VERSION FRANCAISE : « Attendus » du verdict de première instance SYNTEL contre TRIZETTO (Attendus et décision de la cour par Lorna G. SCHOFIELD, juge fédéral)

TRADUCTION EN FRANCAIS.

Préambule:

Cette version française a été obtenu par une TRADUCTION AUTOMATISÉE « DeepL ».

Pour ceux qui maitrisent l’anglais à minima, cette version ne pourra jamais avoir la richesse de la version originale en anglais que nous vous recommandons en première option.

Après avoir lu l’article, Adrien, un membre m’a contacté et envoyé le message suivant:

Merci pour l’article, j’ai fait faire une traduction par DeepL qui ne me semble plutot bien … c’est bien mieux que Google Translate et c’est gratuit.

Je n’ai pas regardé la totallité du text traduit, mais après lecture diagonale, il me semble qu’à part de nombreuses maladresses dans la traduction mot à mot il n’y a pas de contresens majeurs, raison pour laquelle je la publie.

Je remercie donc notre membre Adrien et je publie une deuxième version de l’article en Français.

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Voilà, c’est elle, la juge qui a condamné Syntel à $570M. Elle n’a pas l’air méchante pourtant 🙂

Et voici les « attendus » du verdict final du 20 avril 2021 après négociations post-verdict. Dans les jours qui viennent le jugement de Lorna Schofield et de son jury, va être confirmé ou va être cassé.

Pour les novices en droit, les « attendus », sont les explications de la cour qui motivent le verdict.

ATTENDUS ET DECISION DE LA COUR, Par Lorna SCHOFIELD, Juge Fédéral de la cour de disctrict de New-York Sud.

Introduction de Map, le 24/03/2023.

Le verdict du procès d’appel étant maintenant attendu à tout instant, il nous est apparu nécessaire de mettre la main au portefeuille. En effet si les documents de la justice fédérale peuvent être téléchargés librement sur le site Pacer.gov, ils ne sont pas gratuits. Cela va de 20cts la pièce et jusqu’à 5€. Non seulement atos.blog est un blog gratuit, mais bénévole. Donc à l’époque de l’article sur les enjeux du procès Syntel, un des tous premiers articles-membres du blog, j’avait téléchargé environ 300 pages ce qui m’avait déjà coûté une trentaine d’euros. Je m’étais donc concentré sur les pièces de l’appel.

Et puis ces derniers jours j’ai craqué. Pour plusieurs raisons. Je ne savais pas qu’aux US, les attendus étaient rendus séparément du verdict. J’avais pris pour aquis (le procès U.S auquel j’avais participé ayant fini par une transaction) que la justice US était expéditive et disait seulement qui avait gagné et les amendes, point barre. J’avais donc téléchargé le verdict (qui figure dans l’article de décembre), sans les attendus.

Et puis notre membre Emijiel m’a envoyé récemment un document très complet qui ressemblait à des extraits d’attendus, car il était écrit ni par un avocat ni par un journaliste, mais par une juge, « Me Lorna Schofield ». Après vérification sur le verdict, c’est bien la juge qui a officié au procès Syntel. Je suis donc immédiatement parti chercher parmi les 996 pièces laquelle pouvait être les « attendus ». Le terme anglais n’est pas intuitif du tout et il m’a fallu pas moins de 30mn pour le trouver.

Mais une fois en main, ce fut « la poule aux oeufs d’or ».  Bien au contraire de mon idée initiale, les attendus aux Etats-Unis sont très détaillés, tellement détaillés qu’ils sont rendus quelques semaines après le verdict le temps pour le juge de les mettre en forme.

Lorna Schofield que vous pourriez prendre pour une grande méchante, si vous êtes actionnaire, type votre pire institutrice avec des vilaines lunettes, vu les $570M ordonnés contre Syntel; c’est au contraire une charmante métisse latino-asiatique, qui fait tout sauf « dérangée » et arbore un joli sourire sur toutes les photos de Google images. Donc non, les juges américains sont pas tous des grands méchants, mais des gens comme vous et moi. Vous pourriez me rétorquer que un joli sourire ça n’est pas synonyme de compétence et vous aurriez en cela fortement raison. Sauf que dans ce cas, je peux vous dire qu’elle à la fois le sourire, et que c’est une juge talentueuse et une sacré bosseuse! Car ses « attendus », c’est du gros calibre niveau droit.

MAIS QUE DÉDUIRE DE TOUT CA ?

CES ATTENDUS SONT ACCABLANTS POUR SYNTEL qui a même continué à frauder durant les 3 premières années du procès (on peut donc en déduire que Bharat Desai est un « voyou » qui a bien eu Breton qui lui même s’est bien laissé avoir tel un « débutant ») et le role du juge de l’appel va être de dire si Lorna Schofield a mal jugé ce procès et prononcé un verdict inique, alors que son travail parait pourtant exemplaire.

MEME SI ELLE N’EST PAS NOUVELLE, J’AI JUGÉ QUE C’ETAIT UNE PIECE ESSENTIELLE A LA COMPRÉHENSION DES CHANCES DE VICTOIRE DE SYNTEL EN APPEL et j’ai donc travaillé dur pour vous le mettre en ligne, le format des documents judiciaires américains est très particulier.

Bien entendu, cet article c’est surtout pour ceux qui ont des grosses positions sur Atos, supérieures à 20 000€, ou à court terme (si vous avez besoin de l’argent avant un an par exemple) car je penche désormais de plus en plus vers une défaite totale de Syntel à la lecture de ces attendus (je vous rappelle que notre spécialiste Lamaban était aussi plutôt défaitiste même si un peu moins que les lignes que je suis en train décrire.

Pour ceux qui ont des petites positions, je me doute bien que vous n’allez pas lire les attendus de tous les procès de toutes les actions que vous détenez 🙂 Car là le temps de lecture est de 20mn à 1h selon votre niveau d’anglais (dsl, mais mon bénévolat ne va pas aller jusqu’à traduire en français un document de 20 pages, mais au moins le format que je propose vous permettra de le passer dans Google translate, ce que je me suis refusé à faire, compte tenu des mauvaises dispositions de Gtranslate pour l’anglais technique)

A titre personnel et pour usage de disclaimer, je précise que j’ai allégé 90% de mes positions sur Atos dans l’attente du verdict qui risque fort d’être confirmé en appel, + les intérêts post appels qui ammèneront la peine totale à 600M€ puisque 2 ans auront passé depuis le verdict initial. Ces intérêts post verdicts ne sont pas soumis à l’apréciation du juge, mais automatiques (entre autre pour éviter les appels abusifs). Selon les taux retenus, on peut estimer si défaite de Syntel, le débours total pour Atos entre 580M€ et 630M€.

J’ai donc décider de publier l’intégralité des attendus aussi parce qu’il me paraissait important que vous puissiez faire votre avis vous même sur la situation, à savoir est-ce que ce verdict est inique ou est-ce qu’il est justifié selon la loi américain et ajuster vos positions selon, essentiellements pour ceux, comme moi, qui ont des positions court termes, selon votre propre avis et non parce que j’ai fortement allégé. Pour ceux qui ont des positions long terme, supérieures ou égales à un an, l’effet de du verdict et de l’amende sera probablement lissé dans le temps et on en parlera même plus dans 6 mois. Enfin sauf au moment des résultats 2023 avec un nouveau RN négatif s’il s’avère que mes prévisions sont juste. Elles ne l’ont pas été pour l’OPA (qui à ma décharge était une prévision autrement plus risquée), donc ça vous laisse un peu de chance, si vous ne partagez pas mon opinion.

  • En toute fin d’article vous pourrez trouver des liens pour télécharger les conclusions d’appel de Syntel et de TriZetto.
  • En toute fin d’article vous pourrez trouvez des liens vers des articles de jurisprudence sur les avoided costs, dont je remercie notre membre Emijiel pour ses recherches.

UN AUTRE ROLE CAPITAL DE CES ATTENDUS, C’EST QU’ILS RESUMENT TOUTE L’HISTOIRE ENTRE SYNTEL ET TRIZETTO DE 2007 à 2015.

Après avoir lu ces attendus (je vous rassure, je ne l’ai pas découvert à cette occasion, les plus grandes parties sont re-expliquées dans les conclusions d’appel des deux parties, que elles, j’avais lu avec Lamaban), c’est que les actes de Syntel sont accablant. Même pendant le procès ils ont continués à frauder et en gros jusqu’au rachat par Atos. Cela pourrait ré-ouvrir la piste de recouvrer une partie de la peine auprès de Bharat Desai l’ex-propriétaire de Syntel, même si cela prendrait au moins 3 à 4 ans, et sous réserve d’appel.

J’ai donc ammendé mes prévisions de victoire de Syntel dans l’article initial où j’étais plus optimiste que Lamaban. J’estime désormais les chances de Syntel de gagner à seulement 30% contre les chances de perdre à 70%. A vrai dire, je serais même beaucoup plus conservateur si le seul arguement vraiment valable n’était pas le risque de créer une jurisprudence définitive sur la disproportion entre la faute et la peine.

Mais quand je vois cette sympathique juge, souriante, MAIS posée, je me dis qu’elle n’a pas prononcé son verdict sans y réfléchir à deux fois. De plus j’ai rarement lu des attendus d’une telle qualité et si argumentés.

PROCES SYNTEL contre TRIZETTO

ATTENDUS ET DECISION DE LA COUR

Par Lorna SCHOFIELD, Juge Fédéral de la cour de district du Sud de New-York

Cette décision fait suite à un procès avec jury de six jours qui s’est tenu en octobre 2020. Le jury s’est prononcé en faveur de The TriZetto Group, Inc. et Cognizant Technology Solutions Corporation (collectivement, « TriZetto ») sur toutes les demandes et demandes reconventionnelles qui ont été jugées. Il s’agit notamment des plaintes de TriZetto pour appropriation illicite de secrets commerciaux en vertu de la Defend Trade Secrets Act (« DTSA ») et de la loi de New York, ainsi que d’une plainte pour violation de droits d’auteur contre Syntel Sterling Best Shores Mauritius Limited et Syntel Inc. (collectivement, « Syntel »). Le jury a également examiné les plaintes déposées par Syntel à l’encontre de TriZetto. Le jury a accordé à TriZetto 284 855 192 dollars de dommages compensatoires et 569 710 384 dollars de dommages punitifs.
Le présent avis porte sur plusieurs requêtes. Avant que l’affaire ne soit soumise au jury, Syntel et TriZetto ont demandé un jugement sur toutes les demandes et demandes reconventionnelles en vertu de la règle fédérale de procédure civile (« règle ») 50(a). La Cour a réservé sa décision sur les requêtes. Après le verdict du jury, Syntel a renouvelé sa demande de jugement sur la base d’une question de droit en vertu de la règle 50(b) ou, à titre subsidiaire, d’un nouveau procès ou d’un remitur en vertu de la règle 59. TriZetto a demandé une injonction permanente et des intérêts antérieurs et postérieurs au jugement sur la somme accordée par le jury.

