Pour Christopher Hohn, fondateur de TCI, actionnaire historique d’Airbus, l’avionneur s’embarque dans un sauvetage d’Atos en investissant dans sa filiale cyber – ce qui n’est pas son rôle, selon lui. En réponse à l’attaque de TCI, le président du conseil d’administration d’Airbus offre au fonds activiste de dialoguer ce lundi.
Par Anne Drif, Anne Bauer
« Ce deal ne doit pas être signé, quel qu’en soit le prix. » Lundi, Christopher Hohn, le fondateur du puissant fonds activiste TCI, l’un des principaux actionnaires privés d’Airbus, va revenir à la charge auprès du conseil d’administration de l’avionneur et son président René Obermann pour qu’ils abandonnent tout projet d’entrée au capital d’Evidian, la future entité cyber et cloud d’Atos, en vue de son sauvetage. Dans un courrier de mercredi dont « Les Echos » ont eu connaissance, la direction d’Airbus dit accepter le principe d’une discussion ce 27 février visant les points soulevés par l’activiste.
La réunion s’inscrit dans le calendrier classique établi au préalable après les publications de résultat afin d’échanger avec l’ensemble des actionnaires, fait-on savoir du côté d’Airbus. Interrogé, l’avionneur dit favoriser un « dialogue constructif ». « La société s’est engagée et continuera de dialoguer avec TCI et d’autres actionnaires sur tous les sujets pertinents, y compris la nature et la justification de l’accord stratégique et technologique potentiel à long terme que nous explorons actuellement avec Evidian », ajoute Airbus.
Il est peu probable cependant que TCI, l’un des leaders de l’activisme mondial, se contente d’une explication de texte. Actionnaire depuis plus de dix ans d’Airbus, initiateur d’une première campagne efficace en 2013 contre EADS (prédécesseur d’Airbus) pour qu’il cède ses 46 % dans Dassault (Airbus n’en détient plus que 9,9 %), Chris Hohn entretient des rapports très directs de longue date avec les industriels français de l’aéronautique et de la défense. Son intervention contre l’ acquisition de Zodiac, en difficultés, par Safran il y a cinq ans s’est traduite par une réduction drastique du prix d’achat – moins 40 %, selon TCI. Pour Chris Hohn, le projet d’entrée à 29,9 % du capital d’Evidian n’est que l’histoire qui se répète d’une intervention politique pour sauver un acteur tricolore, au détriment de l’intérêt d’actionnaires privés (Airbus étant détenu à hauteur de 25,9 % par les Etats français, allemand et espagnol).
Interférence politique
« Nous nous retrouvons exactement dans le même cas d’interférence politique pour sauver un acteur français à la dérive que celui de Safran avec Zodiac », déclare Chris Hohn aux « Echos ». Mais ici, réduire le prix n’est même plus le sujet – un ticket de l’ordre de 1,2 milliard d’euros est évoqué, selon des sources, moyennant une valorisation globale de 7 milliards d’euros d’Evidian, dont 3 milliards de dette. Et TCI ne changera pas de position, quelles que soient les promesses de dividendes ou de rachat d’actions qui devraient être privilégiés par Airbus.
« Le principe même de cette opération n’a aucun sens », reprend le fondateur de TCI, actionnaire de plus de 3 % du capital – soit une participation de l’ordre de 4 milliards d’euros. « Airbus a des milliers de sous-traitants, ont-ils besoin de les racheter ? Rachètent-ils Safran ? Non. Ils peuvent nouer des relations contractuelles classiques avec leur fournisseur, ils peuvent recruter des compétences. Vous pouvez avoir un certain contrôle de vos salariés, pas d’une entreprise dont vous détenez moins de 30 %. Dès lors, quel intérêt ? »
« Peut-on même penser que les prestations d’Evidian soient si exceptionnelles ? Sont-ils meilleurs que Microsoft, Google ? Compte tenu des difficultés d’Atos, on peut en douter », poursuit Chris Hohn. Prendre un ticket minoritaire dans Evidian, c’est surtout « la garantie pour les actionnaires d’Airbus de devoir supporter la dette qui sera transférée dans Evidian, sinon quel serait l’intérêt d’une telle scission ? C’est aux actionnaires d’Atos d’assumer une augmentation de capital, pas à ceux d’Airbus », affirme-t-il.
Evidian, selon TCI, dégagerait une faible marge (de l’ordre de 8 %) et supporterait beaucoup de dettes, de l’ordre de quatre à cinq fois son Ebitda. Dans deux à trois ans, Airbus devra probablement déprécier ou devoir injecter encore du capital dans Evidian, selon Chris Hohn.
Soutien d’investisseurs
« Si Airbus cède à ces interférences politiques, quelle sera la prochaine société qu’ils devront sauver, et combien encore ? Quand le groupe était sous contrôle public il y a plus de dix ans, sa performance n’était pas excellente. Airbus est une société contrôlée par des investisseurs privés. Derrière Evidian, il y a un principe essentiel en jeu », poursuit-il.
Reste que sans contrats de puissances publiques, Airbus pourrait difficilement opérer. Nombre de sociétés aériennes, y compris dans l’aéronautique civil, sont encore détenues par des Etats. Difficile donc d’ignorer l’importance des pouvoirs publics dans l’écosystème Airbus. Si Guillaume Faury a confirmé le dépôt d’une offre indicative, le dirigeant d’Airbus a aussi répondu qu’« il n’y a aucune certitude à ce stade qu’une transaction ait lieu ».
Mais pour TCI, le fait même que la direction d’Airbus examine un tel projet est une distraction au regard de ses priorités de livraison. Et de citer aussi l’A400M, qui l’a conduit à des milliards d’euros de provisions, ses amendes pour écarter les poursuites pénales, ou encore les défaillances de l’ hélicoptère H225.
TCI a déposé une motion en 16 points en vue de l’assemblée générale du 19 avril. Mais Chris Hohn affirme aussi qu’un « vote de confiance envers la direction d’Airbus pourrait avoir lieu si nécessaire. Nous recevons d’ores et déjà des marques de soutien d’investisseurs. S’ils ne répondent pas à la motion que nous avons déposée, ils iront à l’encontre de leurs obligations ».
Le fondateur de TCI n’en est pas à demander une refonte de la direction de l’avionneur – bien que, dans son courrier du 20 février, il se dise préoccupé par le fait même que le conseil d’administration a « permis une potentielle transaction d’avoir lieu ». « Nous apprécions la direction d’Airbus, mais nous n’aimons pas ce deal », déclare Chris Hohn.
Anne Drif avec Anne Bauer
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/airbus-atos-chris-hohn-le-patron-du-fonds-activiste-tci-sexplique-1909880
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