Nous avions voulu faire une lecture en diagonale, mal nous en a pris. L’offre de Kretinsky est plus complexe que prévu et moins sévère que nous le pensions pour les créanciers. Ceux-ci peuvent même facilement récupérer 25% voir bien plus pour les obligataires « distress » (type de fonds spécialisé dans l’achat de dette décotée).
Daniel Kretinsky aura bien retenu la désormais phrase culte de Jean-Pierre Mustier :
« Nous travaillons pour ajuster la stratégie du groupe, explique au Figaro cet X-Mines, pour sa première interview depuis son arrivée aux manettes d’Atos. Notre priorité, c’est la poursuite de l’intérêt social d’Atos, au bénéfice de ses employés, de ses clients, de ses créanciers et de ses actionnaires, dans cet ordre-là. »
Il laisse 1% aux actionnaires, 25% aux créanciers et 1.9Md€ à la société, dont 600M€ en capitaux propres, c’est à dire une somme qui n’aura jamais à être remboursée, et qui en contrepartie lui donne 99%% du capital.
Dans son plan, Daniel Kretinsky montre sa parfaite connaissance du business d’Atos.
Télécharger la lettre d’intention complète de EPEI-ATTESTOR
1/ la New Money qui est sous forme de new debt est sur 5 ans. Il sait qu’il qu’on ne peut pas prédire ce qu’il se passera en 2026 et financer la liquidité seulement sur 2024-2025 est téméraire.
2/ Il sait que beaucoup de gros contrats sont sur la tangente, notamment l’UEFA, Johnson & Johnson,… pour n’en citer qu’une infime partie et qui ont donné des ultimatums à Atos sur la sortie du CCC (c’est mentionné noir sur blanc que des rumeurs de pertes de contrats courent). Il sait donc que les cautionnement bancaires en lieu et place des pénalités contractuelles sont un moyen efficace de ne pas perdre les gros contrats.
3/ Il sait qu’on ne peut affacturer qu’une partie limitée des factures clients. Environ 50% car tous les clients n’acceptent pas la cession de leurs factures. Chez Atos c’est entre 50 et 60%. D’autre part un taux élévé d’affacturage, entre 1.5% et 1.8% par facture, voire 2% quand on est en CCC, ça tue le bénéfice avec une MOP à 1.9%.
Les banques elles ne voient que ça. Atos affacture déjà 600M€, dans le coussin de sécurité du 9 avril, il y a 300M€ et les banques remmettent 600M€ de factoring sur les 1200M€ de new money, soit 1.5Md€ ce qui serait du jamais vu, massacrerait la MOP et même pas sûr qu’on puisse trouver suffisamment de clients affacturables.
4/ Au total c’est donc 1.9Md€ de cash et cautionnement qu’il amène sur la table et 1.4Md€ de New money contre 1.1Md€ demandé. C’est une offre qui va dans l’intérêt social.
5/ Il écrase beaucoup de dette, cela va aussi dans l’intérêt social. Par contre ça ne va pas dans l’intérêt des créanciers, mais Mustier avait prévenu, il sont avant-derniers dans sa phrase culte sur ses priorités.
Lors de ma première lecture j’avais compris qu’il y avait un écrasement des fournisseurs de 90% et je trouvais cela excessif.
Mais j’ai finalement passé 2h à faire plusieurs lectures successives et finalement les créanciers vont toucher bien plus.
Pour le bonus en cas de cession d’actif. C’est une sorte de protection contre la malveillance ou les créanciers penseraient « y’a que TFCo qui l’intéresse, il va revendre Eviden et se faire des couilles en or sur notre dos. » Il leur fait comprendre que si c’était le cas et il estime Eviden à 3Md€, alors il toucherait 700M€.
Mais il précise que dans le cas où non seulement il ne vendrait pas la totalité d’Eviden, et cela est sûr et certain selon mes informations, dans le pire des cas 60%, les créanciers seraient malgré tout indemnisé sur une base à définir qui qui logiquement m’apparaitrait un deuxième 10%, soit 450M€, mais 450M€ minimum.
Donc tous les créanciers récupèreront 20% mais le deuxième 10% ce sera sous 2 ans, donc ceux qui ont des échéances plus récentes devront attendre un peu.
