Portrait: « Olivier Dellenbach, de bonne fortune ».
En trois décennies, le fondateur de Nat System et d’eFront a fait fortune dans le numérique. Son dernier but : faire de sa troisième entreprise, ChapsVision, un champion européen de l’analyse des données.
Il y est. Et il y reste. Pour la deuxième année d’affilée, Olivier Dellenbach s’est retrouvé, cet été, classé parmi les 500 plus grandes fortunes françaises, selon le magazine « Challenges ». Dans sa besace, des actifs professionnels estimés à 200 millions d’euros. Et une troisième entreprise, que cet ingénieur a créée de ses mains. A 60 ans, il est à la tête de ChapsVision, une PME spécialisée dans l’analyse de données qui réalise 35 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 300 personnes.
Mais, avant d’en arriver là, il a bataillé ferme, et vécu pas moins de trois révolutions dans la tech. Retour en 1988 : le jeune polytechnicien fonde Nat System pour accompagner le déploiement d’ordinateurs PC dans les entreprises. L’un de ses logiciels est remarqué par Microsoft, dont il devient sous-traitant. Le début d’une belle ascension : sa société comptera jusqu’à 200 salariés.
Mais une percée manquée sur le marché américain le décide à passer la main. En 1998, il revend l’affaire au canadien Cognicase. Fin de l’aventure. Un fauteuil de directeur technique dans une multinationale ne le tente guère. « C’est à travers l’entrepreneuriat que je pouvais exprimer le mieux ma passion de la tech », résume ce fils d’un médecin gynécologue.
Revendu pour 1,3 milliard de dollars
En 2001, il est donc aux premières loges pour contempler l’essor du Web puis l’explosion de la bulle Internet. C’est le moment qu’il choisit pour concocter un outil de gestion dédié au capital investissement. Son logiciel décolle grâce au boom du « Private Equity ».
En dix-huit ans, eFront devient un leader abritant jusqu’à 850 collaborateurs… Olivier Dellenbach le revend en 2019 au géant de l’asset management BlackRock pour la bagatelle de 1,3 milliard de dollars. De quoi pouvoir participer à une troisième révolution, celle des datas.
A ses yeux, beaucoup reste à faire. « Il y a un buzz énorme autour de la richesse des données mais, au final, peu d’entreprises arrivent à créer de la valeur avec », constate Olivier Dellenbach, regard vert malicieux, derrière ses lunettes métalliques.
Qu’à cela ne tienne, le « serial » entrepreneur lance ChapsVision pour aider de grandes organisations à analyser leurs données et surtout à en tirer profit pour en dégager des axes de développement.
Un bulldozer
« Quand Olivier a une idée dans la tête, difficile de l’arrêter. C’est un bulldozer », témoigne son épouse Béatrice Dellenbach, qui a travaillé à ses côtés chez eFront. Pour ne rien laisser au hasard, l ‘entrepreneur alsacien a réalisé, en un temps express, une salve d’acquisitions. Après Coheris, spécialiste du CRM, Sparkow et Octipas, acteurs du retail, NP6 (marketing digital), il vient de reprendre Bertin IT, filiale du groupe CNIM, spécialisé dans la cybersécurité. Cinq rachats en deux ans, ce n’est pas banal. « L’objectif est d’accéder à un portefeuille clients, à des compétences et à des briques technologiques qui permettent de raccourcir le temps », assure ce grand lecteur de BD, fan de « Michel Vaillant ».
Les revenus générés par la société serviront également à financer la fondation HappyCap, lancée avec sa femme. Pour ce père de famille, dont une fille est handicapée mentale, les dispositifs permettant aux handicapés moteurs de mieux communiquer avec leurs proches font défaut. Son entreprise soutiendra des projets pour développer des méthodes de communication destinées à des personnes n’ayant pas accès à la parole.
Champion européen
Comme il y a trente ans, son envie de construire reste intacte. Discret mais pugnace, il veut faire de ChapsVision un champion européen de l’analyse de données en multipliant par quatre sa taille d’ici à 2024. « Face à une concurrence américaine, l’objectif est de créer une plateforme d’analyse et d’investigation souveraine », souligne l’entrepreneur qui, à rebours de son passé, promet de ne pas céder l’activité à des groupes d’outre-Atlantique.
La souveraineté technologique lui tient à coeur : « Au lieu de souhaiter l’avènement de 15 ou 20 licornes, structurées pour être vendues, le plus probablement aux Etats-Unis, la France devrait plutôt ambitionner de faire briller plusieurs groupes tech au CAC 40 », martèle-t-il.
Bruno Askenazi
https://www.lesechos.fr/thema/eti-numerique/olivier-dellenbach-de-bonne-fortune-1343792