Après le faux bond d’Airbus, les quatre dossiers chauds d’Atos [LES ECHOS]

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Après l’échec des négociations menées en parallèle avec Daniel Kretinsky et Airbus pour se vendre, Atos voit s’approcher le mur de la dette. Mais d’autres dossiers chauds sont sur le bureau des dirigeants.

Par Florian DèbesNicolas MadelaineAnne Drif

Publié le 19 mars 2024 à 18:52Mis à jour le 19 mars 2024 à 19:52
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Trouver une situation financière gérable

Atos a encore des savoir-faire et des talents recherchés par les clients mais est lesté d’une dette brute d’environ 4,7 milliards d’euros avec des échéances proches, notamment 500 millions en novembre (des obligations convertibles) et 750 millions en mai 2025 (des obligations). Il faut y ajouter 1,5 milliard en janvier 2025 de dette bancaire. La société peut d’autant moins honorer ses engagements que ses activités « consomment du cash » (1,1 milliard en 2023), c’est-à-dire qu’elles ne s’autofinancent pas et alourdissent encore le bilan du groupe.

La nomination d’un mandataire ad hoc début février avait pour but de discuter avec les banques pour donner de l’oxygène à la société. L’abandon de la vente des activités historiques d’infogérance – Tech Foundations – à Daniel Kretinsky et l’échec, ce mardi, de la cession de Big Data & Security (BDS) à Airbus, qui devait apporter un peu plus de 1,5 milliard de liquidités, fait craindre qu’il ne faille passer à l’étape suivante : une procédure collective au Tribunal avec possiblement une mise sous sauvegarde comme première étape.

Dans ce cas, pour éviter un redressement, voire une liquidation, les banques prêteuses et les détenteurs d’obligations (dont les coupons et les remboursements sont gelés) n’ont d’autres choix que de se mettre autour de la table avec des apporteurs d’argent frais pour négocier une restructuration financière et calibrer un endettement supportable par la société.

Les actionnaires existants, de leur côté, encourent au mieux le risque d’être dilués, au pire de perdre la totalité de leur mise, dont le premier d’entre eux, David Layani de Onepoint, avec 11 % du capital.

Atos espère encore pouvoir éviter cette situation dramatique. Les négociations sous mandat ad hoc pourraient désormais inclure les détenteurs d’obligations, qui partagent à 50-50 la charge des 4,7 milliards de dettes d’Atos et étaient mécontents de ne pas participer aux discussions le mois dernier. Un groupe de hedge funds a récemment fait comprendre qu’il ne voulait pas rester les bras croisés.

Cependant le scénario du pire n’est pas à exclure. Les obligations Atos ont été maltraitées sur les marchés ce mardi et s’échangent désormais à des niveaux (entre 18 % et 24 % de leur valeur faciale environ) qui laissent penser qu’une restructuration lourde de la dette est possible.

Protéger les actifs stratégiques et militaires

L’intérêt de l’Etat pour l’entreprise entièrement privée Atos n’a rien de fortuit. Le spectre d’une procédure de sauvegarde inquiète élus de tous bords et militaires alors que le groupe de Bezons s’est imposé en fournisseur stratégique pour le parc nucléaire d’EDF et l’armée. Sans Atos, l’autonomie française en matière de dissuasion nucléaire prendrait un sérieux coup. Ses supercalculateurs sont indispensables aux simulations d’essais nucléaires. Ses logiciels se retrouvent dans les chars Scorpion et les Rafale. Or, les seules alternatives sont américaines ou japonaises.

Certes, ces activités ne constituent qu’une part mineure du groupe aux 10,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Remises dans le contexte de la scission envisagée jusqu’ici, elles étaient logées dans l’entité Eviden (5 milliards d’euros de recettes en 2023 dont les services numériques) au sein d’un appartement baptisé « BDS » pour Big Data & Security. D’après les observateurs, les contrats de cybersécurité rapportaient un peu plus de 500 millions d’euros par an, quand les supercalculateurs et les systèmes d’information pour l’armée génèrent environ 700 millions d’euros de recette.

