Le groupe français veut rejoindre le « Top 5 » des leaders mondiaux de la sécurité informatique. Il propose 3,6 milliards de dollars au fond de capital-risque Thoma Bravo pour acheter Imperva, une société californienne spécialiste de la cybersécurité des application.
Par Anne Drif, Anne Bauer
Et de trois ! Pour Thales, l’appétit vient en mangeant. Le groupe français de technologie et de défense a annoncé mardi le rachat pour 3,6 milliards de dollars (3,26 milliards d’euros) d’Imperva, une entreprise américaine de cybersécurité. Il y a deux semaines, le groupe présentait le projet de reprise pour 1 milliard d’euros de Cobham Aerospace Communications dans l’avionique et, en juin, il lançait une OPA d’une centaine de millions d’euros sur Tesserent, une ETI australienne de surveillance des menaces informatiques.
Le groupe boucle ainsi des emplettes de 4,36 milliards d’euros. Sans stress ni difficulté, le cash-flow libre généré par Thales (5 milliards d’euros sur les deux derniers exercices) étant suffisant pour financer l’essentiel de ces projets. En outre, le groupe espère obtenir bientôt les feux verts administratifs finaux pour concrétiser la cession annoncée il y a quasiment deux ans de sa branche transport à Hitachi pour 1,66 milliard d’euros.
« Fin 2024, après ces achats, notre trésorerie nette sera toujours supérieure à 2 milliards d’euros », promet ainsi le directeur financier, Pascal Bouchiat.
Entrée dans le Top 5 mondial
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Acteur régional, Thales aspire à peser sur un marché mondial de la sécurité informatique encore très éclaté et en pleine croissance, qui passerait selon le groupe de 136 milliards de dollars à 198 milliards en 2026 !
Aux Etats-Unis, Imperva n’est pas un nouveau venu. La société a fêté ses vingt ans, emploie 1.400 personnes, a réalisé 496 millions de dollars de chiffre d’affaires l’an dernier et sert 35 % des entreprises répertoriées dans le classement « Fortune 100 ». Spécialiste de la sécurité des données, elle est aussi un grand acteur de la sécurité des applications (les sites Web), avec des produits pour les protéger des attaques par déni de service.
Elle complète ainsi le portefeuille de Thales sans aucun doublon, souligne Patrice Caine qui espère donc obtenir rapidement, dès le début de l’an prochain, le feu vert des autorités de concurrence et de protection des investissements américaines.
Opération « Ipanema »
Pro forma, avec Imperva, la branche cybersécurité de Thales passera en 2024 à 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec 8.000 employés dont 6.000 ingénieurs. Le groupe n’avait pas caché sa volonté de grandir dans la cybersécurité. Il a étudié la possibilité (depuis longtemps refermée) de reprendre les activités de cybersécurité d’Atos.
Certains actifs d’Idemia auraient aussi pu lui plaire. Jusqu’à ce que le groupe français, conseillé par Morgan Stanley et Centerview, aille frapper à la porte du fonds Thoma Bravo pour lui proposer de racheter 100 % d’Imperva.
Les discussions ont démarré en février dernier, sous le nom « opération Ipanema », et ont été bouclées en trois mois. Les deux parties sont gagnantes. Thoma Bravo, qui avait acheté la société de services il y a quatre ans pour 2,1 milliards de dollars, obtient une belle plus-value et valorise Imperva à 17 fois l’Ebitda et 6 fois le chiffre d’affaires. De son côté, Thales met la main sur un actif rare qui lui permet de changer de taille de marché et de s’internationaliser encore davantage.
Cette opération permet d’ailleurs au groupe français de se fixer de nouveaux objectifs financiers pour sa branche Identité numérique et sécurité. Au cours de la période 2024-2027, le chiffre d’affaires de cette dernière devrait connaître une progression annuelle organique de 6 à 7 % pour atteindre un chiffre d’affaires compris entre 5,4 et 5,5 milliards d’euros en 2027. Sa marge opérationnelle devrait atteindre 16,5 % la même année.
Anne Bauer avec Anne Drif