La société française ambitionne de mettre la main sur l’ancienne activité de service informatique de Hewlett-Packard, ce qui lui ferait doubler de taille. Mais les investisseurs renâclent face à la mauvaise réputation de l’Américain. Un risque à prendre observe Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».
Face à l’affrontement américano-chinois dans le numérique, il est de bon ton de pleurer sur l’absence de l’Europe, et particulièrement de la France, sur ce terrain de bataille, essentiel pour l’avenir de nos économies. Le constat est exact, mais oublie le fait que l’Hexagone dispose tout de même, au sein du CAC 40, de cinq entreprises de taille mondiale dans ce secteur, avec Dassault Systèmes, STMicroelectronics, Worldline, Capgemini et Atos. C’est évidemment d’autant plus insuffisant que ces acteurs, hormis Worldline, sont dans le paysage depuis plusieurs décennies et qu’ils ne bénéficient pas vraiment, à part Dassault Systèmes, de l’enthousiasme des investisseurs mondiaux pour tout ce qui touche à la high-tech.
Image désastreuse
Ils devraient donc se féliciter de voir le plus petit de la bande, Atos, engager le pari le plus transformant de son histoire. La firme a en effet confirmé hier avoir transmis une offre amicale non engageante sur sa concurrente américaine DXC. Celle-ci a réalisé, en 2019, près de 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires, contre 11 pour Atos. Qui plus est, le client est prestigieux. Derrière l’acronyme DXC se cache en effet l’ex-division service informatique de Hewlett-Packard (HP), fusionnée en 2017 avec une autre gloire américaine du secteur dans les années 1990, Computer Science Corp (CSC). Une telle opération qui doublerait la taille d’Atos le ferait entrer dans le gotha mondial du secteur dominé par Accenture.. C’est le pari américain d’Atos.
Mais les investisseurs n’ont pas du tout aimé cette perspective. Ce jeudi 7 janvier, le cours de Bourse d’Atos s’est effondré de près de 13 %. En cause, l’image désastreuse de ce morceau de l’empire HP. Les revenus de la société déclinent d’année en année, et sa dette atteignait, en 2019, près de 10 milliards de dollars (8,1 milliards d’euros). Un navire en perdition, dévasté par le déclin des services informatiques traditionnels, attaqué d’un côté par les groupes indiens champions du low cost et, de l’autre, par les stars du numérique, Amazon, Google et Microsoft.
La société française estime que sa cible américaine dispose d’un portefeuille de grands clients américains et européens suffisamment alléchant pour justifier de mettre la main au porte-monnaie. Il est vrai aussi que DXC, sous l’impulsion d’un nouveau management venu d’Accenture, a considérablement allégé sa dette, en vendant, en 2020, une bonne partie de ses activités, dont celles dans la santé. Un effort pas vraiment reconnu par la Bourse qui valorise l’entreprise autour de 7 milliards de dollars. Pour le Petit Poucet du CAC 40, désendetté depuis son retrait de Worldline, il y a un risque à prendre.
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