COPRYRIGHTS LE MONDE –
Mis en examen dans l’une des affaires de l’ancien président de la République, l’ambitieux patron du groupe de services numériques Onepoint rêve de se faire un nom dans le capitalisme français.
David Layani dit ne pas courir après l’argent, mais montre qu’il en a, comme pour afficher son appartenance à ce nouveau monde. Cavalier et amateur de polo, il a créé cet été une écurie de pur-sang confiés à l’entraîneur star de Deauville, Jean-Claude Rouget. Son appartement, un duplex de 450 mètres carrés proche du Trocadéro et décoré par Isabelle Stanislas, l’architecte d’intérieur à qui Emmanuel Macron a confié la rénovation de la salle des fêtes de l’Elysée, figure dans les magazines de décoration internationaux.
Né dans une famille de musiciens – son père est bassiste et son oncle, Gérard, est connu pour avoir composé, notamment, Requiem pour un fou pour Johnny Hallyday –, David Layani ne chante pas, mais il a hérité de sa mère, Evelyne, dont la société ELO organise des mariages somptueux, un vrai sens de l’hospitalité. Sous le plafond spectaculaire de la salle à manger de son duplex, il organise les vendredis soir des dîners où se mêlent journalistes – Jean-Pierre Elkabbach, mort le 3 octobre, y venait souvent –, intellectuels – comme l’avocat, écrivain et académicien François Sureau – ou politiques. Un convive se souvient d’un interminable tour de chant de Gérald Darmanin, fan absolu de Boby Lapointe.
Revanche sociale
« Si ça continue, pour faire comme les grands industriels, il va s’offrir un journal », prédit l’une de ses connaissances. Il a d’ailleurs été approché, début 2023, pour reprendre VSD. Mais l’affaire ne s’est pas faite. David Layani préfère investir dans l’audiovisuel : sa société de production, Place du marché, a financé Sœurs d’armes (2019), le film de Caroline Fourest, et, cette année, la série Antigang sur la brigade de recherche et d’intervention.
Beaucoup décèlent dans cette envie de briller un sentiment de revanche sociale. « Trop souvent, dans nos sociétés, quand on n’est pas né à la bonne table, on a l’impression de ne pas être invité au banquet républicain », admettait David Layani, dans son discours de remise de l’ordre du Mérite. Lui qui, plus jeune, se serait bien vu ministre s’offre finalement avec Onepoint la place républicaine qu’il aurait aimé gagner avec la politique.
« Il a une carrière politique latente et il considère qu’être engagé fait partie du job d’un entrepreneur moderne », défend Thierry Saussez, ancien communicant de Nicolas Sarkozy, qui a travaillé à faire connaître David Layani en lui organisant déjeuners et conférences. C’est lui qui a fait venir Bruno Le Maire, ministre de l’économie, à l’inauguration, en juin, des bureaux de l’avenue d’Eylau, en compagnie des anciens ministres Luc Ferry et Jean-François Copé. Ce dernier est un familier des lieux : son frère, Jean-Fabrice, s’occupe de la stratégie de Onepoint.
« Business à l’ancienne »
La société est un repaire de « naufragés » de l’ancienne UMP. Parmi les associés de David Layani, on trouve Laurent Sorbier, ancien conseiller du premier ministre Jean-Pierre Raffarin, Marina Villalonga, ex-attachée de presse d’Eric Ciotti au conseil général des Alpes-Maritimes, ou Vincent Chriqui, maire de Bourgoin-Jallieu, qui a dirigé la campagne de François Fillon en 2017. Jean Spiri, proche de Xavier Bertrand et éphémère directeur de cabinet de Brigitte Macron jusqu’au printemps, a travaillé chez Onepoint entre 2015 et 2020.
Cette « façon de faire du business à l’ancienne », comme le résume un patron, étonne. N’est-ce pas un écran de fumée, alors que Onepoint garde le secret sur ses comptes ? « Pensez-vous qu’un investisseur comme Carlyle lui aurait prêté 500 millions d’euros les yeux fermés », balaie un proche du groupe. Quant à ceux qui pensent que ce réseau d’influence sert les affaires de Onepoint auprès des ministères ou des collectivités locales, grands consommateurs de conseil numérique, David Layani a vite fait de leur rappeler que la politique lui a apporté plus d’ennuis que de bénéfices.
Depuis octobre 2021, il est mis en examen dans l’un des volets du dossier des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 : 72 000 euros d’honoraires payés par David Layani à Bestimage, l’agence de relations publiques de Mimi Marchand, auraient servi à financer, en novembre 2020, la fausse rétractation de l’accusateur Ziad Takieddine. L’affaire vaut, depuis le 6 octobre, une nouvelle mise en examen à l’ancien président de la République.
Mauvaise publicité
L’entrepreneur se défend, assure ne pas avoir eu connaissance, à l’époque, de l’usage final de cet argent, mais le mal est fait. Très investi dans la construction de son image, David Layani doit maintenant composer avec cette mauvaise publicité. La direction générale de l’armement, soucieuse de la réputation de ses fournisseurs, fait désormais preuve de plus de prudence à l’égard du groupe, même si Onepoint continue d’exécuter ses contrats avec la défense. Et les conseils de Onepoint ont dû répondre aux multiples questions de Carlyle, n’hésitant pas à brandir la liste des patrons français mis en examen, ou condamnés, pour prouver que cela ne gênait pas les affaires.
Aujourd’hui, David Layani a pris ses distances avec Nicolas Sarkozy et se concentre à 100 % sur Atos. Quelle que soit l’issue de la procédure, il pense avoir déjà payé avec sa condamnation médiatique. Mais il ne peut s’empêcher de se demander, parfois, si c’était une si bonne idée de l’avoir invité le 17 juin 2019.