REPORTAGE – Tout juste livré à l’Italie, son dernier-né Leonardo devient le quatrième ordinateur le plus puissant au monde.
À quelques kilomètres de la gare d’Angers se dresse un site industriel unique en Europe. C’est l’usine de fabrication et d’assemblage des supercalculateurs du groupe français Atos. Un lieu ultra-stratégique, d’où vient de sortir Leonardo, un supercalculateur destiné au consortium interuniversitaire Cineca, situé en Italie, à Bologne. Avec une puissance de calcul mesurée à 174 téraflops, ce système est le quatrième ordinateur le plus puissant du monde, d’après le nouveau Top 500, le classement mondial de référence dans le domaine du calcul de très haute performance (HPC).
Envoyée spéciale à Angers
Les simulations de phénomènes ultra-complexes sont les premiers cas d’usage de ces bijoux technologiques, qui valent chacun plusieurs centaines de millions d’euros. En France, l’activité HPC a démarré avec le nucléaire dans le cadre de la politique de dissuasion après l’arrêt des essais physiques décidé par Jacques Chirac. Les cas d’usages se sont depuis multipliés : météorologie et climatologie, aéronautique (avant de faire voler en condition réelle un avion), automobile (pour remplacer des crash tests), santé, sciences de la vie…
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Au-delà des centres de recherche publics, le marché des acquéreurs s’est élargi à de grandes entreprises comme EDF, TotalEnergies, Rolls-Royce ou Airbus, même si le commissariat général à l’énergie atomique (CEA) reste le premier client du groupe français. C’est d’ailleurs lui qui a acheté la première machine de la toute dernière génération, dévoilée en février dernier. «Derrière le HPC se cachent la puissance scientifique et la défense. C’est un enjeu souverain majeur pour la France et l’Europe», rappelle Emmanuel Le Roux, group senior vice président de l’activité HPC, quantique et IA d’Atos.
Atos est le seul fabricant européen de supercalculateurs, dans une compétition mondiale et un marché dominés par l’américain HPE et le Chinois Lenovo. «Notre positionnement est vraiment sur le haut de gamme. Et nous sommes les spécialistes mondiaux sur la météo et la climatologie», précise Emmanuel Le Roux.
Un marché en plein boum
Au cœur de son usine angevine de 28.000 mètres carrés, héritée du rachat de Bull en 2014, s’alignent sur des centaines de mètres, de hautes armoires métalliques (appelées racks). Selon les demandes des clients, elles contiennent chacune plusieurs dizaines de «lames» technologiques, composées de processeurs et de cartes graphiques, le tout assemblé dans la plus grande précision à l’aide de «cobots» qui guident la main de l’homme. «Pour Cineca, un seul rack contient plus de cinq millions de composants et pèse 1,7 tonne», précise Vincent Sarracanie, senior vice président supply chain & manufacturing d’Atos, ce qui nécessite des aménagements spéciaux pour supporter ces poids. Pour répondre aux exigences énergétiques et environnementales toujours plus fortes, un circuit interne de refroidissement à l’eau est capable d’absorber 98 % de la chaleur émise et maintient la température de l’ensemble à 40 °C. Tout doit être ensuite testé dans le moindre détail pendant de longues heures, avant de pouvoir livrer, assembler et ajuster le supercalculateur chez le client final. Certains assemblages se font désormais aussi totalement sur le site d’Angers au sein de conteneurs livrés «prêts à l’emploi» chez le client.
«Avec les besoins pour les calculs en intelligence artificielle, le marché du HPC est en train d’exploser», souligne Emmanuel Le Roux. afin de répondre à cette demande, Atos va investir 80 millions d’euros pour agrandir et moderniser le site d’Angers. Objectif: doubler sa capacité de livraison d’ici 2027, avec 30 % d’effectifs en plus. Le site compte aujourd’hui 250 employés.
https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/dans-la-fabrique-des-supercalculateurs-d-atos-20221115