Faire sauter le tabou du rachat d’Atos (BFM Business)

Matthieu Pechberty. Le 

Fronde des actionnaires pour faire sauter le tabou du rachat d’Atos

Plusieurs investisseurs se sont réunis jeudi pour organiser la fronde contre la direction du groupe. Ils menacent de convoquer une assemblée extraordinaire et évincer Bertrand Meunier.

C’est la veillée d’armes chez Atos. Ces dernières semaines, plusieurs petits actionnaires sont montés au créneau contre la direction du groupe. Son cours de Bourse s’est effondré de 70% depuis l’annonce, mi-juin, de la scission en deux entités distinctes, entre les services informatiques « classiques » et les métiers de cloud et de cybersécurité. Ils critiquent le « manque de vision stratégique » de la direction alors que la marge a chuté de 9% à 3% en un an.

Selon plusieurs sources, plusieurs investisseurs se sont réunis jeudi pour évoquer la stratégie à mener afin de pousser Atos à remanier sa gouvernance.

« Ils fourbissent leurs armes et essaient de fédérer le plus d’actionnaires possibles autour d’eux », explique une source.

Trois d’entre eux, Sycomore, Sparta Capital, et l’actionnaire individuel Hervé Lecesne, ont formalisé leurs exigences dans cinq lettres écrites au conseil d’administration. Ils demandent le départ du président, Bertrand Meunier, et le changement de trois administrateurs. Ce dernier a symboliquement concédé à lâcher la présidence du comité des nominations qu’il cumulait, mais refuse d’aller plus loin.

Ces derniers jours, ils ont reçu une fin de non-recevoir d’Atos. « Si des administrateurs partaient, Atos ouvrirait une nouvelle période d’incertitude après le départ du directeur général Rodolphe Belmer« , justifie-t-on au sein de la direction. Pour mettre la pression, Sycomore a envoyé fin juillet une lettre à tous les actionnaires pour les fédérer et convoquer une assemblée générale extraordinaire (AGE) afin d’évincer Bertrand Meunier. « Il voudrait une solution plus calme et discuter mais Atos est dans le déni total », explique une source proche de Sycomore.

Siemens en soutien

Il a sondé plusieurs investisseurs pour le suivre. Car la loi impose de réunir 5% du capital pour convoquer une « AGE ». « Etant donné la chute du cours de Bourse, il y a largement assez d’actionnaires prêts à suivre », assure un bon connaisseur d’Atos. Selon plusieurs sources, sont cités les noms de Sparta Capital, JG Capital, DNCA, Montségur Finance, l’homme d’affaires Hervé Lecesne ainsi que des investisseurs étrangers comme Atlantic et un famille suédoise. Ils sont prêts à suivre Sycomore dans sa démarche.

La question se pose aussi pour le premier actionnaire d’Atos, l’allemand Siemens (10%), silencieux depuis des années. Plusieurs investisseurs assurent qu’ils suivront cette fronde pour changer la gouvernance. « Siemens ne dira rien officiellement mais suivra le mouvement, explique une source proche du dossier. Plusieurs actionnaires sont en contact avec eux ». Il rappelle que l’administrateur de Siemens a quitté son siège au comité des comptes un an après le départ de Thierry Breton.

Des profils pour la présidence

En pratique, pourtant, convoquer une assemblée générale extraordinaire sera difficile. La direction pourra s’y opposer en saisissant le tribunal de commerce. Cette procédure prendrait plusieurs mois et permettrait à Atos de temporiser jusqu’à l’assemblée générale du printemps prochain. Pour les actionnaires, c’est un moyen sûr d’accentuer la pression en vue, justement, de cette « AG ». La menace de convocation d’une « AGE » est surtout un moyen d’établir un rapport de force avec Bertrand Meunier pour le faire plier. Certains actionnaires ont même déjà commencé à réfléchir à des profils pour entrer au conseil d’administration d’Atos. Le nom de Dominique Cerutti est régulièrement cité pour la présidence ainsi que celui de Bernard Bourigeaud pour un poste d’administrateur. Ce dernier est l’un des fondateurs d’Atos il y a vingt ans. Il préside aujourd’hui son ancienne filiale dans les paiements, Worldline.

Faire sauter le tabou du rachat d’Atos

Certains actionnaires hésitent aussi à secouer le conseil d’administration où siège Edouard Philippe. « Il ne faut pas aller au clash car il y a un ancien Premier ministre à l’intérieur et le gouvernement qui suit de près le dossier« , prévient un bon connaisseur du dossier. Sans oublier l’ombre de l’ancien PDG, Thierry Breton, qui plane au-dessus d’Atos. L’actuel président Bertrand Meunier est resté proche de l’actuel commissaire à l’industrie de la Commission européenne.

Sur le fonds, tous ont le même objectif: faire remonter le cours de Bourse. Des actionnaires poussent surtout au départ de Bertrand Meunier pour faire sauter le tabou du rachat d’Atos. Son président s’oppose depuis plusieurs mois à un rapprochement et a repoussé les approches de Thales. Son départ permettrait aux actionnaires de placer un président ouvert à un adossement, notamment de la branche cybersécurité qui suscite beaucoup d’intérêt. De Thales, Orange ou Airbus mais aussi Inetum ou OVH dont les noms circulent sans être démenti. Ils sont tous à observer la situation et prêts à bondir.

Matthieu Pechberty
Journaliste BFM Business

NOTE DU WEBMASTER:  Environ 15 jours après cet article, Sycomore a annoncé qu’il rennonçait a convoquer une AGE et Atos a annoncé qu’ils s’étaient rencontrés pour revenir sur une collaboration constructive avec cet actionnaire.