« Atos écartelé entre Airbus et Daniel Kretinsky » (LE MONDE)

En parallèle des négociations avec le fabricant d’avions pour ses activités cyber, le groupe d’informatique discute d’une cession de ses métiers historiques à l’homme d’affaires tchèque.

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Publié aujourd’hui à 10h01, mis à jour à 10h32. Temps de Lecture 4 min.
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Lourdement déficitaire en 2021, à hauteur de 2,9 milliards d’euros, Atos va un peu moins mal. Le groupe d’informatique, dont le chiffre d’affaires a recommencé à progresser en 2022, de 1,3 %, a divisé par trois sa perte nette. Surtout, « c’est la première fois depuis deux ans que nous atteignons nos objectifs », souffle, soulagé, mardi 28 février, son président, Bertrand Meunier. Sans les charges liées à la restructuration lancée en juin 2022, Atos a quasiment stoppé son hémorragie de cash. « Certains ne croyaient pas en notre plan. Ces résultats démontrent que nous avons pris la bonne direction », affirme M. Meunier. Avec, au bout du chemin, un probable découpage total de l’entreprise.

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Atos a annoncé le 16 février avoir engagé des négociations avec Airbus pour lui vendre 29,9 % du capital d’Evidian, sa future filiale qui regroupe ses activités les plus glamour, dans la cybersécurité, le big data et les supercalculateurs. Sa valeur est estimée à 7 milliards d’euros, dont 3 milliards de dette. « La proposition d’Airbus répond aux trois critères que nous nous étions fixés pour ouvrir des discussions : une valorisation intéressante pour Evidian, une solidité financière de l’acquéreur et une complémentarité industrielle forte », insiste M. Meunier.

Ces arguments ne convainquent pas TCI. Le fonds d’investissement britannique, détenteur d’un peu plus de 3 % du capital d’Airbus depuis des années, ne voit pas d’intérêt à ce que le groupe d’aéronautique dépense un peu plus d’un milliard d’euros pour acheter une part minoritaire d’une société de cybersécurité. « Ce serait des capitaux échoués et une utilisation extrêmement inefficace des fonds des actionnaires », tance TCI qui préférait qu’Airbus utilise ses « cash-flows prodigieux et croissants » pour « augmenter le dividende ou racheter ses propres actions ». Frondeur, TCI a adressé le 20 février une série de seize questions en prévision de l’assemblée générale d’Airbus du 19 avril. Airbus a prévu d’y répondre.

Si les négociations avancent bien avec le fabricant d’avions, le président d’Atos n’a jamais fermé la porte à une proposition concurrente : « Si elle remplit nos trois critères, nous l’examinerons. » Mais les candidats se font rares. Intéressé, Thales a finalement renoncé car il ne souhaite pas racheter tous les métiers d’Evidian. Les sociétés de conseil OnePoint et Astek ont levé le doigt mais n’ont pas fait d’offres.

Les discussions avec Airbus ne sont pas les seules à occuper la direction d’Atos. Selon nos informations, elle discute en parallèle avec Daniel Kretinsky (actionnaire indirect du Monde), attiré pour sa part par les métiers historiques du groupe dans l’infogérance, logés dans une société baptisée « Tech Foundations ». L’intérêt de l’homme d’affaires tchèque pour cette partie d’Atos avait été connu dès l’automne 2022. Le porte-parole de sa holding EPH avait démenti le 3 octobre « avoir acheté la moindre action Atos ». Mais trois semaines plus tard, Atos reconnaissait des marques d’intérêt. Daniel Kretinsky est aujourd’hui le seul encore en contact avec Atos, confirment plusieurs sources. Interrogé, son porte-parole a indiqué qu’il ne commentait pas les spéculations.
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Malgré le début de redressement entrevu fin 2022, Tech Foundations reste mal en point et c’est justement ce qui attire l’homme d’affaires tchèque : il a construit sa fortune, estimée à 5,2 milliards de dollars (4,8 milliards d’euros) par Forbes, en reprenant à bon prix des actifs dont plus personne ne voulait, comme les centrales à charbon, en misant sur leur retour en grâce. Après l’énergie, la distribution ou les médias, Atos serait sa première incursion dans les services informatiques, un métier pas forcément sorcier mais qui demande une gestion au cordeau pour ne pas voir les petites marges qu’il génère partir dans le décor. A la course derrière le numéro un européen, son compatriote Capgemini, Atos n’a pas toujours su tenir ses contrats : en juin 2022, la direction du groupe estimait que 58 % de ses missions présentaient des marges inférieures à celles du marché et que 13 % perdaient de l’argent. Depuis le second semestre, Atos s’est employée à faire le ménage dans ces contrats non rentables.

L’espoir d’un retour à la rentabilité

Le pilotage de ces métiers est d’autant plus complexe qu’ils demandent une main-d’œuvre abondante. Tech Foundations emploie 48 000 personnes dans le monde. En revanche, une telle reprise ne poserait pas de problème de souveraineté, aucun contrat d’infogérance d’Atos n’étant réellement sensible pour la sécurité nationale.

Relancer une machine de 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires reste périlleux et coûteux. Atos a estimé qu’il lui faudrait engager 1,1 milliard d’euros d’ici à 2026 pour redresser l’activité, dont 750 millions d’euros rien qu’en frais de restructuration. Ce plan permettrait d’espérer un retour à la rentabilité en 2025 et une génération de trésorerie positive en 2026. D’où les exigences de Daniel Kretinsky. Selon le schéma envisagé, l’homme d’affaires ne débourserait pas un centime. Au contraire, Atos devrait le payer pour reprendre sa filiale, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros pour assurer le besoin en fonds de roulement de Tech Foundations et financer son redémarrage. Autre sujet de négociations : les garanties de passifs, notamment les engagements de retraite des filiales allemandes.

Le candidat repreneur ne veut pas non plus entendre parler de dette. Cela suppose donc de loger les emprunts d’Atos chez Evidian. Or, même si cette nouvelle filiale est rentable, une dette trop élevée risquerait de couper son élan. Mais la sortie pure et simple de Tech Foundations aurait le mérite de simplifier la tâche de la direction d’Atos qui n’aurait plus qu’à se concentrer sur l’avenir plus radieux d’un Evidian promis à Airbus.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/01/atos-ecartele-entre-airbus-et-daniel-kretinsky_6163712_3234.html
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