Enfin, pour les créanciers qui voudront souscrire à la new money liquide, (prêt revolving sur 5 ans de 500M€), il leur sera rendu 500M€. Donc pour 100M€ investit en new money vous récupérez 90M€ de dette écrasée en moins.
Vous pourriez me dire « mais tout le monde va accepter ? ». Certes, mais la new money sera à libérer en octobre, alors que l’argent récupéré sera au moment de l’échéance. Donc 5 ans pour l’obligation 2029. Mais pour l’obligation 2029, elle est descendue jusqu’à 11% du nominal. Donc les fonds distress qui ont acheté à 11%, même avec le plan Kretinsky ils font un gros bénéfice !! Car ils récupèrent 25%
Pourquoi 25% ? Car 10+10+10 ça devrait faire 30%. Ben parce qu’il y a 4500M€ de dette (nous partons sur l’hypothèse que Attestor en possède 300M€) et que Kretinsky emprunte seulement 500M€. Donc si TOUS les créanciers veulent souscrire à la new money, cela fera 2% de plus récupéré par créancier. Donc au total 22%.
C’est un poil court et je pense que si Kretinsky propose un écrasement à 675M€, soit 85%, cela fera 75% d’écrasement pour ceux qui ne souscriront pas à la new money et 73% d’écrasement si tout le monde souscrit à la new money, ou 70% d’écrasement si seulement une partie participe à la new money.
Bien sûr, les lésés sont les banques, car ils ont prété à 100€ et récupèrent 23€, mais les obligataires, à part des boites type fonctionnaires comme AG2R, personne n’a un cout de revient des obligations à 100€. Elles ont tourné de main souvent et le PRU moyen des obligataires est à 40€ environ pour un nominal de 100€. Donc à 25€ de récupéré, la perte est acceptable par rapport à celle des actionnaires.
Dans les propos relevés dans la presse, il dit « Layani vend du rêve », nous nous voyons la réalité. Et la réalité c’est qu’Atos est en faillite, survit temporairement grâce à l’airbag de 450M€ mais qui ne serait pas encore sur les comptes d’Atos selon les derniers communiqués, et à priori, à force de lire et relire sur Atos, j’ai loupé qu’il faudrait 350M€ de plus jusqu’à la fin de la sauvegarde accélérée.
En effet, j’avais écrit, soit dans un article, soit dans le forum qu’il faudrait au minimum 300M€ de rallonge pour aller jusqu’aux JO. J’imagine que si l’accord sur la vente des actifs souverains est signée, il y aura une possibilité de PGR, ou avance de l’état et malheureusement, mais il faut parfois être cru, la vente des actifs souverains va être brulée pour tenir jusqu’à la fin de la sauvegarde accélérée en novembre ou début décembre.
On peut dire qu’il y a aussi une certaine malice de l’état, comme si savait qu’il devrait faire les pompiers pour que les JO se déroulent normalement plutôt que de lâcher de l’argent qu’il ne récupèrerait jamais, il se fait payer en actifs. C’est pour une fois intelligent.
6/ Nous avons fait des savants calculs sur combien récupéreraient les créanciers si mise en liquidation judiciaire d’Atos : 3500M€ d’actifs, et encore je n’ai pas pris une hypothèse très conservatrice, qui aurait plutôt été 3200M€. Cout de licenciement des 50 000 employés de TFCo qui ne pourra être cédé : 1500M€. Cout de liquidation : 500M€. Reste 1500M€. Il faudra enlever les dettes privilégiées de l’état, TVA, URSSAF et ASSEDIC, reste 1 Md€. Ajoutons à cela toutes les dettes fournisseurs non réglées, on arrive à 6Md€. Donc 1/6 = 17%. Dans les hypothèses très favorables, les créanciers pourraient récupérer dans le cadre d’une liquidation environ 17% et dans le cadre d’une hypothèse défavorable, actifs vendus à la casse il resterait 500M€ donc 0.5/6 = 8%.
Donc si les créanciers signent pas Atos va en redressement judiciaire puis liquidation. Et si ils signent avec Layani, ou rachètent eux-même, ils perdent 100%, car ça ira en redressement puis liquidation sous moins de deux ans.