I. LE CONTEXTE

TriZetto développe des logiciels utilisés par les grandes compagnies d’assurance maladie. L’un de ces logiciels est Facets, une plateforme administrative de soins de santé, qui gère et automatise les processus de ces sociétés, y compris le traitement des demandes d’indemnisation. L’installation, la mise à jour et la personnalisation du logiciel peuvent prendre beaucoup de temps et de personnel. TriZetto a créé des outils logiciels pour faciliter et améliorer les processus d’installation, de personnalisation et de mise à niveau de Facets. Dans le cadre de ses activités, TriZetto fournit également à ses clients des services de conseil en matière de personnalisation et de mise en œuvre de Facets.
Syntel fournit des services de technologie de l’information. En 2010, Syntel et TriZetto ont conclu un accord-cadre de services (« MSA »), en vertu duquel Syntel a accepté de fournir des services de développement de logiciels, de conseil et d’autres services d’assistance aux clients Facets de TriZetto, y compris la personnalisation et la gestion de la plateforme Facets. En 2012, les parties ont modifié le MSA et, entre autres, supprimé une disposition qui interdisait à Syntel de faire concurrence à TriZetto. En 2014, TriZetto a été rachetée par Cognizant, un concurrent de Syntel, et Syntel et TriZetto ont mis fin au MSA et à leur relation.
Syntel a intenté cette action le 12 janvier 2015, en invoquant une rupture de contrat et d’autres revendications. TriZetto a présenté des demandes reconventionnelles. La procédure d’instruction a été longue. Le 31 janvier 2017, le tribunal a ordonné un examen médico-légal neutre des appareils électroniques numériques et des fichiers de Syntel. Le 25 août 2017, le tribunal a rendu une ordonnance de forclusion afin de sanctionner Syntel pour sa mauvaise conduite en matière de communication préalable (l' »ordonnance de forclusion »). L’ordonnance de forclusion a interdit à Syntel (1) « d’offrir ou de présenter des preuves qu’elle n’a pas détourné et copié illégalement les cas de test et les scripts d’automatisation Facets de TriZetto » et (2) « d’offrir ou de présenter des preuves qu’elle a développé de manière indépendante l’un des outils de gestion de la plateforme en cause dans cette affaire. »

II. LES REQUÊTES DE SYNTEL FONDÉES SUR LES RÈGLES 50 ET 59

Syntel demande un jugement en tant que question de droit en vertu de la règle 50(b) sur la plainte de TriZetto pour violation du droit d’auteur et pour secret commercial en vertu de la DTSA et de la loi de New York, et conteste les dommages-intérêts accordés par le jury. Syntel demande à titre subsidiaire un nouveau procès en vertu de la règle 59. En ce qui concerne les dommages-intérêts, Syntel demande également à la Cour un redressement ou un nouveau procès. Les arguments de Syntel concernant la responsabilité sont abordés avant les dommages-intérêts.

      A. NORMES JURIDIQUES

Le jugement en tant que question de droit en vertu de la règle 50(b) n’est approprié « que si le tribunal, considérant la preuve dans la lumière la plus favorable au non-mouvement, conclut qu’un juré raisonnable aurait été contraint d’accepter le point de vue de la partie requérante. » US Airways, Inc. c. Sabre Holdings Corp. 938 F.3d 43, 54 (2d Cir. 2019) (souligné dans l’original) (guillemets internes omis). « Le tribunal ne peut pas évaluer le poids de preuves contradictoires, se prononcer sur la crédibilité des témoins ou substituer son jugement à celui du jury. » Wiercinski v. Mangia 57, Inc, 787 F.3d 106, 113 (2d Cir. 2015) (guillemets internes omis). Une motion au titre de la règle 50 ne peut être accordée que s’il « existe une absence si complète de preuves à l’appui du verdict, que les conclusions du jury n’auraient pu être que le résultat de pures suppositions et conjectures, ou que les preuves en faveur du requérant sont si accablantes que des [personnes] raisonnables et impartiales ne pourraient pas parvenir à un verdict contre [lui] ». Warren v. Pataki, 823 F.3d 125, 139 (2d Cir. 2016) (altérations dans l’original) (citant SEC v. Ginder, 752 F.3d 569, 574 (2d Cir. 2014)). En vertu de la règle 59,  » [u]n tribunal de première instance ne devrait pas faire droit à une requête pour un nouveau procès à moins qu’il ne soit convaincu que le jury […] est parvenu à un résultat gravement erroné ou que le verdict constitue une erreur judiciaire.  » Ali v. Kipp, 891 F.3d 59, 64 (2d Cir. 2018) (guillemets internes omis). « Les remiturs sont une procédure courante utilisée par les tribunaux pour, en fait, réduire le montant d’une indemnité de dommages-intérêts dont le tribunal conclut qu’elle est inadmissiblement élevée. » Turley v. ISG Lackawanna, Inc, 774 F.3d 140, 167 (2d Cir. 2014). Grâce à cette procédure, un tribunal « oblige un demandeur à choisir entre la réduction d’un verdict excessif et un nouveau procès. » Anderson Grp., LLC v. City of Saratoga Springs, 805 F.3d 34, 51 (2d Cir. 2015) (guillemets internes omis).

      B. RESPONSABILITÉ

Syntel demande un jugement sur la base d’une question de droit ou un nouveau procès sur l’appropriation illicite de secrets commerciaux et/ou les revendications de droits d’auteur en se fondant sur quatre arguments : (1) Syntel n’a pas détourné 102 des 104 secrets commerciaux revendiqués car elle était contractuellement autorisée à les utiliser ; (2) TriZetto a renoncé à ses droits et/ou est empêchée d’intenter des actions pour détournement de secrets commerciaux et violation de droits d’auteur ; (3) les secrets commerciaux revendiqués étaient insuffisamment spécifiés en droit et aucun jury raisonnable n’aurait pu déterminer si l’un d’entre eux était qualifié de secret commercial ; et (4) aucun jury raisonnable n’aurait pu conclure que Syntel s’était engagée dans l’appropriation illicite de secrets commerciaux après le 11 mai 2016, date d’entrée en vigueur de la DTSA.
En vertu des normes rigoureuses de la règle 50(b) et de la règle 59, ces contestations sont rejetées.
            1. Amendement 2012
Syntel soutient qu’elle a été autorisée à utiliser les 102 secrets d’affaires non soumis à l’ordonnance de forclusion – c’est-à-dire tous les secrets d’affaires sauf deux en l’espèce – à la suite de l’amendement de 2012 au MSA des parties. Plus précisément, Syntel soutient que la suppression par l’amendement de la disposition de non-concurrence du MSA l’a autorisée à utiliser les informations confidentielles de TriZetto. Le jury a entendu le même argument lors du procès et l’a rejeté. La conclusion du jury n’était pas gravement erronée ou contraire à des preuves accablantes.
Syntel présente son argument comme la construction d’un contrat non ambigu, soulevant une question de droit pour la Cour et contournant ainsi le jury. Comparez Banos v. Rhea, 33 N.E.3d 471, 475 (N.Y. 2015) (« La question de savoir si un contrat est ambigu est une question de droit, et les tribunaux ne peuvent pas recourir à des preuves extrinsèques pour aider à l’interprétation, sauf si le document est ambigu. »), avec Rhoda v. Rhoda, 110 N.Y.S.3d 35, 37 (2d Dep’t 2019) (« La résolution d’une disposition ambiguë, pour laquelle des preuves extrinsèques peuvent être utilisées, incombe au juge des faits. »). (1)

1. La loi de New York s’applique en vertu du MSA.


 

Syntel présente vraisemblablement cet argument maintenant parce que Syntel, représentée par un nouvel avocat au procès, n’a pas soulevé cette question lors du jugement sommaire. Syntel ne cite aucune jurisprudence à l’appui de cette nouvelle approche, et les requêtes postérieures au procès en vertu des règles 50 et 59 se concentrent sur la suffisance de la preuve à l’appui du verdict du jury. Qu’il s’agisse d’une question de droit pour la Cour ou de la suffisance de la preuve devant le jury, l’argument de Syntel ne fournit aucune base pour annuler les conclusions du jury selon lesquelles Syntel a détourné les secrets commerciaux de TriZetto.

Le MSA limitait l’utilisation par Syntel des « informations confidentielles » de TriZetto. La disposition de non-concurrence du MSA, l’article 29.17, interdisait séparément à Syntel de faire concurrence à TriZetto dans certaines circonstances « afin d’empêcher toute utilisation abusive ou divulgation d’informations confidentielles ». PTX-27, p. 62 (§ 29.17 (« Non-concurrence »)). En 2012, les parties ont convenu d’amender le MSA pour supprimer sa disposition de non-concurrence et « toute autre disposition du [MSA] relative à l’interdiction faite à [Syntel] de faire concurrence à TriZetto ». La suppression de la clause de non-concurrence n’autorisait pas Syntel à utiliser les secrets commerciaux revendiqués par TriZetto dans le cadre de la fourniture de services concurrents. L’amendement de 2012 a laissé intactes les dispositions de confidentialité du MSA, les sections 13.01 et 19.01, qui exigent sans ambiguïté que les « données de TriZetto » ne soient pas utilisées « [s]ans l’approbation de TriZetto . . autrement que dans le cadre de la prestation des services par [Syntel] « , PTX-27, p. 35 (§ 13.01), et que Syntel  » tienne ces informations confidentielles pour confidentielles « . PTX-27, p. 42 (§ 19.01). L’Amendement de 2012 n’a pas modifié la définition des  » Services « , qui signifie en substance les services devant être fournis par Syntel en vertu du MSA. PTX-27, p. 8 (§ 1.01(99)). Tel qu’amendé en 2012, le MSA est sans ambiguïté – en droit – que Syntel était libre de concurrencer TriZetto mais que Syntel était toujours obligée par les dispositions de confidentialité du MSA.
Lors du procès, Syntel a présenté le même argument au jury, à savoir que Syntel était autorisée par l’amendement de 2012 à concurrencer les informations confidentielles de TriZetto. Syntel s’est appuyée sur le MSA et l’amendement de 2012, ainsi que sur des preuves extrinsèques, y compris l’accord d’accès des tiers (« TPAA ») de 2013 que TriZetto a signé dans le cadre de la fourniture par Syntel des services Facets au Capital District Physicians’ Health Plan (« CDPHP »). Le jury a manifestement rejeté l’interprétation de Syntel de l’amendement de 2012 et du TPAA. Le jury a conclu sur la feuille de verdict que Syntel avait détourné les secrets commerciaux de TriZetto en violation des lois fédérales et étatiques. Sur la base d’une lecture simple du MSA, y compris de l’amendement de 2012, la conclusion du jury n’était pas gravement erronée ou contraire à des preuves accablantes.
               2. Renonciation et préclusion
Syntel soutient que les plaintes pour appropriation illicite de secrets d’affaires et violation de droits d’auteur sont exclues par ses défenses affirmatives de renonciation et de préclusion, reprenant son interprétation de l’amendement de 2012 et de la TPAA discutée ci-dessus. Les deux défenses ont été présentées au jury pour un verdict contraignant conformément à l’accord des parties, même si ces défenses équitables auraient autrement été décidées par la Cour. Sur la feuille de verdict, le jury a expressément rejeté chaque moyen de défense pour chaque demande. Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, les conclusions du jury n’étaient pas gravement erronées ou contraires à des preuves accablantes.
Syntel avance l’argument supplémentaire selon lequel, même si elle n’était pas autorisée à utiliser les informations de TriZetto alors qu’elle servait des tiers, Syntel supposait raisonnablement qu’elle le pouvait, et le fait que TriZetto n’ait pas alerté Syntel  » constituait un acte de dissimulation  » suffisant pour soutenir une défense d’estoppel. Voir U.S. D.I.D. Corp. c. Windstream Commc’ns, Inc, 775 F.3d 128, 136 (2d Cir. 2014) (déclarant qu’en vertu du droit fédéral, la défense d’estoppel équitable nécessite notamment de démontrer que la partie estoppée a sciemment dissimulé ou fait une fausse déclaration) ; Gaia House Mezz LLC c. State St. Bank & Tr. Co., 720 F.3d 84, 90 (2d Cir. 2013) (même chose en vertu du droit new-yorkais, citant Nassau Tr. Co. c. Montrose Concrete Prods. Corp, 436 N.E.2d 1265, 1269 (N.Y. 1982)).
Syntel met en avant le témoignage du procès selon lequel TriZetto savait que Syntel avait soumissionné contre TriZetto pour servir le CDPHP, que TriZetto avait félicité Syntel après avoir remporté l’appel d’offres et que les parties avaient ensuite signé le CDPHP TPAA, qui autorisait Syntel à utiliser les informations confidentielles de TriZetto pour servir le CDPHP. Le jury a raisonnablement rejeté l’interprétation des événements faite par Syntel. Les mêmes faits permettent raisonnablement de conclure que TriZetto ignorait que Syntel avait l’intention d’utiliser les secrets commerciaux de TriZetto sans autorisation – c’est-à-dire notamment d’utiliser les secrets commerciaux du projet CDPHP pour d’autres clients – et que, par conséquent, TriZetto n’a rien caché. Le rejet par le jury de l’exception d’irrecevabilité était étayé par de nombreuses preuves, même dans le cadre de la théorie de la dissimulation de Syntel.
Syntel avance l’argument connexe selon lequel si TriZetto était empêché d’intenter des actions pour appropriation illicite concernant le matériel de TriZetto fourni par et utilisé pour le CDPHP, un nouveau procès serait alors nécessaire pour les actions pour appropriation illicite sur la base de la règle du verdict général. La règle du verdict général exige un nouveau procès lorsqu' »il n’y a aucun moyen de savoir qu’une réclamation invalide n’était pas la seule base d’un verdict ». Chowdhury v. WorldTel Bangl. Holding, Ltd, 746 F.3d 42, 50 (2d Cir. 2014) (guillemets internes omis). L’argument de Syntel est factuellement incorrect, car l’utilisation de matériaux fournis par CDPHP pour servir CDPHP n’a pas été  » présentée comme adéquate pour prouver la responsabilité  » pour l’appropriation illicite de secrets commerciaux. Morse v. Fusto, 804 F.3d 538, 551 (2d Cir. 2015) (citant AIG Glob. Sec. Lending Corp. v. Banc of Am. Sec., LLC, 386 F. App’x 5, 7 (2d Cir. 2010) (ordonnance sommaire)). Au lieu de cela, TriZetto a présenté un témoignage suggérant que Syntel a détourné les secrets commerciaux de TriZetto du projet CDPHP pour les utiliser avec d’autres clients. (2)

