A l’issue de discussions « exploratoires » jugées prometteuses, le groupe dirigé par Guillaume Faury est prêt à soumettre une offre pour devenir l’actionnaire de référence de la nouvelle société Evidian, issue de la scission d’Atos. La balle est désormais dans les mains d’Atos.
Par Anne Drif, Anne Bauer, Leïla Marchand
La balle est désormais dans les mains d’Atos. Le groupe informatique, qui a décidé de séparer en deux ses activités pour débloquer les financements nécessaires à son sauvetage, dispose désormais d’une proposition intéressante de la part d’Airbus. Un mois et demi après l’ouverture de discussions exploratoires, le constructeur aéronautique est prêt à faire une offre pour entrer au capital de la future société Evidian, qui regroupera les activités de cybersécurité, de cloud et de supercalculateurs d’Atos.
Pour rappel, le groupe informatique a besoin de 1,6 milliard d’euros pour financer la restructuration de sa branche infogérance en perte de vitesse. Il s’est résolu à mettre ses activités de croissance dans une nouvelle société, Evidian, dont il espère vendre environ deux tiers du capital, auprès d’investisseurs partenaires puis grâce à une introduction en Bourse.
Des perspectives prometteuses
Mais pour avoir une chance de séduire en Bourse, la nouvelle société a besoin d’être épaulée. Et c’est ainsi qu’Atos cherche un investisseur de référence, prêt à prendre 30 % du capital d’Evidian avant une introduction sur le marché. Selon nos sources, Airbus serait désormais en pole position devant Thales, Orange, Onepoint – pour ne citer que les groupes qui ont manifesté leur intérêt.
« Les discussions sont actives et les premières analyses sont très prometteuses », explique un acteur du dossier. Si l’analyse approfondie lors de l’ouverture des comptes confirme le potentiel décelé, Airbus est prêt à trouver un accord dans le calendrier de sauvetage prévu par Atos. Selon les banques conseil, Atos souhaiterait obtenir une valorisation d’au moins 7 milliards d’euros pour Evidian, dont il faudra défalquer 3 milliards de dette. Pour devenir l’actionnaire de référence d’Atos et prendre environ 30 % du capital, Airbus devrait donc débourser 1,2 milliard d’euros, ces chiffres étant évidemment purement indicatifs.
Car l’heure n’est pas encore à la fixation du prix final. « Il faut d’abord que le conseil d’administration d’Atos accepte de formaliser l’entrée dans une phase plus approfondie et active des discussions », confirment plusieurs sources. Interrogé, Atos n’a pas voulu faire de commentaire, alors que le prochain conseil – hors convocation extraordinaire – est prévu le 28 février pour l’examen annuel des comptes, qui seront publiés le lendemain.
Seul en lice
Entre-temps, Airbus serait désormais seul en lice. Son challenger, Thales, a confirmé n’être intéressé que par une partie des activités futures d’Evidian, quand Airbus est prêt à faire une offre globale sur l’ensemble du périmètre. Airbus a identifié de nombreuses synergies, expliquent les proches du dossier. « Il y a des complémentarités sur les compétences, les produits et même sur les zones géographiques », explique l’un d’eux.
Le constructeur doit en effet muscler ses compétences dans l’informatique, le Big Data, l’intelligence artificielle, la gestion des données, les communications sécurisées, le cryptage, la cybersécurité, le renseignement. Car il souhaite ne plus être un simple constructeur d’avions, mais aller vers les services en aval, pour garantir les performances dans la durée des aéronefs vendus et aussi pour aider les clients à optimiser leur utilisation de ces appareils. Ce qui suppose un investissement massif dans la digitalisation et dans le traitement des données. Et donc dans les supercalculateurs.
Un potentiel de développement
C’est ainsi qu’Airbus et Palantir ont monté Skywise, une plateforme d’analyse de données pour aider les compagnies aériennes à gérer au mieux leur flotte. Pour mener les projets militaires et spatiaux de demain, notamment le cloud de défense du système de combat aérien du futur (SCAF), Airbus aura besoin d’une puissance de calcul phénoménale. Les calculateurs haute performance de l’ex-Bull, qui seront dans Evidian, sont ainsi une pépite qu’il faudra développer au niveau européen, dans le cadre du plan de Thierry Breton sur le calcul de haute performance.
En outre, Atos est déjà un acteur important de la « numérisation du champ de bataille », comme le disent les militaires pour évoquer la nécessaire interconnexion des véhicules de combat. Atos, qui dans son format actuel réalise 10 % de son chiffre d’affaires dans la défense, fournit le système d’information de combat du programme Scorpion de l’armée de terre.
Il développe aussi la nouvelle génération de passerelle du Rafale et réalise avec Thales une plateforme souveraine du Big Data pour la Direction générale de l’armement. Sans oublier l’accompagnement de plusieurs ministères de la Défense dans leur transformation numérique, y compris pour moderniser les systèmes de cybersécurité des sites de l’Otan. Enfin, Atos est un acteur au coeur de la dissuasion nucléaire française, puisqu’il opère des calculs de simulation des essais nucléaires.
« Un rapprochement entre Atos et Airbus ouvre des perspectives pour créer avec Evidian un nouvel acteur doté d’une taille critique dans des secteurs, où l’Europe manque de champions », plaide un observateur, qui rappelle que Paris s’opposerait à toute prise de participation d’un groupe étranger. Sur ce dossier complexe et stratégique à la fois, le gouvernement a toutefois refusé de prendre officiellement position entre les différents acteurs. Désormais, la balance semble pencher en faveur d’Airbus sans que l’Etat n’ait pour l’instant exprimé un veto.
Anne Drif et Anne Bauer, avec Leïla Marchand
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/atos-airbus-est-pret-a-faire-une-offre-1907033