Atos accélère sa restructuration – Vente d’Unify à Mitel (LES ECHOS)

Le groupe informatique va céder Unify, racheté en 2015 du temps où Thierry Breton tenait les rênes d’Atos, au canadien Mitel. Un poids en moins pour Atos en pleines négociations avec Airbus pour l’ouverture du capital d’Evidian, sa branche numérique et cyber qu’il espèrerait valoriser au moins 7 milliards d’euros.

Par Leïla MarchandAnne DrifAnne Bauer

Publié le 25 janv. 2023 à 8:17 Mis à jour le 25 janv. 2023 à 16:40

Enfin une bonne nouvelle pour Atos. Le groupe informatique français, dans la tourmente depuis plusieurs mois, a annoncé avoir trouvé un repreneur pour son activité Unify. Dans un communiqué publié mardi soir, il annonce être entré en négociations exclusives avec Mitel Networks pour céder son activité de communications unifiées et de services de collaboration [les communications unifiées désignent l’ensemble des outils d’une entreprise permettant aux salariés de communiquer, que ce soit par mobile, mail ou messagerie, NDLR].

« Ceci constitue une nouvelle étape dans la mise en oeuvre du programme de cession d’actifs d’Atos tel qu’annoncé lors du Capital Markets Day du groupe en juin 2022 », précise le groupe. En effet, l’été dernier, après avoir révélé un plan de scission de ses activités et le départ de son directeur général, Rodolphe Belmer, le groupe avait annoncé des cessions d’actifs non stratégiques pour une valeur d’environ 700 millions d’euros, dont 480 millions n’avaient alors pas encore trouvé preneur.

Dégageant un chiffre d’affaires d’environ 550 millions d’euros, Unify serait une bonne prise pour le canadien Mitel, spécialisé dans le domaine des communications d’entreprises. Cette transaction – dont le montant n’a pas été communiqué – lui permettrait de « multiplier par deux » sa base installée, en passant à 75 millions de clients dans plus de 100 pays et de « renforcer son poids sur le marché » des communications unifiées, où il représente actuellement environ 7 % des parts, indique aux « Echos » Christophe Chamy, directeur général France de Mitel.

Acheté durant les années de gloire d’Atos

La société informatique avait racheté l’allemand Unify en 2015, du temps de Thierry Breton. L’ancien ministre de l’Economie (et actuel commissaire européen), arrivé aux commandes d’Atos fin 2008, avait hissé le groupe dans le Top 5 mondial du secteur en le faisant tripler de taille, en jouant en particulier la carte de la croissance externe.

Siemens avait cédé l’activité à Atos pour une valeur d’environ 590 millions d’euros. Sur le chèque signé par Atos, quelque 200 millions d’euros venaient combler le déficit du fonds de retraite des employés de Unify.

En cédant aujourd’hui l’entité de 3.000 salariés (contre 5.600 à son rachat en 2015), Atos se retirerait surtout – selon des sources – une sérieuse épine dans le pied, en particulier en Allemagne où Unify concentre environ un tiers de ses employés. Peu rentable, « Unify aurait pu être une vraie source de risque s’il avait fallu que le groupe licencie du personnel avec des centaines de millions d’euros de coûts à la clé », indique une source. Un sujet auquel Siemens, l’ancien actionnaire d’Unify et aujourd’hui actionnaire important d’Atos au travers de son fonds de retraite, est probablement particulièrement sensible.

Les négociations avec Airbus toujours en cours

L’accord trouvé avec Mitel Networks doit aboutir au second semestre et est encore soumis à la consultation des instances représentatives du personnel. Mais en tout cas, il dégage l’horizon d’Atos pour se concentrer sur les négociations avec Airbus. Pour rappel, l’avionneur serait en effet en discussions préliminaires pour prendre une part minoritaire du capital d’Evidian, la branche qui rassemblerait les activités liées à la transformation numérique ainsi que celles de Big Data et Sécurité (BDS).

Prudent, le groupe informatique évoque toujours des discussions « exploratoires », mais le cadre a bien été posé, selon des sources. La société attend a minima 7 milliards d’euros de valorisation d’Evidian, soit, retraité de la dette, une valeur du capital d’environ 3 milliards. Pour Airbus, cela implique d’investir au moins entre 1 et 1,5 milliard pour prendre 29,9 % d’Evidian. Un montant qui doit permettre à Atos de financer la restructuration de son autre branche d’infogérance TFCO (1,6 milliard annoncé en juin 2022).

Nouer un « partenariat de long terme » avec l’avionneur

Des attentes de prix qui sont clairement dans les esprits. Cependant, pour l’heure, tout est encore à négocier, fait-on savoir, à commencer par le projet industriel. Airbus n’entend en effet pas devenir l’un ou le premier futur actionnaire d’Evidian pour un simple dividende financier. « Dans Evidian il y a des briques cyber, cloud, IA dans des environnements sécurisés, ainsi que les activités de supercalculateurs dont le groupe est très consommateur, qui ont un vrai sens pour Airbus », affirme une source.

Si Airbus garde une politique prudente d’acquisitions et d’investissements, Evidian aurait un vrai sens pour compléter son offre dans la défense, l’espace, l’aéronautique civile et la sécurité. L’opportunité offerte par Atos tombe aussi à point nommé pour renforcer ses compétences dans le cloud souverain pour le SCAF [système de combat aérien du futur, NDLR], dont il est leader du pilier « cloud de combat ». « Bien au-delà des aspects financiers, l’objectif est de nouer un partenariat stratégique de long terme », affirme une source.

Pour Evidian, il est clair aussi que le carnet d’adresse d’Airbus peut avoir un intérêt commercial. Reste à savoir si les discussions aboutiront. Sous pression, Atos est entré dans un calendrier serré pour aboutir à sa scission fin juin avant de lancer une éventuelle introduction en Bourse d’Evidian.

Thales, s’il laisse momentanément la main à Airbus, n’a pas complètement abandonné la partie. Tout comme Orange et Onepoint. Si, faute d’accord, un autre schéma vient sur la table avec la cession seule du cyber logé dans BDS, le spécialiste de l’électronique aérospatiale et de défense sera au premier rang. Et probablement, cette fois, voudra dicter ses conditions.

Leïla Marchand, Anne Drif et Anne Bauer

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