2. Le présent avis ne traite pas des autres arguments de Syntel selon lesquels la règle du verdict général exige un nouveau procès sur les plaintes pour appropriation illicite, car ils reposent sur la prémisse que les secrets commerciaux n’auraient pas dû être soumis au jury, soit parce que (1) l’utilisation des secrets commerciaux était autorisée, soit parce que (2) les secrets commerciaux n’étaient pas spécifiés de manière adéquate. Parce que tous les secrets d’affaires revendiqués ont été correctement soumis au jury – puisque la Cour rejette les arguments d’autorisation et de spécification des secrets d’affaires de Syntel – la règle du verdict général ne s’applique pas.


            

            3. Caractère suffisant de l’identification du secret d’affaires

Syntel demande un jugement sur la base de la loi au motif qu’aucun jury raisonnable n’aurait pu donner raison à TriZetto sur les plaintes pour appropriation illicite de secrets commerciaux, car TriZetto n’a identifié aucun des 104 secrets commerciaux revendiqués avec la spécificité requise par la DTSA et la loi de New York. Cet argument ne tient pas car Syntel n’a pas démontré une « absence totale de preuves » à l’appui du verdict et « que les conclusions du jury ne pouvaient être que le résultat de pures suppositions et conjectures ». Warren, 823 F.3d à 139.
« [L]e deuxième circuit n’a pas carrément articulé les contours précis de l’exigence de spécificité dans le contexte des secrets commerciaux. » Next Commc’ns, Inc. c. Viber Media, Inc, 758 F. App’x 46, 49 n.3 (2d Cir. 2018) (ordonnance sommaire). Les tribunaux de ce district ont exigé qu’un secret commercial soit décrit de manière suffisamment spécifique, non seulement pour que  » le défendeur puisse se défendre de manière adéquate contre les plaintes pour appropriation illicite de secret commercial « , mais aussi  » pour qu’un jury puisse rendre un verdict fondé sur une analyse discriminante des preuves de la divulgation et de l’appropriation illicite.  » Sit-Up Ltd. c. IAC/InterActiveCorp, n° 05 Civ. 9292, 2008 WL 463884, at *11 (S.D.N.Y. Feb. 20, 2008) ; accord Medidata Sol. Inc. v. Veeva Sys. Inc., No. 17 Civ. 589, 2021 WL 467110, à *3 (S.D.N.Y. 9 février 2021). TriZetto a identifié ses secrets d’affaires avec suffisamment de précision pour que le jury puisse évaluer les preuves de divulgation et d’appropriation illicite. (2)

2. Le présent avis ne traite pas des autres arguments de Syntel selon lesquels la règle du verdict général exige un nouveau procès sur les plaintes pour appropriation illicite, car ils reposent sur la prémisse que les secrets commerciaux n’auraient pas dû être soumis au jury, soit parce que (1) l’utilisation des secrets commerciaux était autorisée, soit parce que (2) les secrets commerciaux n’étaient pas spécifiés de manière adéquate. Parce que tous les secrets d’affaires revendiqués ont été correctement soumis au jury – puisque la Cour rejette les arguments d’autorisation et de spécification des secrets d’affaires de Syntel – la règle du verdict général ne s’applique pas.


Lors du procès, TriZetto a affirmé que 104 éléments constituaient des secrets d’affaires, les regroupant en trois catégories : logiciels, guides et manuels, et outils. Pour chacun des 104 secrets d’affaires revendiqués, TriZetto a lié le secret d’affaires revendiqué à des documents particuliers ou à un code source supposé être un secret d’affaires et a en outre identifié les secrets d’affaires revendiqués en relation avec des preuves de l’utilisation par Syntel. Les témoins de TriZetto, y compris son témoin de fait M. Noonan et son expert technique M. Bergeron, ont fourni des témoignages détaillés identifiant et décrivant les secrets d’affaires. En ce qui concerne les secrets d’affaires relatifs aux logiciels et aux outils, le jury a entendu des témoignages expliquant la technologie en détail. Pour les autres secrets de fabrication des guides et manuels, le jury a entendu des témoignages expliquant que chacun d’entre eux contenait du matériel concernant les données, la configuration, les aspects de l’interface utilisateur ou le traitement de Facets et a entendu un témoignage approfondi concernant l’un des secrets de fabrication des guides. Le contre-interrogatoire sur l’identification des secrets d’affaires a été limité. En outre, le jury a été expressément instruit de l’obligation pour TriZetto de prouver la nature de chaque secret commercial, et a reçu une pièce à conviction – soumise conjointement par les parties – qui énumère chaque secret commercial revendiqué par les parties – qui énumère chaque secret commercial revendiqué. Les documents ou le code source liés aux secrets commerciaux revendiqués ont été présentés comme preuves, et aucune objection n’a été soulevée quant à leur admission. Le jury a finalement rendu un verdict selon lequel TriZetto « possédait un ou plusieurs secrets commerciaux » que Syntel avait détournés. TriZetto a donc fourni suffisamment de preuves pour étayer le verdict du jury.
Syntel fait essentiellement valoir que les secrets d’affaires relatifs aux logiciels et les secrets d’affaires relatifs aux guides et aux manuels n’étaient pas suffisamment spécifiés en raison de l’ampleur du code source et du nombre de pages, respectivement, et parce que ces documents contenaient des informations publiques. De même, Syntel soutient que TriZetto n’a pas identifié les secrets d’affaires « réels » parmi les secrets d’affaires revendiqués. Syntel a présenté ces arguments dans son exposé et le jury les a rejetés. La question de savoir si le volume de matériel englobant un secret commercial revendiqué ou l’inclusion de matériel public dans ce matériel signifie qu’un secret commercial a été défini de manière vague dépend du contexte. Voir Motorola, Inc. v. Lemko Corp, No. 08 Civ. 5427, 2012 WL 74319, at *18 (N.D. Ill. Jan. 10, 2012) (appliquant la loi sur les secrets commerciaux de l’Illinois et refusant le jugement sommaire parce que  » bien que [le demandeur] ait identifié un grand nombre d’éléments, il s’est référé à des documents, des fichiers, des inventions et des aspects particuliers de sa technologie, et pas simplement à des méthodes générales ou à des domaines de son activité « ) ; comparez PaySys Int’l, Inc. v. Atos Se, No. 14 Civ. 10105, 2016 WL 7116132, at *10-11 (S.D.N.Y. Dec. 5, 2016) (constatant une spécification inadéquate d’un secret commercial alors qu’il était peu plausible que l’ensemble du logiciel puisse être un secret commercial parce qu’il était composé de millions de codes sources et que des parties substantielles avaient été rendues publiques au cours de trente années d’octroi de licences), avec Harbor Software, Inc. v. Applied Sys., Inc, 887 F. Supp. 86, 89-90 (S.D.N.Y. 1995) (un secret commercial de logiciel peut exister dans la « combinaison unique » de composants individuels qui sont accessibles au public) ; Next Commc’ns, Inc. 758 F. App’x à 48 ( » [L]es programmes de logiciels informatiques qui contiennent des composants qui ne sont généralement pas connus des personnes extérieures ont reçu une reconnaissance judiciaire en tant que secrets commerciaux « . (soulignement ajouté)).
Sur la base des preuves produites au procès, un juré raisonnable pouvait appliquer les critères juridiques pertinents à chaque secret commercial revendiqué, qui, comme expliqué ci-dessus, était nommé, décrit et lié à des documents particuliers. Sur la base de ces identifications, un juré aurait pu raisonnablement déterminer que les secrets d’affaires revendiqués étaient en fait des secrets d’affaires, même s’ils comprenaient des documents publics.
L’argument de Syntel selon lequel les secrets d’affaires n’étaient pas suffisamment spécifiés est rejeté.
               4. Détournement de secrets d’affaires après le 11 mai 2016
Syntel soutient que le jugement devrait être accordé en sa faveur sur la plainte DTSA, en faisant valoir que TriZetto n’a pas identifié d’appropriation illicite après le 11 mai 2016, date d’entrée en vigueur de la DTSA. Voir Defend Trade Secrets Act of 2016, Pub. L. No. 114-153, 130 Stat. 376, 376-382. Les preuves présentées au procès étaient suffisantes pour étayer le verdict de la DTSA.
La DTSA s’applique au comportement antérieur à la promulgation si l’appropriation illicite se poursuit après la date de promulgation. Voir Zirvi v. Flatley, 433 F. Supp. 3d 448, 463 n.9 (S.D.N.Y. 2020), aff’d, 2020 WL 7294559 (2d Cir. Dec. 11, 2020) (rassemblant les cas). Le jury a entendu des preuves à partir desquelles il pouvait raisonnablement conclure que Syntel avait continué à utiliser les secrets commerciaux revendiqués par TriZetto après le 11 mai 2016. Les preuves ont montré que Syntel a utilisé les secrets d’affaires de TriZetto dans le cadre de son activité de conseil Facets et que ce travail s’est poursuivi de juin 2012 à au moins juin 2018. Les preuves ont montré que Syntel a utilisé les informations confidentielles de TriZetto pour mettre à jour le logiciel Facets de son client UnitedHealth Group (« UHG ») et que la mise à jour a eu lieu en novembre 2016. L’un des experts de TriZetto a témoigné que, sur la base de son examen du dossier, il ne voyait aucune preuve que Syntel ait jamais tenté de se débarrasser des secrets commerciaux de TriZetto en sa possession.
À l’appui de sa requête, Syntel tente de réfuter ces preuves – comme elle l’a fait auprès du jury – en faisant valoir que les preuves ne démontrent pas l’appropriation illicite après le 11 mai 2016. Le jury a raisonnablement rejeté ces arguments. Par exemple, Syntel souligne que le témoignage en première instance a établi que Facets était fréquemment mis à jour, que les cas de test et les scripts d’automatisation n’étaient pas réutilisables et que différentes versions des manuels étaient produites au fil du temps. Le jury a entendu ce témoignage et aurait raisonnablement pu déterminer que les versions particulières en cause au procès étaient toujours utilisées après 2016, en se fondant principalement sur le témoignage de l’expert de TriZetto, le Dr Bergeron, et sur les conclusions du rapport d’expertise médico-légale présenté en preuve. Le jury a reçu pour instruction, en ce qui concerne la plainte DTSA, de prendre en compte les actes d’appropriation illicite qui ont eu lieu ou se sont poursuivis le 11 mai 2016 ou après cette date. Sur le formulaire de verdict, le jury a répondu « oui » que TriZetto avait prouvé qu’elle possédait des secrets commerciaux qui avaient été détournés par Syntel en violation de la DTSA « pour la période du 11 mai 2016 au 18 octobre 2020 ». Les preuves étaient suffisantes pour étayer ce verdict.
La motion de la règle 50 de Syntel concernant la responsabilité est rejetée parce que Syntel n’a pas démontré « l’absence totale de preuves à l’appui du verdict ». Voir Warren, 823 F.3d à 139. La demande alternative de Syntel pour un nouveau procès sur la responsabilité en vertu de la règle 59 est également rejetée parce que Syntel n’a pas démontré que le jury a atteint un résultat gravement erroné ou que le verdict est une erreur judiciaire.

