Atos : la botte secrète ratée d’Airbus (Article LE CANARD ENCHAINÉ)

 

Voilà une vente à la découpe hautement surveillée par le ministère des Armées… Atos, numéro un européen de la cybersécurité, cherche à se renflouer en vendant ses bijoux de famille, parmi lesquels deux activités vitales pour nos militaires.

Primo, les supercalculateurs. Depuis que la France a cessé de tester des armes atomiques dans l’atoll de Moruroa, la seule façon de perfectionner notre arsenal nucléaire et de s’assurer de son bon fonctionnement, c’est de procéder à des simulations grâce à de gros ordinateurs : ceux là même que fabrique le géant tricolore des services informatiques. Le ministère de la défense tient à tout prix à ce que ce savoir-faire reste entre des mains franco-françaises…

Publié le 19 avril 2023. 

Ligne Maginot volante

Secundo, le cloud de défense, autre pépite d’Atos. Grâce à ce réseau numérique high-tech, il sera possible de piloter simultanément le nouvel avion de combat censé remplacer notre Rafale à partir de 2040 et une nuée de drones et de missiles « intelligents ». Le joyau technologique attise la convoitise de plusieurs industriels impliqués dans le programme Scaf, le système de combat aérien du futur.

Le 1er décembre dernier, au terme d’une lutte de plusieurs mois, les avionneurs Dassault et Airbus avaient signé un armistice sous la pression de l’Elysée. Les frères ennemis de l’aéronautique devaient se partager les rôles : au premier, la construction du futur avion de chasse, au second, le cloud de combat. Sauf que tout est parti en vrille. De nouveau, les mousquetaires croisent le fer, ce qui menace le sauvetage d’Atos…

Petit rappel. Depuis que Thierry Breton a lâché les commandes du groupe pour rejoindre, en 2019, la Commission européenne, la boîte de services informatiques cumule les dettes (1,45 milliard d’euros en 2022). L’ex-ministre de l’Économie est parti à temps! Il a cédé toutes ses actions pour la somme rondelette de 45,7 millions d’euros (avant impôt). Depuis l’action a dévissé de 80%.

Cockpit en folie

Impossible pour la France d’abandonner ce porteur d’actifs stratégiques. Bertrand Meunier, le président du conseil d’administration d’Atos, a prescrit un remède en deux temps. D’abord, amputer la partie malade – celle des prestations de services informatiques -, pas assez rentables. Ensuite, revitaliser avec l’argent frais la partie saine, celle de la cybersécurité et du big data.

Airbus a immédiatement sauté sur l’occasion en proposant d’injecter 1,2 milliard d’euros. Avec 29,9% , l’avionneur serait ainsi devenu le plus gros actionnaire de la nouvelle entité, rebaptisée Evidian. Une solution qui enchantait Bruno Lemaire, le ministre de l’Economie, soucieux de limiter le plus possible la casse sociale.

Mais le ministre des Armées a aussitôt fait barrage. Hors de question pour Sébastien Lecornu de laisser ce fleuron de la défense tomber dans l’escarcelle d’Airbus, un groupe soupçonné d’être contrôlé par les Allemands !

Dassault a réussi à convaincre l’Hôtel de Brienne que Berlin cherchait à siphonner la technologie tricolore pour rebâtir une industrie aéronautique militaire, domaine qui lui a été retiré après la guerre.

Pour Contrer les ambitions allemandes, les Dassault escomptaient abattre une double carte : celle des frères Proglio. René, banquier d’affaires, siège au conseil d’administration d’Atos, où il  milite contre l’entrisme d’Airbus, au point de comploter pour renverser le président du groupe. Par ailleurs, heureux hasard, son jumeau, Henri (ex-patron d’EDF), est membre du « comité des sages » de la famille Dassault.

Mais, sous la pression d’un fond activiste anglo-saxon, Airbus a finalement dû renoncer. Tous pour un, un pour tous contre les Allemands ?

O.B.-K. Et C. L. 

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