Je serais créancier, franchement, je ne signerais ni l’offre Layani, trop risqué, pas d’expérience, on ne sait rien des comptes de Onepoint sur sa profitabilité, si elle a eu des exercices en perte. Si le dernier bilan publié en 2014 (données societe.com) la MOP est de 3.5%. Personnellement je ne donnerais JAMAIS les clefs d’un tel camion si le repreneur de taille minuscule ne fait pas au moins 12% de Marge opérationnel sur son propre business. Car comment ramener Atos à 9% de MOP si sur son propre business on ne fait pas plus.
7/ Aucun des offres concurrentes n’étant définitive,il va y avoir des réajustement. Pour les banques il manque des chiffres et Layani n’a pas l’argent, il attend que des créanciers se ralient à lui pour financer la new debt et y compris les cautionnement bancaires (sauf erreur de compréhension). Je rappelle que Zone Bourse a dit pareil « nous ne sommes pas sûr d’avoir très bien compris » et c’est la première fois de ma vie que je vois un courtier dire ça.
Donc on peut imaginer que Kretinsky va monter minimum à 85% d’écrasement au lieu de 90% dans sa seconde offre et garantir un bonus de 450M€. Seul Attestor ne sera pas intégré à ce plan car il deale en direct avec Kretinsky en tant qu’actionnaire.
8/ Kretinsky a deux gros alliés. Hélène Bourbouloux qui sait que l’offre de Layani est des banques ne tiennent pas la route, elle doit même être surprise que l’offre de Layani ait été accepté puisque non financé. Il manque 150M€ de capitaux propres et 500M€ de new Money sous forme de liquidités et 300M€ de cautionnements bancaires. Bien-sûr Layani les inclue dans son plan, voir plus, 1300M€, mais il ne les a pas et ne cite personne qui lui aurait donné son accord.
Et enfin Mustier qui ne peut pas pifrer Layani, mais qui va avoir une tache rude, pousser l’état à mettre plutôt 800 ou 900M€ que 700M€ afin que les créanciers aient leur bonus et que In Fine ils récupèrent au minimum 25% de leurs créances.
9/ Kretinsky contrairement à Layani ne demande aucun report de 5 ans des échéances. C’est du cash tout de suite à l’échéance. Soit dans 6 mois pour les obligataires de novembre.
10/ Chiffres clefs :
10.1/ EPEI amène 600M€ cash de fonds propres. Attestor ou des créanciers qui voudraient se joindre à Attestor amènent 400M€ de fonds propres par conversion de dette en capital. Ils laissent un montant inférieur à 1% aux actionnaires existants. Le chiffre exact à la décimale près n’est pas communiqué.
10.2/ Attestor ou tout créancier qui voudrait se joindre à Attestor amènent 500M€ de liquidités revolving à échéance 5 ans à taux privilégiés.
10.3/ EPEI amène 300M€ de cash sous forme d’affacturage client à des taux privilégiés.
10.4/ EPEI amène 500M€ de cautionnements bancaire, impératif pour préserver les gros contrats jusqu’au retour à BB.
10.5/ EPEI-Attestor amènent donc sur la table 1.9Md€ entièrement financée par EPEI et ATTestor si d’autres créanciers ne souhaitaient pas rejoindre l’alliance.
11/ La lettre d’intention de Kretinsky est la plus claire, la plus professionnelle et la mieux rédigée. Il ne propose pas des rêves, mais décrit sont parcours et les chiffres de l’entreprise, là où Layani fait une Omerta sur son parcours et nous vend des slides Powerpoint à la McKinsey.
J’en mets donc quelques-uns :
VALEUR DU GROUPE : 50Md€ 100 fois plus que Layani.
8Md€ d’EBITDA sur la totalité du groupe.
1.7Md€ de Free Cash Flow juste sur la branche électricité, excusez du peu. En cas de soucis macroéconomique et sur l’électricité il n’y en aura pas, cela donne la capacité à Kretinsky de réinjecter du cash dans Atos si un besoin de 300 ou 400M€ supérieurs aux prévisions était nécessaire.