      C. DOMMAGES

Le jury a déterminé que TriZetto avait droit à 284 855 192 dollars pour l’appropriation illicite au titre de la DTSA, à 142 427 596 dollars pour l’appropriation illicite au titre de l’accord de New York sur les secrets d’affaires et à 59 100 000 dollars pour la violation des droits d’auteur. Il a été demandé au jury d’accorder un seul montant de dommages-intérêts compensatoires qui ne donnerait pas lieu à des recouvrements multiples pour le même préjudice, et il a accordé 284 855 192 dollars de dommages-intérêts compensatoires au total. Le jury a également accordé des dommages-intérêts punitifs d’un montant de 569 710 384 dollars, soit le double du montant des dommages-intérêts compensatoires. Syntel conteste chaque partie des dommages-intérêts accordés et demande un jugement sur la base d’une question de droit en vertu de la règle 50(b) (3).


3. Syntel demande à titre subsidiaire un renvoi ou un nouveau procès en vertu de la règle 59 sur les dommages-intérêts DTSA et les dommages-intérêts punitifs. Les indemnités accordées par le jury pour l’appropriation illicite du secret commercial dans l’État de New York et pour les droits d’auteur étaient fondées sur la théorie des dommages-intérêts de TriZetto, à savoir l’octroi d’une redevance raisonnable. Bien que les parties aient abordé la question du bien-fondé de ces indemnités dans leurs documents de requête, elles ne sont pas traitées ici puisque le jury, pour éviter un double comptage, ne les a pas prises en compte dans le total des dommages-intérêts compensatoires et s’est fondé exclusivement sur les 284 855 192 dollars de dommages-intérêts en coûts évités pour l’action DTSA.


             

            1. Coûts évités

Lors du procès, TriZetto a demandé 284 855 192 dollars de dommages-intérêts au titre de l’appropriation illicite au sens de la loi DTSA. TriZetto a fait valoir que Syntel s’était injustement enrichie de ce montant parce que Syntel avait évité de dépenser ce montant en frais de développement en volant et en utilisant les secrets commerciaux de TriZetto au lieu d’encourir le coût du développement des secrets commerciaux par ses propres moyens. Le jury a accepté cet argument et a accordé 284 855 192 dollars de dommages compensatoires. Syntel soutient que (1) les dommages-intérêts au titre des coûts évités sont une mesure inadmissible des dommages-intérêts en droit et (2) qu’aucun jury raisonnable ne pourrait conclure que les dommages-intérêts accordés ont un lien de causalité avec l’appropriation illicite en vertu de la loi DTSA.
Ces deux arguments sont rejetés.
                        a) Les coûts évités constituent une mesure appropriée des dommages-intérêts

La DTSA autorise expressément l’enrichissement sans cause à titre de dommages-intérêts. La DTSA permet à un plaignant de demander :


les dommages-intérêts pour la perte réelle causée par l’appropriation illicite ; et … les dommages-intérêts pour tout enrichissement injuste causé par l’appropriation illicite … qui n’est pas pris en compte dans le calcul des dommages-intérêts pour la perte réelle ; ou … au lieu des dommages-intérêts mesurés par [ces] méthodes, les dommages-intérêts … mesurés par l’imposition de la responsabilité d’une redevance raisonnable pour la divulgation ou l’utilisation non autorisée du secret d’entreprise par l’auteur de l’appropriation illicite.


 

18 U.S.C. § 1836(b)(3)(B) (soulignement ajouté). Les dommages-intérêts pour enrichissement sans cause comprennent ce que les parties appellent les « coûts évités », c’est-à-dire les coûts de développement que Syntel a évité d’encourir lorsqu’elle a détourné les secrets d’affaires de TriZetto. Ces coûts évités sont recouvrables en tant que dommages-intérêts pour enrichissement sans cause en vertu de la DTSA et de ses équivalents en droit étatique dérivés de la loi uniforme sur les secrets d’affaires (« UTSA ») (Unif. Law Comm’n 1985). Voir, par exemple, Epic Sys. Corp. v. Tata Consultancy Servs. Ltd, 980 F.3d 1117, 1130 (7th Cir. 2020) (confirmant les dommages-intérêts pour coûts évités accordés en vertu de l’UTSA du Wisconsin en tant que dommages-intérêts pour enrichissement sans cause) ; Children’s Broad. Corp. v. Walt Disney Co, 357 F.3d 860, 866 (8th Cir. 2004) (interprétation d’une formulation identique en vertu de l’UTSA du Minnesota, et confirmation d’une sentence du jury lorsque les preuves ont montré que les défendeurs « ont accéléré leur entrée sur le marché en utilisant les informations [du plaignant] ») ; Motorola Sols, Inc. v. Hytera Comm’cns Corp, 2020 WL 6554645, at *12-15 (N.D. Ill. 19 oct. 2020) (ratifiant l’attribution par le jury des coûts de recherche et de développement évités par le défendeur en tant qu’enrichissement sans cause en vertu de la DTSA) ; Steves & Sons, Inc. v. JELD-WEN, Inc, 2018 WL 2172502, au *6 (E.D. Va. 10 mai 2018) (expliquant que les coûts évités sont « considérés de manière appropriée » comme faisant partie des « dommages-intérêts pour enrichissement sans cause » du demandeur de secret commercial recouvrables en vertu de la DTSA) ; voir généralement Restatement (Third) of Unfair Competition (« Restatement ») § 45 cmt. c (1995) (« Dans certaines situations, l’enrichissement du défendeur est représenté par les bénéfices des ventes rendues possibles par l’appropriation ; dans d’autres, par les économies réalisées grâce à l’utilisation du secret commercial dans l’entreprise du défendeur »).

