Casino et Teract accélèrent les préparatifs de mariage (LE FIGARO)

 

RÉCIT – Le groupe Casino, qui se recentre sur la France, s’apprête à s’allier avec la société majoritairement détenue par la coopérative agricole InVivo. À terme, c’est la possibilité d’un passage de relais en douceur pour Jean-Charles Naouri.

Le rapprochement entre Casino et Teract se concrétise. Le distributeur (Monoprix, Franprix, Cdiscount…) et le groupe détenu à 76 % par la coopérative InVivo sont entrés en négociations exclusives en vue d’un rapprochement. Objectif: casser les codes de la grande distribution classique et nourrir les Français «du champ à l’assiette», en supprimant des intermédiaires. Si ce rapprochement aboutit, les magasins français du groupe Casino seront approvisionnés en fruits et légumes récoltés par les agriculteurs partenaires d’InVivo, ou en pain issu de farine moulue par ses soins.

«Depuis la création de Teract, nous ambitionnons de réinventer le monde de la distribution afin de faire émerger un nouveau modèle agroalimentaire intégré», rappelle Moez-Alexandre Zouari, directeur général de Teract et actionnaire à hauteur de 6 %. La société est issue du rapprochement entre la coopérative agricole et agroalimentaire InVivo et le Spac 2MX, créé en 2020 par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari.

Le succès de l’enseigne concurrente Grand Frais montre que la vente de produits frais en circuit court est en phase avec les aspirations d’une partie des Français. Les dirigeants de Teract et de Casino estiment que trois grandes tendances seront porteuses dans les années à venir: le discount, la proximité mais aussi la vente de produits frais, sachant le circuit court, rendent le modèle plus profitable. D’ailleurs, Jean-Charles Naouri, le PDG de Casino, avait salué la naissance de Teract.

Pour mettre en musique leur partition, les deux groupes envisagent de créer deux entités distinctes. La première serait dédiée à l’activité de distribution. Côté groupe Casino, elle engloberait Monoprix, Franprix, Naturalia et les enseignes Casino. Côté Teract s’ajouteraient Jardiland, Gamm vert, Delbard, Noa ou Boulangerie Louise. Cette entité serait contrôlée par le groupe Casino, qui apporte 9100 magasins dans sa dot. Quant à la seconde entité, elle serait chargée de l’approvisionnement des magasins et serait contrôlée par la coopérative InVivo.

«Partenariat gagnant-gagnant»

Grâce à ces deux jambes, les deux groupes créeraient des «zones de marché» dans les supermarchés et hypermarchés du groupe Casino, qui seraient directement opérées par Teract. Les Géants, déjà, ont été rebaptisés « Casino Hyper Frais» l’été dernier. Les boulangeries Louise, acquises par Teract en décembre, seraient déployées dans les magasins qui y sont propices.

Casino et Teract espèrent parvenir à un accord avant la fin du deuxième trimestre. «C’est un partenariat gagnant-gagnant, estime Thierry Blandinières, le directeur général d’InVivo. Pour Casino, c’est un renouvellement de son offre qui drainera du trafic. De notre côté, nous pourrons mieux valoriser les revenus des agriculteurs en les reconnectant directement avec les consommateurs.» En s’alliant à un réseau de distribution, InVivo s’assure de nouveaux débouchés. La coopérative était à la recherche de «m2 disponibles» pour déployer son offre. Le groupe Casino lui en fournit clé en main. Cinq cents millions d’euros seront levés qui permettront de moderniser les magasins et d’y créer les fameuses zones de marché et les boulangeries. «Casino et les actionnaires de référence de Teract ont d’ores et déjà engagé des discussions avec un certain nombre d’investisseurs désireux de rejoindre le nouveau tour de table actionnarial», précisent les deux groupes.

Teract pourrait monter au capital

Du côté du distributeur, l’intérêt d’un mariage avec Teract est évident. Lesté d’une dette de 6,4 milliards d’euros fin 2022, le groupe de Jean-Charles Naouri se recentre sur la France pour se désendetter. À la demande de ses banquiers, Casino a déjà cédé en novembre dernier 10,4 % de sa pépite brésilienne Assai pour près de 500 millions d’euros.Il a annoncé cette semaine étudier une nouvelle cession de 10 % du capital de cette enseigne, ce qui porterait à 17 % sa part résiduelle au capital d’Assai. Les autres actifs du groupe en Amérique latine – GPA, et la très profitable filiale colombienne Exito – sont également à vendre. L’ensemble des actifs que Casino possède encore en Amérique latine sont valorisés 2 milliards d’euros au cours actuel.

Mais les échéances de dette à venir sont considérables, alors même que les résultats sont décevants. «Encore une mauvaise année», a titré l’analyste Oddo après la présentation des résultats annuels du groupe de distribution vendredi. Casino a publié une perte nette de 316 millions d’euros pour 2022.

Or le distributeur devra débourser 1,1 milliard d’euros entre janvier et mars 2024. Surtout, sa maison-mère Rallye devra elle-même rembourser 1,9 milliard d’euros en 2025. Un tel montant suppose que Casino, sa seule source de revenus, verse un dividende exceptionnel de près de 4 milliards d’euros (Rallye détient 51 % de Casino).

Nous ne sommes pas des financiers, nous investissons sur un temps long. Et si nous rentrons dans ce dossier, c’est pour aller le plus loin possible

Thierry Blandinières, directeur général d’InVivo

Ce qu’offre Teract au PDG de Casino, c’est une issue à son défi de désendettement. Ses détracteurs jugent inévitable la vente de son empire à la découpe, à un ou plusieurs concurrents. L’alliance avec Teract, elle, ouvre la possibilité d’un passage de relais en douceur. Ce dernier ne cache pas son désir de monter au capital de l’entité qui regrouperait les activitésde distribution en France, jusqu’à devenir majoritaire. 2025 est en ligne de mire. «Nous ne sommes pas des financiers, nous investissons sur un temps long, souligne Thierry Blandinières. Et si nous rentrons dans ce dossier, c’est pour aller le plus loin possible

Les discussions financières sont toujours en cours. Mais Teract est prêt à reprendre une partie de la dette de Casino au titre de la nouvelle entité, dans certaines limites. «Nous n’allons jamais au-delà d’un levier 2 ou 2,5 fois l’Ebitda (excédent brut d’exploitation, NDLR)», précise le directeur général d’InVivo. Teract tient à ce que l’endettement de la nouvelle structure de distribution reste soutenable, de telle sorte qu’elle ait les moyens d’investir et de se transformer.

La dette résiduelle de Casino resterait dans le giron de ses autres activités (Cdiscount, RelevanC et les activités du distributeur en Amérique latine). Mais à terme, la valorisation de sa participation majoritaire dans l’entité chapeautant les activités de distribution en France pourrait contribuer à la rembourserainsi qu’à verser les dividendes exceptionnels requis en 2025. Sans occasionner les fermetures de magasins et les licenciements qu’aurait provoqués le rachat d’un Monoprix ou d’un Franprix par un Carrefour ou un Auchan, du fait des exigences de l’Autorité de la concurrence.

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