Atos : les dessous de l’incroyable clash avec BNP Paribas [Récit LES ECHOS]

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RÉCIT

Dans la course effrénée au sauvetage d’Atos, la sortie fracassante de la première banque européenne du comité chef de file des négociations bancaires a failli tout faire basculer. Retour sur les coulisses d’un invraisemblable divorce avec les autres banques.

Par Anne Drif

Publié le 15 juin 2024 à 08:00Mis à jour le 15 juin 2024 à 09:04
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« Je ne crois pas que vous soyez à cette place ». Le recadrage, poli mais sec, n’a échappé à personne ce jour de fin mai à Bercy, dans la course folle au sauvetage d’Atos. Alors qu’Alain Papiasse, négociateur en chef et monument de BNP Paribas, fait son entrée à la réunion du Ciri (Comité Interministériel de Restructuration Industrielle) pour s’assoir du côté des banques, Hélène Bourbouloux, la conciliatrice qui fait trembler l’élite patronale et financière, lui fait savoir qu’elle tient au protocole : officiellement, il ne fait plus partie du groupe de banques chef de file.

L’incident va se renouveler quand il devra quitter une autre réunion des banquiers dans l’enceinte du ministère. Le pool de banques qui négocie la restructuration du groupe plombé par près de 5 milliards d’euros de dette a coupé brutalement les ponts avec la première banque européenne. Du jamais vu à Bercy.

Mise au ban, porte qui claque… dans la saga Atos, le divorce avec fracas entre BNP Paribas et les autres banques a failli tout faire faire basculer. « Les cageots de tomates ont volé dans les négociations bancaires », témoigne un poids lourd des discussions. « Les jeux d’influence ont été terribles », lâche un autre. Retour sur un clash hors norme.

« Des jeux d’influence terribles »

Quand le ténor de BNP Paribas se fait interpeler, cela fait en réalité des semaines que la première banque européenne – qui n’a pas souhaité commenter – a pris parti. Elle ne croit pas dans le projet de David Layani. Selon elle, Atos est mort, il faut le scinder, le self-made-man qui fait face à l’homme d’affaires Daniel Kretinsky n’a pas les épaules larges, c’est le crash assuré. Bref, le milliardaire tchèque s’impose comme une évidence. Au sein de BNP Paribas, la direction générale est de l’avis d’Alain Papiasse qui a réglé ses dossiers les plus lourds. La direction des affaires spéciales, elle, est réservée.

Chez les banques françaises, la voix d’Alain Papiasse aussi est très écoutée. « Il a une énorme légitimité, c’est toujours BNP Paribas qui l’emporte, et fixe la voie de sortie dans toutes les restructurations difficiles ».

Sauf que là, la bataille qui se mène en général sans trop de vagues et loin derrière le rideau, prend une tout autre tournure. « C’est sous les sunlights, sur l’estrade, ça surprend tout le monde, cela devient une campagne ouverte pro-Kretinsky », témoigne un participant. Problème pour les banques, le milliardaire veut effacer la quasi-totalité de la dette qu’elles détiennent avec les créanciers obligataires, devenus leurs alliés.

Quand Hélène Bourbouloux interpelle Alain Papiasse fin mai, c’est qu’on vient de lui demander de sortir de l’ambiguïté et de choisir son camp : celui des banques ou celui du milliardaire, que BNP Paribas est en train de conseiller pour l’acquisition de Royal Mail. « Ils ont tardé à révéler leur jeu, tout le monde chez les banques s’est senti trahi », témoigne un négociateur.

En arrière-pensée, il y a qu’est-ce qui se passe si on repasse devant le Ciri la veille des présidentielles ? Personne n’a envie de recevoir le coup de fil du ministre

« Voulu et provocateur »

Appels au Ciri qui devient assez ouvert à la solution du milliardaire tchèque, appels des rangs de Daniel Kretinsky aux directions générales des banques d’Atos en faisant planer la menace, à mots couverts, de couper les relations d’affaires, appels au conseil d’Atos pour mettre en exergue le risque Layani et les responsabilités en jeu… : rangé officiellement du côté de Daniel Kretinsky et du hedge fund Attestor, BNP Paribas prendra ouvertement part à l’offensive du milliardaire.