Syntel soutient qu’un demandeur n’a pas le droit de récupérer la valeur totale d’un secret commercial lorsque le secret a encore de la valeur pour le demandeur. Bien que cette proposition puisse être correcte, voir Softel, Inc. v. Dragon Med. & Sci. Comm’cns, Inc, 118 F.3d 955, 969 (2d Cir. 1997) (interprétant la loi de New York), elle interprète mal les dommages-intérêts accordés en l’espèce. Tout d’abord, le DTSA autorise expressément le recouvrement des pertes subies par un demandeur et/ou l’enrichissement sans cause d’un malfaiteur, à condition qu’il n’y ait pas de double comptage. Les dommages-intérêts correspondant à la valeur totale du secret d’affaires appartiennent à la première catégorie – perte pour un demandeur – et ne peuvent logiquement pas être accordés si la valeur n’est en fait pas perdue. En revanche, les dommages-intérêts pour coûts évités appartiennent à la seconde catégorie, celle de l’enrichissement sans cause, et représentent le gain injustifié de la partie qui a détourné le secret d’entreprise. Il n’existe aucune limite juridique ou conceptuelle à ces dommages-intérêts, fondée sur la valeur continue du secret commercial pour le demandeur. Les dommages-intérêts pour enrichissement sans cause découlent d’une politique visant à empêcher les malfaiteurs de conserver des gains mal acquis et n’exigent donc pas une perte correspondante pour le plaignant. Voir Russo v. Ballard Med. Prods, 550 F.3d 1004, 1021 (10th Cir. 2008) (interprétation d’un libellé de dommages-intérêts identique dans l’Utah UTSA et rejet du point de vue selon lequel les dommages-intérêts pour enrichissement sans cause exigent du défendeur qu’il fasse concurrence au plaignant parce qu’ils servent prétendument d’indicateur du manque à gagner du plaignant, car les dommages-intérêts pour enrichissement sans cause reflètent plutôt le « désir du législateur de s’assurer que les auteurs d’appropriation illicite ne sont pas autorisés à conserver les gains mal acquis résultant de leurs actes illégaux d’appropriation illicite ») ; Univ. Computing Co. v. Lykes-Youngstown Corp.., 504 F.2d 518, 536 (5th Cir. 1974) (« [L]e risque de l’entreprise des défendeurs, utilisant le secret détourné, ne devrait pas être placé sur le demandeur lésé, mais plutôt les défendeurs doivent supporter le risque d’échec eux-mêmes. »). En l’espèce, TriZetto n’a pas cherché à obtenir la valeur totale du secret pour TriZetto. Au contraire, TriZetto a demandé le montant que Syntel a économisé en coûts de développement et a utilisé les coûts de développement réels de TriZetto comme approximation, ce qui est une façon courante de déterminer les coûts évités d’un malfaiteur. Voir GlobeRanger Corp. v. Software AG United States of Am., Inc. 836 F.3d 477, 499 (5th Cir. 2016) ( » Les coûts qu’un plaignant a dépensés en développement […] peuvent être une approximation des coûts évités. peuvent être une approximation des coûts que le défendeur a économisés. »).
Syntel fait valoir séparément qu’il n’y a pas lieu d’accorder des coûts évités lorsque la perte réelle de TriZetto – sous la forme d’un manque à gagner – et l’enrichissement sans cause de Syntel – sous la forme d’une augmentation des recettes – peuvent être facilement mesurés. Cet argument est erroné. Tout d’abord, le fait que la perte réelle de TriZetto puisse être quantifiée n’exclut pas les dommages-intérêts pour enrichissement sans cause. La DTSA autorise expressément l’octroi de dommages-intérêts pour perte réelle et pour enrichissement sans cause, à condition qu’il n’y ait pas de double comptage. Voir 18 U.S.C. § 1836(b)(3)(B). L’octroi de l’un n’exclut pas l’autre. Voir, par exemple, Lightning Box Games Pty, Ltd. v. Plaor, Inc, 2017 WL 7310782, at *11 (N.D. Cal. 29 déc. 2017), rapport et recommandation adoptés, 2018 WL 3069296 (N.D. Cal. 27 fév. 2018) (accordant à la fois des pertes réelles et un enrichissement sans cause en vertu de l’UTSA californien et expliquant que le DTSA autorise les mêmes dommages mais qu’une telle attribution entraînerait un double recouvrement) ; LexMac Energy, L.P. v. Macquarie Bank Ltd, 2014 WL 12669718, at *38 (D.N.D. Feb. 19, 2014), aff’d sub nom. Macquarie Bank Ltd. v. Knickel, 793 F.3d 926 (8th Cir. 2015) (concluant que le demandeur de secrets d’affaires pouvait recouvrer à la fois les pertes réelles et l’enrichissement sans cause en vertu de la disposition relative aux dommages-intérêts de l’UTSA, et expliquant que  » [l]es tribunaux appliquant un langage identique provenant des lois uniformes d’autres États ont permis le recouvrement de dommages-intérêts à la fois pour les pertes réelles et l’enrichissement sans cause dans la mesure où ces dommages-intérêts ne sont pas redondants « ).
Deuxièmement, le fait que les revenus de Syntel provenant de l’appropriation illicite puissent être déterminés n’exclut pas non plus que les coûts évités puissent être utilisés pour mesurer les dommages-intérêts. Les deux sont une forme d’enrichissement injuste, mais les coûts évités peuvent être une mesure plus appropriée des dommages-intérêts lorsque le malfaiteur n’a réalisé qu’un bénéfice modeste – comme Syntel l’a fait en l’espèce – ou aucun bénéfice de l’utilisation des secrets commerciaux ; le malfaiteur, et non la partie lésée, devrait supporter le risque commercial que l’utilisation par le malfaiteur des secrets commerciaux volés ne sera pas rentable. Voir GlobeRanger, 836 F.3d à 500 (confirmant une sentence basée sur les économies réalisées par le défendeur ; « le malfaiteur ne devrait pas bénéficier d’une perspective rétrospective selon laquelle son pari de détourner le secret commercial s’est avéré moins rentable ») ; Restatement § 45 cmt. f (« Si le bénéfice tiré par le défendeur consiste principalement en des économies de coûts, [les dommages-intérêts] basés sur les économies réalisées grâce à l’utilisation du secret commercial peuvent être la mesure la plus appropriée de la réparation »).
Les dommages-intérêts pour coûts évités sont légalement justifiés en vertu de la DTSA.
                     b) Les éléments de preuve étaient suffisants pour justifier l’attribution des coûts évités
La DTSA prévoit des « dommages-intérêts pour tout enrichissement injuste causé par l’appropriation illicite ». 18 U.S.C. § 1836(b)(3)(B). Syntel soutient qu’aucun jury raisonnable ne pourrait conclure que les coûts évités avaient un lien de causalité avec l’appropriation illicite donnant lieu à une responsabilité en vertu de la DTSA. Cet argument est erroné.
Comme indiqué ci-dessus, les éléments de preuve étayent une violation de la DTSA en montrant que Syntel a utilisé les secrets d’affaires pour la mise à niveau d’UHG après la date d’entrée en vigueur de la DTSA, le 11 mai 2016. Le Dr Bergeron a témoigné qu’une mise à niveau telle que celle effectuée par Syntel pour UHG nécessitait l’utilisation de secrets d’affaires de TriZetto. Il a expliqué que la « mise à niveau a en fait été effectuée en novembre 2016 » et qu’elle nécessiterait « les trois [secrets commerciaux des logiciels] […] pour passer de cette première version à une version plus récente ». Le passage de cette première version à une version ultérieure nécessitera deux versions de Facets, ainsi que les deux versions de cet outil de mise à niveau, les outils de construction de la base de données et l’outil de mise à niveau du cadre. Tr. 306:21-307:3.
En considérant les preuves sous l’angle le plus favorable à TriZetto, le jury disposait d’une base suffisante pour déterminer que Syntel avait obtenu un avantage déloyal en détournant les secrets commerciaux de TriZetto – Syntel pouvait concurrencer immédiatement TriZetto, et l’a fait, pour fournir des services de conseil complexes, y compris en effectuant la mise à niveau de l’UHG. Le jury a entendu le témoignage de M. Britven selon lequel, en utilisant les secrets d’affaires de TriZetto, Syntel a pu aller « directement sur le marché avec les produits associés », ce qui était « très avantageux ». Tr. 385:9-20. Un juré raisonnable pourrait déterminer, sur la base de ce témoignage, que Syntel a bénéficié d’un avantage en étant capable d’entrer sur le marché du conseil complexe sans avoir eu à développer les secrets d’affaires nécessaires pour de tels services. Le jury a vu un courriel qui suggérait que le projet UHG était le « premier coup » pour entrer sur le marché de la consultation de Facets et pourrait en déduire que Syntel craignait de ne pas avoir accès à la documentation et aux manuels des produits TriZetto et devrait « [b]uild[] Syntel capabilities very strong around TriZetto products » (développer les capacités de Syntel autour des produits TriZetto). DTX-5. Il existe des preuves circonstancielles à partir desquelles un jury pourrait déterminer que Syntel a décidé d’entrer sur le marché avec un plan pour détourner les outils de secret commercial de TriZetto. Un jury raisonnable pourrait donc déterminer que, par son détournement, Syntel a bénéficié d’un avantage sous la forme de coûts évités.
                2. Dommages-intérêts punitifs
La loi DTSA autorise le recouvrement de dommages-intérêts punitifs « si le secret commercial a été détourné de manière délibérée et malveillante » et « pour un montant ne dépassant pas deux fois le montant des dommages-intérêts [compensatoires] accordés en vertu du sous-paragraphe (B) ». 18 U.S.C. § 1836(b)(3)(C). Le jury a accordé 569 710 384 dollars de dommages-intérêts punitifs, soit deux fois le montant des dommages-intérêts compensatoires.
Syntel soutient que les dommages-intérêts punitifs accordés par le jury ont violé la procédure légale et que le verdict devrait être réduit en vertu de la règle 50. (4)

4. Le Second Circuit n’a pas encore décidé si un montant punitif constitutionnellement excessif peut être directement réduit par la Cour plutôt que d’utiliser le remittitur. Turley, 774 F.3d à 168.


Alternativement, si le montant n’est pas excessif d’un point de vue constitutionnel, Syntel demande un remittitur, qui offre au bénéficiaire le choix entre une réduction du montant et un nouveau procès. La Cour estime que les dommages-intérêts punitifs sont excessifs – justifiant un nouveau procès à moins que TriZetto n’accepte un montant inférieur – et qu’il n’y a pas lieu d’examiner la question constitutionnelle de savoir s’ils ont violé les droits de la défense.

L’attribution de dommages-intérêts punitifs doit être juste, raisonnable, prévisible et proportionnée. Payne v. Jones, 711 F.3d 85, 93 (2d Cir. 2013) (guillemets omis). En vertu de la common law fédérale, un verdict de jury est excessif lorsque l’indemnité est « si élevée qu’elle choque la conscience judiciaire et constitue un déni de justice. » Id. à 96 (guillemets omis). Un verdict de jury viole la clause de respect des droits de la défense du quatorzième amendement lorsqu’il est « manifestement excessif ». BMW of North America, Inc. v. Gore, 517 U.S. 559, 568 (1996) ; State Farm Mut. Auto. Ins. Co. v. Campbell, 538 U.S. 408, 416-17 (2003). Une décision excessive du jury peut être annulée et justifier un remittitur en vertu de la common law fédérale, (5)


5. Syntel a été jugée responsable à la fois en vertu du droit fédéral et du droit new-yorkais. La sentence du jury couvrait toutes les demandes sans distinction. Une cour fédérale dans une affaire régie par le droit de l’État doit appliquer la norme du droit de l’État pour déterminer l’opportunité d’un remittitur. Voir Gasperini v. Cent for Humanities, Inc, 518 U.S. 415, 429-30 (1996) ; Restivo v. Hessemann, 846 F.3d 547, 587 (2d Cir. 2017). Aucune des parties n’affirme que la norme étatique devrait s’appliquer. La sentence est examinée selon la norme fédérale, car « le plaignant qui obtient gain de cause [doit] être payé en vertu de la théorie de la responsabilité qui fournit le recouvrement le plus complet. » Singleton v. City of N.Y., 496 F.Supp.2d 390, 393 (S.D.N.Y. 2007) (citant Magee v. U.S. Lines, Inc., 976 F.2d 821, 822 (2d Cir. 1992)), aff’d, 308 F. App’x 521 (2d Cir. 2009). La norme étatique applicable, comparée à la norme fédérale, fait preuve de moins de déférence à l’égard d’un verdict de jury et exige un examen plus rigoureux. Voir Duarte v. St. Barnabas Hosp., 341 F. Supp. 3d 306, 319 (S.D.N.Y. 2018).


 

même si l’indemnité n’est pas grossièrement excessive au point de violer la procédure régulière. Voir Payne, 711 F.3d à 97, 100. La Cour suprême a défini trois « points de repère » pour l’examen des dommages-intérêts punitifs en vue de déterminer s’ils sont excessifs. Turley, 774 F.3d à 165. Ces principes directeurs sont les suivants : (1) « le degré de répréhensibilité » associé aux actions [du malfaiteur] ; (2) « la disparité entre le préjudice ou le préjudice potentiel subi » et le montant des dommages-intérêts punitifs ; et (3) la différence entre la réparation dans cette affaire et les sanctions imposées dans des affaires comparables. Id. (citant Gore, 517 U.S. à 575).

                  a) Premier principe directeur : Degré de répréhensibilité
Le premier critère – le caractère répréhensible de la conduite – est le plus important. Voir Gore, 517 U.S. à 575. Cinq facteurs sont pertinents pour cette évaluation : si « [1] le préjudice causé est physique plutôt qu’économique ; [2] le comportement délictueux témoigne d’une indifférence ou d’un mépris inconsidéré de la santé ou de la sécurité d’autrui ; [3] la cible du comportement est financièrement vulnérable ; [4] il s’agit d’actions répétées ou d’un incident isolé ; et [5] le préjudice est le résultat d’une intention malveillante, d’une ruse ou d’une tromperie, ou d’un simple accident ». State Farm, 538 U.S., 419. « L’existence d’un seul de ces facteurs pesant en faveur d’un plaignant peut ne pas être suffisante pour justifier l’octroi de dommages-intérêts punitifs ; et l’absence de l’ensemble de ces facteurs rend tout octroi suspect. Id. Les parties conviennent que les trois premiers facteurs de « répréhensibilité » ne s’appliquent pas en l’espèce. Le comportement de Syntel n’a pas blessé physiquement ou tué quelqu’un, et TriZetto – acquise en 2014 par Cognizant pour 2,7 milliards de dollars – n’était pas une cible financièrement vulnérable.
Le quatrième facteur – des actions répétées ou un incident isolé – pèse en faveur de la conclusion que Syntel a eu un comportement répréhensible. Les preuves ont montré que Syntel a adopté un comportement illégal soutenu à l’encontre de TriZetto sur une période de plusieurs années. Par exemple, TriZetto a produit des preuves que Syntel a détourné plus de 100 secrets commerciaux de Syntel, y compris le téléchargement de plus de 700 cas de test et scripts d’automatisation, dans le cadre d’une stratégie à long terme. Voir, par exemple, Epic Sys, 980 F.3d à 1141 (constatant que le quatrième facteur pesait en faveur de la conclusion d’un comportement répréhensible lorsque le comportement fautif du défendeur était dirigé de manière répétée mais uniquement contre le demandeur). (6)

