphabet) ont également été démontrés (et très bien repris par  dans son thread “Chris Hohn et TCI : quand le conflit d’intérêt se cache derrière l’activisme actionnarial”).

Pour rappel, les questions adressées par TCI à Airbus sont supposées figurer et être adressées durant l’AG annuelle. Hors, Airbus n’a pas souhaité attendre cette AG, mais veut pouvoir s’entretenir avec TCI dès lundi (selon les dires des Echos).

Qu’est-ce que cela signifie ?

  • Tout d’abord, Airbus veut reprendre le contrôle et la maitrise du temps. Il n’est pas question de laisser TCI parasiter les affaires d’Airbus par voie de presse, et ainsi faire naître des préoccupations, des inquiétudes dans l’esprit des actionnaires. Après cette réunion, les communications publiques de TCI pourraient se retourner contre eux avec un risque de diffamation (s’ils venaient à dénigrer l’entreprise et sa Direction alors qu’ils ont obtenu des réponses à leurs préoccupations), ce qui pourrait les contraindre en cas ultime alors à quitter l’actionnariat d’Airbus.
  • Ensuite, parce qu’Airbus a déjà pris des “engagements” avec ATOS (certes non contraignants), en ayant confirmé par voie de lettre d’intention sont intérêt dans lequel figure nécessairement une fourchette de prix
  • Enfin, parce qu’ATOS va communiquer ses résus dans 2 jours. Des infos positives pourraient finalement inciter d’autres prétendants à se bouger….(quand on veut reprendre une boîte, ce qui prime, ce n’est pas ce que cela coûte, mais ce que cela rapporte, c’est à dire performances à venir)

Les parasitages

Rappelons-nous ce qu’ATOS a dénoncé dernièrement. Ils ont reproché à des sources externes (banques d’affaires et autres..) d’avoir nui à l’entreprise avec propagation d’éléments pas nécessairement fondés, mais menant à la défiance vis-à-vis de l’entreprise et accentuant ainsi la chute du cours.

Rappelons-nous aussi ces campagnes médiatiques où “des sources bien informées” ne cessaient de remettre en question toutes les démarches initiées par Atos, que ce soit pour son plan de cession, mais aussi pour son potentiel actionnaire de référence futur (Thalès plutôt qu’un autre).

Rappelons-nous enfin les analyses “à l’enclume” et recommandations qui ont plombé le cours encore plus, avec pour point d’orgue, l’œuvre de Goldman Sachs (tiens, un anglo-saxon), qui nous sort en septembre un objectif de 8 Euros (recommandation faîte avant les publications et informations du T3, 2022).

Et bien aujourd’hui, ayant épuisé les attaques directes sur ATOS, on a vu apparaître un nouvel angle d’attaque, portant non plus sur l’entreprise, mais ciblant un actionnaire potentiel de l’entreprise.

 

A qui profite le crime?

A TCI? On peut l’imaginer oui. Mais à lui seul uniquement ? Pas sûr.

Sans reprendre les éléments développés de façon exhaustive par Map et Poltron à l’issue d’un long travail de recherche, on ne peut en effet occulter l’influence de tiers qui verraient d’un très bon œil un nouveau coup de massue porté sur ATOS, ceci afin de les contraindre à accepter l’aide d’un “chevalier blanc” à vil prix au cas où Airbus ne parvenait pas à conclure ou, se trouvait contraint de se mettre en retrait pour le moment.

 

En conclusion, je ne vois pas TCI comme un vecteur suffisamment fort pour influer sur la stratégie d’Airbus, mais encore une fois, un parasitage vient semer doute et confusion dans l’esprit des parties prenantes. La Bourse déteste l’incertitude, et à chaque fois, c’est ATOS qui en fait les frais.

Mais pour une fois, ils ne s’en sont pas pris à ATOS directement, mais à une société tierce (Airbus), qui s’intéresse à ATOS. Sauf qu’ici, cette société tierce est puissante et ne souffre pas de performances financières dégradées, bien au contraire. Et de surcroît, cette société semble montrer qu’elle n’a pas l’intention de se laisser faire (avec cette réunion programmée cette semaine avec TCI).  A défaut d’un actionnaire (pour le moment), on pourrait presque dire qu’ATOS se retrouve à tout le moins avec un allié….

Vivement dimanche (pardon, vivement mardi !)