Ces activités pèsent également très peu sur le plan économique par rapport à l’autre branche du groupe. Malgré ses difficultés, Tech Foundations, avec ses contrats de gérance des ordinateurs et des centres de données des entreprises, affiche 5,6 milliards d’euros de revenus annuels. Mais c’est bien la pépite BDS qui attire tous les regards. Appelé sans succès à l’automne dernier à nationaliser temporairement Atos, le gouvernement planche désormais sur une « solution nationale de protection des activités stratégiques ».

Assurer les JO 2024

Le timing ne pouvait pas être pire. A moins de cent jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris, c’est un partenaire français de longue date du Comité international olympique (CIO) qui menace de péricliter. Atos compte toutefois bien honorer son dossard, comme il le fait depuis les Jeux de Salt Lake City en 2002. « Atos est dans les temps, il n’y a pas d’attrition dans les équipes chargées des JO », défend une source proche du dossier.

Logée à part du reste de la société, la petite filiale consacrée aux grands événements vit au rythme des Olympiades et de quelques autres grands rendez-vous, essentiellement sportifs. Peu rentable, elle est surtout une vitrine pour le groupe.

Sur le terrain, ses informaticiens s’assurent notamment du bon fonctionnement des systèmes informatiques sur le lieu de la compétition, des écrans aux chronomètres en passant par le système d’accréditation et de billetterie, la diffusion des résultats, les cabines des commentateurs télé, sans oublier la cybersécurité de l’ensemble. Compte tenu de la situation financière du groupe, l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi) se dit « particulièrement vigilante ».

Egalement partenaire de l’UEFA jusqu’en 2030 pour l’organisation de l’Euro de football, le sort d’Atos fait aussi trembler le monde du ballon rond. D’après « La Lettre », l’instance réfléchirait à mettre fin au contrat qu’elle a signé avec le groupe il y a moins de deux ans.

Sauvegarder l’emploi

Lorsqu’un mandataire ad hoc a été nommé en février dernier, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, s’était exprimé publiquement dans « Les Echos ». Il déclarait que l’Etat « utilisera tous les moyens à sa disposition pour préserver les activités stratégiques d’Atos ». Mais ajoutait qu’il ne « laisserait pas tomber les activités industrielles d’Atos qui représentent des dizaines de milliers d’emplois ».

Bien qu’elle soit méconnue du grand public et qu’elle ne pèse plus en Bourse que 192 millions d’euros, l’entreprise emploie plus de 100.000 salariés dans le monde, dont environ 10.000 en France. Mais selon nos informations, sur ce volet, le gouvernement est moins interventionniste que sur le premier et est prêt à laisser faire les mécanismes de marché et de place afin que le groupe restructure son financement avec ses diverses contreparties. Il n’y aura donc pas de chèque en blanc. La partie historique du groupe, l’infogérance de Tech Foundations, est particulièrement exposée. Elle compte 50.000 emplois.

Florian Dèbes, Nicolas Madelaine et Anne Drif

https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/apres-le-faux-bond-dairbus-les-quatre-dossiers-chauds-datos-2083735

 

Lâché par Airbus, Atos s’enfonce dans la crise

La descente aux enfers d’Atos continue. Déjà éconduit par Daniel Kretinsky, Atos vient cette fois d’être abandonné en rase campagne par Airbus avec lequel il négociait la vente de ses activités les plus stratégiques. Pour l’ex-fleuron informatique et ses 100.000 salariés, l’horizon s’obscurcit encore un peu plus.

Par Gwénaëlle BarzicAnne DrifJulien Dupont-Calbo

Publié le 19 mars 2024 à 09:19Mis à jour le 19 mars 2024 à 19:53
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La piste Airbus s’envole. Encore une fois. L’avionneur européen a annoncé mardi mettre fin à ses discussions avec Atos pour le rachat de ses activités stratégiques de cybersécurité. C’était l’une des dernières options pour insuffler un peu d’oxygène dans les finances de l’ex-fleuron informatique, qui doit rembourser ou refinancer 3,65 milliards d’euros de dettes bancaires et obligataires d’ici fin 2025.