6. Il n’est pas clair si le quatrième facteur inclut la conduite répétée à l’encontre du plaignant ou s’il se concentre sur la conduite à l’encontre de plusieurs victimes. Dans l’affaire State Farm, la Cour suprême semble envisager une conduite illégale répétée à l’encontre d’autres personnes comme le plaignant. 538 U.S., p. 409-410. Le Second Circuit dans Lee v. Edwards, 101 F.3d 805, 810 (2d Cir. 1996), semble partager cette interprétation mais ne le dit pas définitivement. Les tribunaux de district de ce circuit sont partagés. Comparez Fernandez v. N. Shore Orthopedic Surgery & Sports Med, P.C., 79 F. Supp. 2d 197, 208 n.15 (E.D.N.Y. 2000) (« L’expression « cas répétés de mauvaise conduite », telle qu’utilisée par le deuxième circuit dans Lee v. Edwards … semble se référer à la preuve d’une mauvaise conduite répétée à l’égard d’autres employés plutôt qu’à une mauvaise conduite répétée contre le demandeur ») avec Allam v. Meyers, 906 F. Supp. 2d 274, 292 (S.D.N.Y. 2012) (le préjudice impliquait des actes de violence et des menaces de violence répétés et intentionnels à l’encontre d’une seule victime). Quoi qu’il en soit, une mauvaise conduite répétée à l’encontre d’un plaignant est plus grave qu’un incident unique.


Le cinquième facteur – à savoir si la conduite était intentionnelle et trompeuse ou simplement accidentelle – est le facteur le plus décisif pour conclure que la conduite de Syntel était répréhensible. TriZetto a présenté des preuves que Syntel a agi délibérément, qu’elle a adopté un plan en 2012 pour « entrer en guerre » avec TriZetto, en utilisant un « arsenal » de secrets commerciaux de TriZetto pour cibler les clients de TriZetto. Par exemple, les employés de Syntel ont partagé des outils à utiliser pour servir les clients de TriZetto avec l’équipe interne de conseil en produits de Syntel. TriZetto a également présenté des éléments de preuve montrant que Syntel avait tenté de dissimuler la possession ou l’utilisation de secrets d’affaires, par exemple en utilisant des références telles que « T$Z » pour déjouer des recherches ultérieures dans les courriers électroniques, ou en dissimulant des marques identifiant un document comme étant celui de TriZetto. TriZetto a également apporté la preuve que, lorsque l’expert judiciaire neutre a tenté d’examiner les ordinateurs de Syntel à la recherche de secrets commerciaux de TriZetto, dix-sept des ordinateurs n’ont pu être trouvés et ont été découverts plus tard, apparemment cachés dans un placard en Inde. Bien que Syntel ait proposé d’autres scénarios innocents et d’autres preuves, ils n’ont pas convaincu le jury. À la lumière des éléments de preuve, considérés sous l’angle le plus favorable à TriZetto, le comportement de Syntel était répréhensible, mais pas au même titre qu’un comportement meurtrier ou mettant en danger la vie d’autrui.
                b) Deuxième principe directeur : Relation entre les dommages-intérêts punitifs et le préjudice
Le deuxième critère est la relation entre les dommages-intérêts punitifs et « le préjudice, ou le préjudice potentiel ». Voir Gore, 517 U.S. à 575. Cela signifie généralement qu’il faut déterminer le rapport entre les dommages-intérêts punitifs et les dommages-intérêts compensatoires, qui sont généralement mesurés en fonction de la perte subie par le plaignant. Voir, par exemple, Gore, 517 U.S. à 559. Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, les dommages-intérêts compensatoires, dans cette affaire, ne sont pas basés sur la perte de TriZetto ; au contraire, ils sont basés sur l’enrichissement sans cause de Syntel. Dans les circonstances particulières de cette affaire, il est approprié d’utiliser les dommages-intérêts compensatoires accordés par le jury comme dénominateur du ratio, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le DTSA – qui est à la base de la compensation – prévoit que le ratio pertinent est basé sur les dommages-intérêts compensatoires DTSA accordés. La loi autorise les dommages compensatoires basés sur la perte réelle, l’enrichissement sans cause et une redevance raisonnable. 18 U.S.C. 1836(b)(3)(B). La DTSA autorise expressément des dommages-intérêts exemplaires basés sur un multiple « des dommages-intérêts accordés en vertu du sous-paragraphe (B) », quel qu’il soit. Id. à 1836(b)(3)(C). Ainsi, le ratio des dommages-intérêts punitifs est basé sur les dommages-intérêts effectivement accordés et est limité à un ratio de 2:1, un ratio relativement modeste en termes généraux.
Deuxièmement, au moins une affaire du deuxième circuit suggère que le montant des dommages-intérêts compensatoires constitue le dénominateur approprié, mais que la mesure de ces dommages-intérêts affecte l’évaluation du ratio. Dans l’affaire Turley v. ISG Lackawanna, Inc, le Second Circuit a évalué la relation entre « le montant compensatoire » et les dommages-intérêts punitifs. 774 F.3d à 166. Les dommages compensatoires étaient des « dommages émotionnels ». Id. à 165. Ces dommages ne mesurent aucun type de perte économique, et la Cour les a décrits comme « intangibles et donc incommensurables ». Id. La Cour a estimé que ce type de dommages justifiait un rapport acceptable plus faible entre les dommages-intérêts punitifs et les dommages-intérêts compensatoires. Sur cette base, la Cour a rejeté le ratio de 4:1 et a conclu qu’un ratio de 2:1 était le maximum admissible sur la base « d’une indemnité compensatoire nécessairement largement arbitraire ». Id., p. 166. Bien que les dommages-intérêts compensatoires, en l’espèce, ne soient pas arbitraires et soient en fait très concrets, ils ne représentent pas non plus la « perte » de TriZetto et constituent une approximation – les coûts de développement de TriZetto – pour déterminer l’enrichissement sans cause de Syntel. L’approche adoptée dans l’affaire Turley suggère donc que le ratio applicable des dommages-intérêts accordés en l’espèce est de 2:1 et qu’une relation plus étroite, c’est-à-dire un ratio inférieur plutôt qu’un ratio supérieur, constitue une limite appropriée pour les dommages-intérêts punitifs.
Troisièmement, dans une affaire similaire à la présente, le septième circuit a évalué une condamnation à des dommages-intérêts punitifs sur la base d’une plainte pour appropriation illicite de secrets commerciaux, alors que le jury avait accordé des dommages-intérêts compensatoires sur la base des coûts évités. Voir EpicSys, 980 F.3d à 1140-45. En analysant le deuxième principe directeur, la Cour a utilisé les dommages compensatoires comme dénominateur du ratio pour évaluer les dommages-intérêts punitifs. Id. à 1143. La Cour a noté que le préjudice économique du plaignant était nettement inférieur aux dommages-intérêts pour coûts évités et que leur utilisation « modifierait radicalement le ratio pertinent ». Id. à 1143. Bien que la Cour ait jugé que l’auteur de l’appropriation illicite avait renoncé à l’argument selon lequel les dommages-intérêts compensatoires constituaient le dénominateur incorrect, la Cour a également observé qu’au moins « un autre tribunal avait comparé les dommages-intérêts pour enrichissement sans cause aux dommages-intérêts punitifs dans le cadre de ce principe directeur. . . . » Id. (citant Rhone-Poulenc Agro, S.A. v. DeKalb Genetics Corp, 272 F.3d 1335, 1351 (Fed. Cir. 2001), vacated sub nom. DeKalb Genetics Corp. v. Bayer CropScience, S.A., 538 U.S. 974, (2003), opinion rétablie telle que modifiée, 345 F.3d 1366 (Fed. Cir. 2003) (parvenant au même résultat en ce qui concerne les dommages-intérêts punitifs). La Cour a donc déterminé que le rapport entre les dommages-intérêts punitifs et les dommages-intérêts compensatoires effectivement accordés était de 2:1, et a estimé qu’un rapport de 1:1 donnerait le montant maximum autorisé. Id. à 1145.
Dans cette affaire, comme nous l’avons vu plus haut, les dommages-intérêts compensatoires accordés par le jury se sont élevés à environ 285 millions de dollars, sur la base de l’enrichissement sans cause de Syntel et non de la perte réelle de TriZetto, qui est beaucoup moins importante. Les dommages-intérêts punitifs accordés par le jury étaient deux fois plus élevés que les dommages-intérêts compensatoires, soit environ 570 millions de dollars, ce qui correspond à un rapport de 2:1. Comme dans l’affaire Epic, et comme le suggère l’approche adoptée dans l’affaire Turley, ces dommages-intérêts punitifs sont excessifs.
                   c) Troisième principe directeur : Sanctions civiles
Le troisième critère – les sanctions imposées par la loi pour le comportement donnant lieu à des dommages-intérêts punitifs – n’est guère utile en l’espèce. Il n’existe aucune sanction civile pertinente à des fins de comparaison. Le plafond des dommages-intérêts punitifs de la DTSA suggère que le Congrès estime qu’il serait inapproprié d’accorder des dommages-intérêts punitifs dépassant un ratio de 2:1, mais il ne suggère pas que le Congrès ait envisagé que tous les dommages-intérêts dans les limites de ce plafond soient proportionnés et non excessifs.

                  d) Comparaison avec des cas similaires

Outre les principes directeurs de Gore, la comparaison avec les dommages-intérêts punitifs accordés dans des affaires similaires peut également fournir des indications utiles. Voir Payne, 711 F.3d à 104. « L’entreprise est précaire car les différences factuelles entre les affaires peuvent rendre difficile l’établissement de comparaisons utiles. Id. à la page 105. Néanmoins, cette comparaison montre que les dommages-intérêts punitifs sont excessifs. Comme indiqué ci-dessus, Epic Systems est une action similaire pour appropriation illicite de secrets d’affaires qui a donné lieu à l’octroi de dommages-intérêts pour coûts évités. Le comportement de l’auteur de l’appropriation illicite était tout aussi répréhensible que le comportement en l’espèce. Le jury a accordé 240 millions de dollars en coûts évités pour l’appropriation illicite par Tata d’informations relatives au logiciel d’Epic et 700 millions de dollars en dommages-intérêts punitifs. Voir Epic Sys, 980 F.3d à 1136. Le tribunal de district a réduit les dommages-intérêts compensatoires et les dommages-intérêts punitifs à 140 millions de dollars et 280 millions de dollars respectivement. Id. à 1124. Le septième circuit a déterminé que cette réduction des dommages-intérêts punitifs était encore excessive et violait la procédure régulière – même si les dommages-intérêts punitifs respectaient le plafond de la loi du Wisconsin qui limite les dommages-intérêts punitifs à deux fois les dommages-intérêts compensatoires. Id., p. 1144. La Cour a estimé que le montant maximal autorisé pour les dommages-intérêts punitifs était « au plus de 140 millions de dollars », c’est-à-dire un ratio de 1:1. Id., p. 1145.

