Le directeur général et le président s’opposent sur la stratégie qui sera présentée la semaine prochaine. Thales continue à pousser pour racheter la division cybersécurité.
La crise n’est jamais vraiment terminée chez Atos. Un nouveau directeur général a pris ses fonctions depuis le 1er janvier et déjà, ses relations s’avèrent tendues avec son conseil d’administration. C’est pourtant le président Bertrand Meunier qui a choisi et nommé en fin d’année dernière Rodolphe Belmer. Mais la définition de la stratégie, qui doit être présentée mardi prochain, cristallise des tensions fortes au sommet d’Atos.
Selon plusieurs sources proches du groupe, des options stratégiques proposées par Rodolphe Belmer ont été rejetées par le conseil d’Atos à plusieurs reprises. Dernier refus en date, le 17 mai, veille de l’assemblée générale lors de laquelle les deux hommes faisaient pourtant bonne figure et masquaient leurs désaccords.
Avenir de la branche cyber
Selon plusieurs sources, Rodolphe Belmer a planché sur son introduction en Bourse mais aussi sa scission, accompagnée de l’entrée d’un partenaire industriel. Le directeur général a même étudié l’option d’un rachat de l’ensemble du groupe. Mais à chaque fois, ses réflexions ont été retoquées.
« Le conseil veut maintenir l’indépendance et l’intégrité d’Atos, ajoute cette source. L’objectif est de ne rien sacrifier ». Les relations entre Rodolphe Belmer et le président d’Atos, Bertrand Meunier, se sont « tendues » au fil des mois, selon plusieurs sources.
« Il y a certainement des regards différents sur les différentes options qui ont été étudiées », reconnait à demi-mot un porte-parole d’Atos.
« La question que pose cet affrontement est: qui fixe la stratégie?, explique un cadre d’Atos. C’est le conseil, pas le directeur général même s’il a essayé ». Le bras de fer est si fort qu’en interne, certains s’interrogent sur le maintien de Rodolphe Belmer à son poste. Une décision difficile à assumer pour le conseil d’administration d’Atos six mois seulement après son arrivée et l’éviction de son prédécesseur Elie Girard.
Thales sème le trouble
Ces désaccords sont amplifiés par l’arrivée d’un acteur dans le jeu: Thales. Le groupe de défense cherche à racheter à Atos sa division de cybersécurité. Plusieurs approches ont été menées mais Atos oppose, pour le moment, une fin de non-recevoir. « On ne va pas accueillir un prédateur les bras ouverts » s’agace une source proche du conseil d’administration.
Rodolphe Belmer a déjà déclaré en mars que la cybersécurité n’était « pas à vendre ». Mais il semblait plus ouvert que les administrateurs d’Atos. « Il était prêt à nous écouter », confirme un proche de Thales qui déplore qu’aucune discussion n’ait eu lieu. Atos semblait prêt à discuter d’une alliance dans la « cyber » dans laquelle Thales serait resté un actionnaire minoritaire. Mais le groupe de défense n’en veut pas à ce stade. Son PDG, Patrice Caine, continue de mener un intense lobbying. Il met la pression à tous les niveaux de l’Etat, notamment du ministère de la Défense, un client important des deux entreprises.
L’Etat tranchera
Thales fait passer le message qu’il « ne lancera pas d’assaut sur Atos » confient plusieurs sources proches du groupe. Mais Patrice Caine ne désarme pas. La cybersécurité est essentielle dans sa stratégie et il n’abandonnera pas l’idée de racheter cette activité d’Atos qu’il lorgne depuis plusieurs années. « Il s’en remet à l’Etat qui doit maintenant trancher », ajoute un de ses proches. Chez Atos, on temporise aussi. « Il faut laisser le temps au nouveau gouvernement de se pencher sur notre avenir, glisse un cadre qui en profite pour tacler Thales: l’Etat n’aime pas les solutions hostiles ».
Dans ce dossier, l’Etat est partout: client important d’Atos et de Thales dont il est aussi actionnaire. Il l’est aussi chez Airbus et Orange, les deux autres groupes qui s’intéressent à cette division de cybersécurité. « Macron veille à ce qu’Atos reste en France » entend-on dans l’entourage du gouvernement. Le président dispose en plus d’un relai de poids chez Atos. L’ancien Premier ministre, Edouard Philippe, est administrateur depuis son départ de Matignon il y a deux ans.