Selon plusieurs sources, Atos a appris la nouvelle du retrait d’Airbus dans la nuit de lundi à mardi. La décision de l’avionneur franco-allemand est vécue comme un coup de poignard chez l’informaticien qui affichait encore il y a peu son optimisme quant aux chances de succès des négociations.

« Après un examen attentif de tous les aspects d’une éventuelle acquisition de la branche BDS [Big Data & Security] d’Atos, Airbus a décidé de ne plus poursuivre les discussions avec Atos sur cette transaction potentielle », indique le groupe dans un communiqué.

Un coup d’arrêt brutal aux discussions

« C’est très brutal », reconnaît un des participants aux discussions. D’autant que l’annonce intervient à la veille de la publication des résultats annuels d’Atos, attendus après leur report fin février. « Airbus a débranché la prise sans prévenir, à la veille des résultats, on ne pouvait pas faire pire timing », dit-on côté Atos, qui a reporté sine die l’annonce de ses comptes annuels.

« On entre dans une zone inconnue », raconte une source en interne, qui décrit des salariés tombés de l’armoire. Avec le soutien de Bercy, les équipes d’Atos et d’Airbus discutaient depuis plusieurs mois, des centaines de personnes étaient impliquées.

Mais chez Airbus, les pertes de la partie supercalculateurs de BDS héritée du rachat de Bull avaient toujours suscité des réticences. Il y a plus d’un an, son actionnaire américain TCI s’était déjà insurgé contre ce qu’il estimait être un sauvetage d’Atos téléguidé par l’Etat français. Résultat, des discussions qui portaient sur un périmètre plus large avaient une première fois été abandonnées avant qu’Airbus ne revienne à la charge quelques mois plus tard.

Dissensions entre Allemands et Français chez Airbus

L’avionneur avait commencé à regarder sous le capot mais le processus de due diligence a pris beaucoup de retard, avec des informations parvenant au compte-gouttes. En toile de fond aussi, des tensions entre Allemands et Français au sein de l’avionneur, le président du conseil d’administration, René Obermann, n’ayant jamais caché son manque d’appétit pour l’ex-fleuron français, en déshérence depuis plusieurs années. Pressé de conclure afin que les négociations sous l’égide d’Hélène Bourbouloux puissent progresser, le conseil d’administration d’Airbus a fini par refuser l’obstacle.

« La pression d’Atos et de Bruno Le Maire surtout a été trop intense », avance l’une des sources, ce qui n’a fait que crisper davantage les discussions.

A la suite de cette annonce qui jette un voile noir sur l’avenir du groupe de services informatiques, l’action Atos a perdu près de 20 % sur la séance à la Bourse de Paris, tandis que l’action Airbus a gagné près de 2 %. Le titre Atos a fondu de plus de 70 % depuis le début de l’année.

L’avenir s’assombrit pour Atos

En très grande difficulté, le groupe informatique a dit « analyser la situation ». Fin février, une autre option de financement s’était déjà évaporée, les discussions avec le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky en vue du rachat des activités d’infogérance ayant été stoppées.

La pression monte sur Jean-Pierre Mustier, appelé à la rescousse à la présidence du conseil d’Atos pour utiliser son expérience de banquier afin de permettre à la société de retrouver son équilibre financier. Selon nos informations, des réunions du conseil d’administration sont prévues dans les jours à venir afin de passer en revue les options et examiner les marques d’intérêt exprimées pour les différentes entités de la société.

Désormais, l’hypothèse d’une procédure de sauvegarde au Tribunal se rapproche même si elle n’est pas à l’ordre du jour à date, assure-t-on chez Atos. La cession à Airbus, même si elle ne réglait pas tous les problèmes financiers d’Atos, était un des éléments clés dans les discussions menées sous l’égide d’un mandataire ad hoc – Hélène Bourbouloux – avec les banques et les créanciers. Le retrait de l’avionneur rebat donc les cartes.