Dans l’affaire Motorola Solutions, Inc. c. Hytera Comm. Corp. une récente affaire de secret commercial en vertu de la DTSA, le tribunal de district a déterminé qu’une condamnation à des dommages-intérêts punitifs de 418 millions de dollars était appropriée pour une condamnation à des dommages-intérêts compensatoires de 346 millions de dollars. Motorola, 2020 WL 6554645 à *12, *15. Cela donne un ratio de dommages-intérêts punitifs par rapport aux dommages-intérêts compensatoires d’environ 1,2:1. Dans l’affaire Motorola, le tribunal a estimé que les dommages-intérêts punitifs n’étaient pas excessifs au point de violer les droits de la défense parce qu’ils respectaient le plafond fixé par la DTSA pour les dommages-intérêts exemplaires et parce qu’ils étaient justifiés par la conduite examinée au cours du procès. Voir id. à *15.

                   e) Totalité des facteurs

Compte tenu de l’ensemble des facteurs, les 570 millions de dollars de dommages-intérêts punitifs accordés en l’espèce sont excessifs au regard de la common law fédérale. Compte tenu de l’importance des dommages-intérêts compensatoires – calculés sur la base du bénéfice de Syntel – de la conduite répréhensible mais non flagrante de Syntel, et à la lumière d’affaires similaires, un ratio de 1:1 par rapport aux dommages-intérêts compensatoires est le montant le plus élevé qui puisse être accordé. En conséquence, le montant des dommages-intérêts punitifs de 569 710 384 $ est excessif et sera réduit à 284 855 192 $ si TriZetto accepte le remittitur. Dans le cas contraire, la requête de Syntel pour un nouveau procès sur la question des dommages-intérêts punitifs est accordée.

Étant donné que Syntel conteste l’octroi de dommages-intérêts punitifs comme étant inconstitutionnel et afin d’éviter tout doute, l’octroi renvoyé est constitutionnellement admissible. Sur la base du principe d’évitement constitutionnel, cette Cour n’a pas besoin d’aborder la question de savoir si les dommages-intérêts punitifs initiaux non remis violent les droits de la défense. Voir Sony BMG Music Ent. v. Tenenbaum, 660 F.3d 487, 508, 511-512 (1st Cir. 2011) (« Il n’était pas inévitable d’être confronté à la question constitutionnelle de savoir si la sentence violait la procédure régulière. Le tribunal de district aurait dû d’abord examiner la question non constitutionnelle du remittitur, qui aurait pu éviter toute question constitutionnelle relative à l’application régulière de la loi et les questions connexes. ») ; Payne, 711 F.3d à 97 (citant une affaire du septième circuit pour la proposition que « les limites constitutionnelles sur les dommages-intérêts punitifs … n’entrent en jeu qu’après que l’évaluation a été testée par rapport aux principes statutaires et de common law ». Voir Perez v. Z Frank Oldsmobile, Inc, 223 F.3d 617, 625 (7th Cir. 2000)).

III. LA DEMANDE D’INJONCTION PERMANENTE ET D’INTÉRÊTS DE TRIZETTO

       A. Injonction permanente

TriZetto demande une injonction permanente en vertu de la DTSA et de la loi sur le droit d’auteur (7)


7. Les parties semblent convenir que le droit fédéral s’applique pour déterminer s’il convient d’accorder une mesure injonctive dans cette affaire et n’abordent pas séparément la question d’une mesure injonctive pour l’action en appropriation illicite de l’État. En vertu du DTSA, un tribunal peut « accorder une injonction … pour empêcher une appropriation illicite réelle ou menacée … dans les conditions que le tribunal juge raisonnables », 18 U.S.C. § 1836(b)(3)(A), et en vertu du Copyright Act, un tribunal peut « accorder … des injonctions finales dans les conditions qu’il juge raisonnables pour empêcher ou restreindre la violation d’un droit d’auteur ». 17 U.S.C. § 502(a).


Comme une injonction permanente est justifiée, la demande alternative de TriZetto pour une redevance continue n’a pas besoin d’être examinée. « La décision d’accorder ou de refuser une injonction permanente est un acte de discrétion équitable de la part du tribunal de district [.] » eBay Inc. v. MercExchange, L.L.C., 547 U.S. 388, 391 (2006). Pour obtenir une injonction permanente, TriZetto doit démontrer (1) qu’il existe un « préjudice irréparable », (2) que « les recours disponibles en droit, tels que les dommages-intérêts, sont inadéquats pour compenser ce préjudice », (3) que « compte tenu de l’équilibre des difficultés entre [TriZetto] et [Syntel], un recours en équité est justifié » et (4) que « l’intérêt public ne serait pas lésé par l’injonction permanente ». Voir eBay, 547 U.S., p. 391 (appliquant le test traditionnel des quatre facteurs à un litige en matière de brevets).

Les premier et deuxième facteurs – préjudice irréparable et voies de recours adéquates – sont liés. Le premier facteur consiste à déterminer si TriZetto subira un préjudice irréparable en l’absence d’injonction. En d’autres termes, l’injonction doit empêcher le préjudice ou y remédier. Voir Roach v. Morse, 440 F.3d 53, 56 (2d Cir. 2006). « Si un préjudice peut être compensé de manière appropriée par l’octroi de dommages-intérêts, il existe alors un recours adéquat en droit et aucun préjudice irréparable ne peut être constaté pour justifier un redressement spécifique. Register.com, Inc. v. Verio, Inc, 356 F.3d 393, 404 (2d
Cir. 2004) ; accord CRP/Extell Parcel I, L.P. v. Cuomo, 394 F. App’x 779, 781 (2d Cir. 2010) (ordonnance de référé) (8).


8. Le Tribunal refuse d’appliquer une présomption de préjudice irréparable comme le suggère TriZetto. Il est inapproprié de présumer un préjudice irréparable dans une affaire de droit d’auteur, et le requérant doit prouver qu’il a subi un préjudice irréparable. Voir Salinger v. Colting, 607 F.3d 68, 77 (2d Cir. 2010). Le deuxième circuit n’a pas directement abordé la même question dans les actions DTSA. Dans une affaire alléguant une appropriation illicite en vertu du droit de l’État, la deuxième circonscription judiciaire a estimé que le requérant n’avait pas démontré l’existence d’un préjudice irréparable lorsque les circonstances rendaient improbable la divulgation à des tiers des informations exclusives du plaignant. La Cour a déclaré qu’aucune présomption de préjudice irréparable ne s’appliquait lorsque l’auteur de l’appropriation illicite cherchait à utiliser les secrets d’affaires uniquement en interne et qu’il était peu probable qu’il les diffuse. Voir Faiveley Transp. Malmo AB v. Wabtec Corp, 559 F.3d 110, 118-19 (2d Cir. 2009) ; voir également KCG Holdings, Inc. v. Khandekar, No. 17 Civ. 3533, 2020 WL 1189302, at *16 (S.D.N.Y. Mar. 12, 2020), réexamen refusé, 2021 WL 517226 (S.D.N.Y. Feb. 11, 2021).


 

« L’octroi de dommages-intérêts peut ne pas constituer une réparation complète s’il existe un risque que, s’il n’est pas interdit, l’auteur de l’appropriation illicite de secrets d’affaires diffuse ces secrets auprès d’un public plus large ou porte irrémédiablement atteinte à la valeur de ces secrets. Voir Faiveley, 559 F.3d à 118.

TriZetto a démontré un préjudice irréparable qui ne peut être compensé de manière adéquate par des dommages-intérêts, en particulier la probabilité que, en l’absence d’injonction, Syntel diffuse ou altère les secrets d’affaires en les partageant avec des tiers non autorisés. Les preuves étayant la responsabilité pour appropriation illicite suggèrent que Syntel a largement partagé les secrets commerciaux de TriZetto avec ses propres employés et a également obtenu des secrets commerciaux de TriZetto d’un client afin de les utiliser pour servir d’autres clients. Même si Syntel peut « avoir la même motivation que l’auteur pour maintenir la confidentialité du secret afin d’en tirer profit », l’utilisation par Syntel risque d’être divulguée à des tiers non autorisés. Voir, par exemple, KCG Holdings, 2020 WL 1189302 au *17 (préjudice irréparable lorsqu’un individu « ne cherche pas simplement à utiliser ses secrets commerciaux ou à les garder pour lui » mais pourrait « reprendre la production [de modèles exclusifs] pour une autre société de services financiers, [et ainsi] … diffuser les secrets commerciaux qu’il a acquis de manière inappropriée à un public plus large »). Il ne s’agit pas d’une situation où le risque de diffusion à un public plus large est faible. Voir, par exemple, Faiveley, 559 F.3d à 119 (une technologie de secret commercial qui était un composant d’un produit vendu et non diffusé à des tiers a créé peu ou pas de risque de préjudice irréparable par la divulgation) ; Passlogix, Inc. v. 2FA Tech., LLC, No. 08 Civ. 10986, 2010 WL 2505628, au *10 (S.D.N.Y. 21 juin 2010) (pas de préjudice irréparable en l’absence d’allégations de divulgation à des tiers et uniquement des allégations de maintien du code source du secret commercial au sein de l’entreprise). TriZetto a également démontré que Syntel est susceptible de continuer à utiliser les secrets d’affaires, étant donné que ses documents de marketing jusqu’au procès et même pendant celui-ci annonçaient l’utilisation des secrets d’affaires de TriZetto pour fournir des services aux clients.

Syntel affirme qu’une injonction n’a pas de sens en l’espèce, étant donné que les dommages-intérêts compensatoires exigent que Syntel paie intégralement pour le développement des secrets d’affaires en question. C’est une autre façon de dire, non seulement que le préjudice de TriZetto peut être réparé par des dommages-intérêts, mais aussi que les dommages-intérêts compensatoires indemnisent pleinement TriZetto pour les préjudices passés et futurs. Cet argument est erroné car la condamnation à des dommages-intérêts vise à indemniser TriZetto pour les détournements passés de Syntel, c’est-à-dire les fautes commises jusqu’au procès et jusqu’à la fin de celui-ci. Une injonction vise à prévenir tout préjudice résultant d’une appropriation illicite future. Même si Syntel n’éviterait pas nécessairement des coûts de développement supplémentaires en cas d’appropriation illicite future, TriZetto pourrait encore subir un préjudice supplémentaire, y compris, comme nous l’avons vu plus haut, un préjudice irréparable dû à la diffusion du produit à des tiers. En effet, la DTSA – en autorisant le recouvrement de dommages-intérêts compensatoires fondés sur la perte et l’enrichissement sans cause – reconnaît que le préjudice réel de TriZetto et l’enrichissement sans cause de Syntel ne s’excluent pas nécessairement l’un l’autre.

