Atos : l’Etat sécurise les activités sensibles du groupe d’informatique [LE MONDE]

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En échange d’un financement de 50 millions d’euros, l’État bénéficiera d’une action de préférence dans la filiale Bull, ce qui lui donnera un droit d’achat sous certaines conditions.

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Publié le 09 avril 2024 à 08h29, modifié le 09 avril 2024 à 12h04

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L’Etat s’engage formellement dans le plan de sauvetage d’Atos en sécurisant l’avenir des activités sensibles et souveraines du groupe d’informatique. En échange d’un prêt de 50 millions d’euros apporté par l’intermédiaire du Fonds de développement économique et social (FDES), l’Etat recevra une action de préférence au niveau de Bull SA, la filiale qui contrôle notamment l’activité de fabrication des supercalculateurs utilisés dans la simulation nucléaire, selon des modalités dévoilées par Atos, mardi 9 avril.

Cet « accord de principe prévoit un droit pour l’Etat d’acquérir des activités souveraines sensibles en cas de franchissement par un tiers du seuil de 10 % ou d’un multiple de 10 % du capital ou des droits de vote d’Atos », sauf à ce que le groupe d’informatique et l’Etat trouvent un « accord raisonnable sur les modalités de préservation des intérêts nationaux en relation avec ces activités souveraines sensibles ». Ce droit pourrait, par exemple, être exercé si Atos venait à être acheté par un acteur étranger. Il respecterait toutefois le régime français de contrôle des investissements étrangers. L’accord prévoit aussi des « droits de gouvernance pour l’Etat au niveau de Bull SA, sans droit de vote à ce stade », ajoute Atos.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/04/09/l-etat-securise-les-activites-sensibles-d-atos_6226786_3234.html

Même si le gouvernement œuvrait en coulisse depuis plusieurs mois – Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, a ainsi fortement poussé pour qu’Airbus achète les activités sensibles d’Atos, sans que cela débouche sur un accord –, c’est la première fois que l’Etat s’engage autant dans ce dossier. Le 19 mars, Bercy avait simplement dit vouloir « construire dans les prochaines semaines une solution nationale de protection des activités stratégiques » d’Atos. L’accord dévoilé le 9 avril « constitue une première étape dans la protection des activités stratégiques du groupe annoncée par le ministre le 19 mars », a déclaré Bercy.

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La préservation de Bull devrait être au cœur de l’audition, le mercredi 10 avril, à 17 heures, de Jean-Pierre Mustier, le président du conseil d’administration d’Atos, et de son directeur général, Paul Saleh, par les commissions des affaires économiques et des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat dans le cadre d’une mission d’information ouverte en janvier. D’anciens administrateurs ou dirigeants du groupe, mais aussi des actionnaires, ont déjà été auditionnés par les sénateurs, inquiets de l’avenir des activités sensibles d’Atos. Certains d’entre eux aimeraient transformer cette mission d’information en commission d’enquête, ce qui leur conférerait des pouvoirs d’investigation étendus.

Multiples revirements stratégiques

L’accord de l’Etat intervient dans le cadre d’un plan de refinancement global de la dette du groupe d’informatique. Présenté aux créanciers dans la soirée du lundi 8 avril, celui-ci prévoit une réduction de près de moitié de la dette brute, pour un montant de 2,4 milliards d’euros, et une extension de cinq ans des échéances résiduelles.

Atos dit aussi avoir besoin de 600 millions d’euros de liquidités, sous forme de dette ou de capital, pour financer son activité sur la période 2024-2025, ainsi que 600 millions de crédits ou de garanties bancaires. Dans l’immédiat, en plus des 50 millions apportés par le FDES, un groupe de banques et de porteurs d’obligations se sont engagés à apporter un financement intermédiaire d’un montant de 400 millions d’euros permettant à Atos de faire face à ses besoins courants.
Fragilisé par sa dette et de multiples revirements stratégiques ces deux dernières années, le groupe d’informatique s’attend à un nouvel exercice difficile. Selon ses dernières prévisions, son chiffre d’affaires devrait baisser d’environ 2 % en 2024, et sa marge opérationnelle s’éroder de 0,4 point. Il devrait consommer encore 400 millions d’euros de trésorerie, après avoir brûlé un milliard en 2023.

Ce cadre de refinancement désormais présenté, des investisseurs tiers pourront soumettre des propositions d’apports de nouveaux fonds d’ici au vendredi 26 avril, avec l’objectif de trouver un accord global avant juillet. Les porteurs d’obligations, qui détiennent 2,4 milliards d’euros de dette, ce qui leur donne une forme de majorité par rapport aux banques (2 milliards de dette), devraient soumettre une proposition dans les semaines à venir. Ils pourraient s’entendre avec David Layani, le fondateur de la société de conseil Onepoint. Premier actionnaire d’Atos, avec un peu plus de 11 % du capital, David Layani s’est déjà dit prêt à participer à la recapitalisation du groupe d’informatique. Son but : détenir 35 % du capital.