Ceux qui connaissent Alain Papiasse voient d’ailleurs dans l’épisode du Ciri face à Hélène Bourbouloux un geste parfaitement calculé de la part du banquier : « C’était voulu et provocateur pour laisser entendre à tous que d’autres banques s’étaient ralliées à sa position. L’intérêt, c’était de montrer qu’il y avait un débat chez les banques », estime un participant. A ce moment-là, Natixis (BPCE) et CIC (Crédit Mutuel) se montrent ouverts au scénario Kretinsky.

Pour les banques françaises, la situation est alors inconfortable. Elles sont soupçonnées par leurs concurrentes étrangères de manoeuvrer pour leurs seuls intérêts et ne sont pas totalement convaincues que Onepoint, le groupe de David Layani qui pèse 5 % d’Atos, ait les reins assez solides. Que valent les millions de David Layani face aux milliards de David Kretinsky si le navire sombre?

« En arrière-pensée, il y a aussi « qu’est-ce-qui se passe, si on repasse devant le Ciri dans deux ans » ?, dit un proche du dossier. On sera fin 2026, à l’aube des présidentielles. Personne n’a envie de se prendre un coup de fil du ministre si l’entreprise replonge ». Et puis le milliardaire tchèque leur déroule le tapis rouge, à coup de promesse de cash.

Pour autant, elles ne veulent pas insulter l’avenir et fermer la porte à David Layani, qui est soutenu majoritairement par les créanciers obligataires. L’offre de Daniel Kretinsky avec scission à la clé, elle aussi, est risquée. Depuis deux ans, Atos tente de se découper en plusieurs morceaux sans y parvenir.

« A la fin des fins, les banques se disent que si l’option Daniel Kretinsky plante, c’est le désastre commercial. On ne pourra plus rien faire. Avec David Layani, au pire, il y a trop de dette et on se retrouve au Ciri », dit une partie prenante. Elles craignent aussi de gros risques de contentieux avec les obligataires.

Au même moment, le conseil d’administration d’Atos, présidé par Jean-Pierre Mustier, un autre monument de la finance européenne, tape du poing sur la table suite aux déclarations alarmistes du camp Kretinsky sur la santé du groupe informatique.

Présidentielles

Certaines institutions étrangères se laissent encore moins convaincre par le projet du milliardaire tchèque, à l’exception de Commerzbank : avec David Layani, elles vont certes prendre une perte sur leur dette existante mais pourront se refaire sur la nouvelle dette, qui doit être émise par Atos. Et les élections présidentielles, ce n’est pas leur sujet : en 2027, elles seront déjà parties.

Avec Atos, ils sont allés trop loin. Ca va laisser des traces

La campagne de Daniel Kretinsky perd alors de sa crédibilité à mesure qu’il ne cesse de réviser son offre en réduisant la dette à effacer, pour s’aligner sur son rival. « C’est beaucoup d’effort déployé pour quelque chose qui soi disant ne vaut rien », ironise un participant.

Quel intérêt avait BNP Paribas à prendre fait et cause pour Daniel Kretinsky, et finir dans le camp des perdants ? « Ils n’ont pas voulu porter la responsabilité d’un potentiel désastre », estime un acteur. On dit aussi que Daniel Kretinsky a ménagé BNP Paribas dans Casino.

Mais leur calcul était aussi mathématique : « Daniel Kretinsky vous dit « avec moi vous perdez 80 % de votre dette, avec David Layani 60 % », explique une source. L’écart de 20 % se comble avec un flux de commissions en conseil et en crédit. Avec Daniel Kretinsky, c’est une manne assurée, il achète des entreprises à tour de bras. »

Sur la place financière, le dossier laisse un goût amer. Certains se souviennent encore du sauvetage d’Air France, durant la crise du Covid. BNP Paribas avait alors initialement refusé de participer au Prêt garanti par l’Etat. « Avec Atos, ils sont allés trop loin. Ca va laisser des traces », tranche un banquier. En affaires, toutefois, la mémoire est souvent courte.

Anne Drif

https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/atos-les-dessous-de-lincroyable-clash-avec-bnp-paribas-2101706

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Je rappelle qu’à la publication d’un jugement qui dirait le contraire, Deloitte est supposé avoir certifié les comptes d’Atos de manière totalement sincère, et l’avis exprimé ci-dessous est l’avis de l’UPRA uniquement et reste à l’état de soupçons tant que nos preuves n’auront été validées par un juge.

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