Les autres facteurs – l’équilibre des difficultés et l’intérêt public – pèsent en faveur de l’adoption d’une injonction permanente. Comme on l’a vu, TriZetto risque de voir ses secrets d’affaires diffusés et de subir un préjudice concurrentiel. Même si ce dernier est compensable par des dommages-intérêts, Syntel serait obligée d’intenter une nouvelle action en justice pour faire valoir ses droits. Syntel ne fait valoir aucun préjudice compensatoire, si ce n’est que l’injonction proposée par TriZetto est trop large et englobe des activités licites.

Une injonction est également dans l’intérêt public parce qu’elle maintient la loi qui protège les secrets commerciaux et les droits de propriété intellectuelle de TriZetto, et encourage ainsi les investissements futurs dans l’innovation. Voir, par exemple, Chadha v. Chadha, 2020 WL 1031385, at *16 (E.D.N.Y. Mar. 2, 2020), rapport et recommandation adoptés, 2020 WL 5228812 (E.D.N.Y. 2 Sept. 2020) (intérêt public à protéger les droits d’auteur, l’innovation, les secrets commerciaux et les informations propriétaires) ; Intertek Testing Servs, N.A., Inc. v. Pennisi, 2020 WL 1129773 (E.D.N.Y. Mar. 9, 2020) (intérêt public servi par une mesure injonctive protégeant le secret des secrets commerciaux et des informations confidentielles). Syntel soutient que l’injonction proposée par TriZetto est trop large et va à l’encontre de l’intérêt public parce qu’elle exclurait Syntel du marché des services Facets et rendrait les consommateurs dépendants d’une seule société, TriZetto, pour la fourniture de ces services. Cet argument est démenti par la propre déclaration de Syntel, fondée sur les témoignages recueillis lors du procès, selon laquelle « TriZetto permet aux clients de Facets d’utiliser des fournisseurs de services tiers et a confirmé qu’elle était actuellement confrontée à la concurrence d’autres sociétés que Syntel dans le domaine des services ».

En mettant en balance les intérêts des parties et l’intérêt public, et en raison du préjudice irréparable que subira probablement TriZetto sans injonction, une injonction permanente interdisant à Syntel d’utiliser sans autorisation les secrets commerciaux de TriZetto en cause dans la présente affaire est justifiée.

Syntel fait valoir que, même si une injonction est appropriée, le formulaire proposé par TriZetto est trop large et peu spécifique. Les mesures injonctives « devraient être « étroitement adaptées aux violations légales spécifiques » et éviter « les charges inutiles sur l’activité commerciale légale ». Faiveley, 559 F.3d à 119 (citant Waldman Pub. Corp. v. Landoll, Inc, 43 F.3d 775, 785 (2d Cir. 1994)). La règle 65 exige également qu’une injonction permanente soit spécifique et « décrive de façon raisonnablement détaillée » ce qui est restreint. Fed. R. Civ. P. 65(d). Il doit être « possible d’établir à partir des quatre coins de l’ordonnance quels sont précisément les actes interdits sans avoir recours à des documents extrinsèques ». Capstone Logistics Holdings, Inc. v. Navarrete, 838 F. App’x 588, 590 (2d Cir. 2020) (ordonnance de référé) (citations omises).

TriZetto a proposé une ordonnance d’injonction permanente révisée, qui a été soumise avec le mémoire en réponse de TriZetto et qui répond à certaines des objections de Syntel. Ces objections sont résolues comme suit :

– Syntel objecte que les secrets d’affaires ne sont pas définis avec la spécificité nécessaire. TriZetto a répondu à cette objection en mentionnant, dans la note de bas de page 1 de l’ordonnance proposée, les 104 secrets d’affaires en cause concernant Facets et en annexant la liste de ces secrets. Le contenu de la note de bas de page est accepté. La formulation de la note de bas de page et la liste elle-même seront incluses dans le texte de l’ordonnance.

– Syntel s’oppose à ce que la liste des activités interdites comprenne l’expression « détourner d’une autre manière ». Cette formulation doit être supprimée car elle est inadmissiblement vague.

– Syntel objecte qu’il n’y a pas d’exclusion pour les travaux de service autorisés par TriZetto. La formulation proposée par TriZetto dans le dernier paragraphe de la section I doit être remplacée par un paragraphe qui exclut de l’injonction toute utilisation précédemment autorisée des secrets d’affaires, et doit inclure une référence au client et à l’ accord qui autorise une telle utilisation. Dans la mesure où Syntel n’est pas partie à un tel accord, TriZetto identifiera l’accord et fournira à Syntel le libellé des dispositions pertinentes.

– Syntel objecte que l’injonction interdit à TriZetto d’utiliser les secrets commerciaux détournés où que ce soit, au motif qu’elle constitue une application extraterritoriale du droit américain et que TriZetto devrait être tenu de poursuivre Syntel partout en dehors des États-Unis où Syntel utilise les secrets commerciaux détournés de TriZetto. Cet argument est rejeté. La DTSA prévoit expressément des mesures d’injonction. 18 U.S.C. 1836(b)(3)(A). La DTSA « s’applique aussi expressément à un comportement survenant en dehors des États-Unis si … l’auteur de l’infraction est … une organisation régie par les lois des États-Unis » ou si « un acte en faveur de l’infraction a été commis aux États-Unis ». 18 U.S.C. § 1837. Ces deux conditions sont remplies en l’espèce. Il n’est pas contesté que Syntel Inc. est une société américaine (bien que l’autre partie Syntel ne le soit pas), et les preuves présentées au procès ont montré que des actes en faveur de l’appropriation illicite ont été commis aux États-Unis. Par exemple, les employés de Syntel, dont certains se trouvaient aux États-Unis, ont téléchargé les secrets d’affaires de TriZetto dans des volumes anormalement élevés, ce qui suggère, selon l’expert de TriZetto, qu’ils étaient en train de créer activement un dépôt. Voir généralement Motorola Sols, 436 F. Supp. 3d à 1157-68 (recueil de cas analysant l’application extraterritoriale de la DTSA).

Les parties doivent soumettre une proposition d’ordonnance d’injonction permanente conforme au présent avis et à la règle 65(d), Fed. R. Civ. P. Les parties n’apporteront pas d’autres modifications à la proposition d’ordonnance figurant dans Dkt. No. 973, sauf si elles en conviennent toutes les deux.

      B. Intérêts avant et après jugement

TriZetto demande des intérêts avant jugement pour les dommages-intérêts au titre de la DTSA. La demande de TriZetto est rejetée.

« Les intérêts avant jugement ne sont généralement pas accordés, mais ils peuvent être ordonnés à la discrétion du tribunal de district pour s’assurer qu’un plaignant est pleinement indemnisé ou pour répondre à l’objectif correctif de la loi concernée. » Doe v. E. Lyme Bd. of Educ., 962 F.3d 649, 662 (2d Cir. 2020) (guillemets internes omis) (citant Wickham Contracting Co., Inc. v. Local Union No. 3, IBEW, 955 F.2d 831, 833-34 (2d Cir. 1992)) ; voir Jones v. UNUM Life Ins. Co. of Am.., 223 F.3d 130, 139 (2d Cir. 2000) (citations et guillemets omis) (« Dans une action visant à faire respecter [un droit fédéral], la question de savoir s’il convient ou non d’accorder des intérêts avant jugement est généralement laissée à la discrétion du tribunal de district »). « Le tribunal doit expliquer et articuler ses raisons pour toute décision concernant les intérêts avant jugement. Henry v. Champlain Enters, 445 F.3d 610, 623 (2d Cir. 2006).

Les intérêts moratoires ne sont pas justifiés dans ce cas. Le plaignant a obtenu un jugement de 285 millions de dollars à la suite d’un procès et d’un verdict du jury. Le montant accordé a été calculé sur la base des gains de Syntel et non de ses pertes. Compte tenu des preuves apportées au procès, le Tribunal estime qu’il s’agit d’une compensation suffisante et qu’il n’y a pas de circonstances particulières justifiant une compensation supplémentaire. De plus, TriZetto a reçu des dommages-intérêts punitifs, ce qui suggère que des intérêts avant jugement entraîneraient probablement une surcompensation. Voir Mori v. Saito, No. 10 Civ. 6465, 2014 WL 3812326, at *3 (S.D.N.Y. Aug. 1, 2014) ( » Parce que cette Cour a accordé des dommages-intérêts punitifs pour le montant maximum présumé autorisé par la Constitution, l’octroi d’intérêts avant jugement n’est pas nécessaire pour indemniser pleinement les plaignants. « ).

TriZetto fait valoir que l’objectif correctif du DTSA – dissuader l’appropriation illicite et permettre aux détenteurs de secrets d’affaires d’obtenir réparation – justifie l’octroi d’intérêts avant jugement. Les dommages-intérêts compensatoires et punitifs accordés répondent adéquatement à cet objectif sans qu’il soit nécessaire d’ajouter des intérêts avant jugement. Contrairement aux affirmations de TriZetto, il ne s’agit pas non plus d’un cas où Syntel bénéficierait d’une aubaine à la suite de ses actes répréhensibles ou serait incitée à violer le DTSA pour « en fait … bénéficier d’un prêt sans intérêt aussi longtemps qu’elle pourrait retarder le paiement ». Donovan v. Sovereign Sec., Ltd, 726 F.2d 55, 58 (2d Cir. 1984). En conséquence, des considérations d’équité s’opposent à l’octroi d’intérêts avant jugement dans ce cas.

Les intérêts postérieurs au jugement, qui sont obligatoires pour tout jugement en argent recouvré dans une affaire civile, voir 28 U.S.C. § 1961, sont accordés.

IV. CONCLUSION

Pour les raisons qui précèdent, les requêtes de Syntel en vue d’obtenir un jugement sur une question de droit ou, à titre subsidiaire, un nouveau procès ou un remittitur, conformément aux règles 50 et 59, sont rejetées, à l’exception de la requête de Syntel en vue d’obtenir un nouveau procès ou un remittitur sur les dommages-intérêts punitifs, qui est accordée. Le montant des dommages-intérêts punitifs de 569 710 384 $ sera réduit à 284 855 192 $ si TriZetto accepte le renvoi. Dans le cas contraire, la requête de Syntel pour un nouveau procès sur la question des dommages-intérêts punitifs est accordée. TriZetto informera la Cour de sa décision au plus tard le 4 mai 2021.

Les demandes d’injonction permanente et d’intérêts post-jugement de TriZetto sont ACCORDÉES et la demande d’intérêts pré-jugement est REFUSÉE. D’ici le 4 mai 2021, les parties Case 1:15-cv-00211-LGS-SDA Document 977 Filed 04/20/21 Page 32 of 33 se réuniront et se concerteront et soumettront une proposition d’ordonnance pour une injonction permanente conforme à la présente opinion et à la règle 65(d).

La requête de TriZetto au titre de l’article 50(a) du règlement et les demandes d’argumentation orale des parties sur les requêtes sont rejetées comme étant sans objet.

Le greffier est prié de clore les dossiers nos 921, 928, 959, 965, 968 et 974.

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LIENS SUR LES ARTICLES SUR LA JURISPRUDENCE SUR « LES AVOIDED COSTS »

Dossier Syntel – The DTSA and Disgorgement: A Look at the “Avoided Costs” Theory of Damages (ALTO Ligitation)

Dossier Syntel – Trademark, copyrights and trade secret damages (Avoided costs – Google books)

Dossier Syntel – Lessons From Two Gigantic Trade Secret Misappropriation Verdicts (OBWB Lawers)

 

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