En face, on ne sait pas même pas le chiffre d’affaires de Onepoint. On peut imaginer que c’est autour de 475M€ s’il dit environ 500M€ car si c’était au dessus on aurait le chiffre. Et ça s’arrête là. On ne sait pas si l’entreprise est bénéficiaire et si elle l’est quelle est sa marge et son FCF, donc la capacité de la holding de tête qui s’appelerait SVP à réinjecter du cash sans recourir à l’endettement. (apport en compte courrant).
10/ le fameux démantèlement.
Parce qu’il dit qu’il faut auditer Eviden, ce qu’il n’a jamais pu faire et n’a pas de dogme, on part du principe que le démantèlement est acquis.
Selon mes informations, il vendrait non pas Digital, mais une partie de digital qu’est Syntel, un petit bout de digital Europe, un périmètre d’environ 300 à 500M€ à David Layani si la hache de guerre était enterré avant la fin de la conciliation, ou à Bain, sachant que CGI à priori n’était intéressé que par la totalité de Digital, tandis que que Inetum ne faisant que 2.3Md€ de CA, des petits périmètres de 300 à 400M€ en Europe lui conviendraient.
Kretinsky garderait Managed secured services, le cloud, 50% de Digital, c’est à dire 50% de 2.7Md€ ce qui fait quand même 1.3Md€ de CA conservé.
Bien-sûr cela va déranger la coordinatrice de la CFE-CGC qui se trouve dans le périmètre Digital et qui donc ne sais pas si elle restera coordinatrice ou non post conciliation. Idem pour la coordinatrice de la CFDT qui est officiellement salariée de AVANTIX et devrait se retrouver dans un Rafale, mais qui espère être mutée dans Eviden SA, mais se retrouverait dans un périmètre de Digital potentiellement cessible.
Les salariés de Syntel, eux se sentiront plus en sécurité chez Bain Capital que chez Atos d’aujourd’hui. Quant à Layani c’est du 99.99% qui cèdera Syntel aussi et d’autres actifs.
11/ pour les employés, peu de licenciement. Que ce périmètre d’environ 3Md€ de CA (dont 1Md€ déjà préempté par l’état) soit cédé ou pas, on reste sur un périmètre cohérent avec ENFIN managed secured services rattaché à TCFo, du cloud et du Digital soit 7Md€. Atos reste n°2 francais, avec une dette de 500M€ et une remontada pour renaitre de ses cendres.
Mais à un moment, si vous voulez que le groupe reste en l’état sans toucher un millimètre, y compris le souverains, et ben trouvez quelqu’un de 100% français de souche (blanc comme dirait Coluche) qui amène 3Md€ cash sur la table ET sans avoir une banque étrangère dans son tour de table.
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Si vous avez subi d’énormes pertes sur Atos, sachez qu’une action en réparation est en cours de constitution sur le site Upra.fr (l’Union Pour la Réparation des Actionnaires), pour recouvrer une partie de vos pertes par voie de justice. Cette action sera totalement gratuite pour les plaignants car nous la ferons financer auprès de fonds spécialisés qui prendront un pourcentage en rémunération et l’UPRA ne vous demandera aucun paiement ni cotisation ou autres. À ce jour, plusieurs fonds ont fait part de marques d’intérêts, mais nous n’avons pas encore de réponse définitive. La réponse dépendra du nombre de personnes pré-inscrits et des comptes audités 2023.
Afin de ne pas déstabiliser la société, cette action ne visera ni Atos, ni ses dirigeants ou ex-dirigeants, mais uniquement ses auditeurs (commissaires aux comptes) en particulier DELOITTE supposé être le n°1 mondial de l’audit, mais que l’UPRA soupçonne avoir été très complaisante vis-à-vis d’Atos avec les règles comptables en vigueur, et leur reproche d’avoir fait manquer une chance aux actionnaires de ne pas acheter l’action quand elle était surcotée vis-à-vis de sa réelle valeur et d’avoir fait manquer une chance d’avoir vendu, quand la société s’effondrait et que la comptabilité ne reflétait pas cet effondrement, en particulier une absence totale de dépréciation d’actifs en 2022.
Je rappelle qu’à la publication d’un jugement qui dirait le contraire, Deloitte est supposé avoir certifié les comptes d’Atos de manière totalement sincère, et l’avis exprimé ci-dessous est l’avis de l’UPRA uniquement et reste à l’état de soupçons tant que nos preuves n’auront été validé par un juge.
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