L’hypothèse Dassault et Thales revient

« La priorité constante de l’Etat est d’accompagner le groupe Atos et de dégager des solutions pour stabiliser sa situation financière et donner toute la visibilité nécessaire aux parties prenantes, en particulier les salariés de l’entreprise », a fait savoir Bercy dans un communiqué, en prenant acte de l’arrêt des discussions avec Airbus.

L’Etat, ajoute le communiqué, travaille à « une solution nationale de protection des activités stratégiques » d’Atos, notamment celles logées dans BDS. « Tous les intérêts de la France seront préservés », dit le document, sans donner plus de précision sur les contours de cette solution.

La question se pose d’une intervention d’un des bras financiers de l’Etat comme Bpifrance ou l’Agence des participations de l’Etat pour s’assurer que les activités stratégiques pour l’Hexagone puissent survivre. Mais la BPI n’a a priori pas changé de position et n’est pas prête à jouer les sauveuses.

David Layani et Daniel Kretinsky aussi dans l’équation

Etant donné les enjeux, Thales et Dassault Aviation pourraient aussi revenir dans le jeu. « Le conseil d’administration d’Airbus fait un très beau cadeau à Thales et à Dassault », grince un des participants aux discussions. Dassault, selon des sources, pourrait être intéressé par l’activité qui inquiète l’Etat, les supercalculateurs qui servent entre autres à la dissuasion nucléaire. Le nom de Dassault avait circulé en décembre pour une offre partielle sur cet actif.

L’hypothèse Thales, qui a regardé le dossier Atos par le passé avant de le refermer, revient également. « Nous ne nous sommes pas intéressés par BDS », a toutefois une nouvelle fois réaffirmé l’un de ses porte-parole.

Dans l’équation, il faudra aussi compter avec David Layani, le premier actionnaire d’Atos qui siège au conseil, mais aussi avec Daniel Kretinsky, qui s’est montré ouvert à jouer un rôle dans les discussions en cours sur la restructuration du groupe informatique.

Gwénaëlle Barzic, Anne Drif, Julien Dupont-Calbo

https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/atos-seffondre-en-bourse-airbus-renonce-a-racheter-ses-activites-big-data-et-securite-2083509

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Si vous avez subi d’énormes pertes sur Atos, sachez qu’une action en réparation est en cours de constitution sur le site Upra.fr (l’Union Pour la Réparation des Actionnaires), pour recouvrer une partie de vos pertes par voie de justice. Cette action sera totalement gratuite pour les plaignants si nous arrivons à trouver le financement auprès de fonds et l’UPRA ne vous demandera aucun paiement ni cotisation ou autres.

Afin de ne pas déstabiliser la société, cette action ne visera ni Atos, ni ses dirigeants ou ex-dirigeants, mais uniquement ses auditeurs (commissaires aux comptes) en particulier DELOITTE supposé être le n°1 mondial de l’audit, mais que l’UPRA soupçonne avoir été très complaisant vis-à-vis d’Atos avec les règles comptables en vigueur, et avoir fait manquer une chance aux actionnaires de ne pas acheter l’action quand elle était surcotée vis-à-vis de sa réelle valeur et manque une chance d’avoir vendu, quand la société s’effondrait et que la comptabilité ne reflétait pas cet effondrement, en particulier une absence totale de dépréciation d’actifs.

Pour des raisons de coûts de procédure, elle est réservée aux personnes ayant subi des pertes supérieures à 10 000€, sinon les coûts judiciaires, avocats, expertises, etc… en millions d’euros seraient supérieurs à la perte et ne seraient pas rentables pour le fonds qui financera ce recours. Soyez assuré qu’il ne s’agit pas de snobisme, mais réellement de contraintes financières.

www.upra.fr

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