Atos souhaite profiter des compétences de Bull en matière d’informatique dématérialisée, de cybersécurité et de traitement de grandes masses de données.
Atos propose un rachat à hauteur de 4,90 euros par action Bull, avec une prime d’environ 30 % sur le cours de l’action moyen enregistré sur les trois derniers mois, ce qui valorise l’ensemble de la société à 620 millions d’euros.
Les deux principaux actionnaires de Bull, Crescendo Industries, dirigé par Philippe Vannier, également PDG, et Pothar Investments, se sont d’ores et déjà engagés – « de façon irrévocable », a précisé Philippe Vannier lors d’une conférence de presse lundi matin – à apporter leurs titres à l’offre. L’OPA a été approuvée à l’unanimité par les deux conseils d’administration, « un signal positif de la part des actionnaires », a souligné Philippe Vannier.
Les ordinateurs Bull ont beau avoir disparu des bureaux depuis déjà longtemps, l’entreprise, qui compte encore pas moins de 9 200 salariés dans le monde et a réalisé un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros en 2013, conserve une expertise forte en matière de supercalcul informatique, mis au service du traitement de données de masse (big data), qu’Atos souhaite utiliser pour enrichir son offre d’informatique dématérialisée (cloud) destinée aux entreprises.
Bull est également en pointe sur les installations informatiques ultra sécurisées destinées à des domaines sensibles telles la santé ou la défense, une activité fortement compatible avec celle de « big data » d’Atos : « pour être exploitables, les données doivent être sécurisées », a rappelé Philippe Vannier. Les deux sociétés collaborent déjà entre elles au ministère de l’économie et des finances, à la CNAM, au Pôle Emploi, ou encore pour le CEA.
« Bull n’est certes pas une pépite, écrivent les analystes de Crédit du Nord dans une note publiée lundi, mais le multiple d’acquisition est peu élevé et Atos a clairement un savoir-faire pour redresser opérationnellement ses acquisitions. »
une présence « de bout en bout »
Philippe Vannier et Thierry Breton, PDG d’Atos, ont expliqué au cours de la conférence de presse travailler depuis environ un an à cette fusion, qui n’est pas seulement capitalistique, ont-ils insisté, mais porte sur les projets et les équipes. L’idée, « être présent de bout en bout sur la chaîne, a expliqué Thierry Breton, pour stocker et traiter les données, déployer l’ensemble des softwares (logiciels), puis faire du profiling » afin de satisfaire une demande forte des clients, qui ne souhaitent plus seulement récolter et stocker des données, mais veulent désormais en tirer de la valeur.
« La quantité de données informatiques dans le monde double tous les 18 mois, s’est plu à mentionner le PDG d’Atos, le métier des SI a changé, il ne s’agit plus simplement de mettre du personnel à la disposition des entreprises, a insisté Thierry Breton, il ne s’agit plus de ne faire que de la maintenance, aujourd’hui les entreprises digitalisent leur business, et elles ont pour ce faire besoin de capacité de stockage et d’analyse. »
Dans le détail, la nouvelle entité dédiée au big data et à la cybersécurité sera une entité « 100 % Atos » mais qui opérera sous la marque Bull. Celle-ci ne disparait donc pas du paysage industriel français. Au final, la branche issue du mariage Atos/Bull disposera d’une centaine de data servers réunis dans une quinzaine de hubs régionaux.
Une future entrée en Bourse n’est pas exclue, ont laissé entendre les deux dirigeants, à l’image de celle de la filiale e-paiement d’Atos, Worldline, prévue pour juin. Le cash généré par cette dernière devrait d’ailleurs contribuer à financer l’acquisition de Bull.
Le processus de rapprochement devrait s’étaler sur deux ans et dégager des synergies de l’ordre de 80 millions d’euros, dont 30 millions d’économie de coûts du côté de Bull, principalement sur les dépenses générales et administratives (G & A), importantes dans les SSII, qui comptent un nombre élevé de collaborateurs et doivent entretenir un vaste parc de serveurs informatiques.
Les analystes de Crédit du Nord soulignent à ce titre que cette fusion permettra à Atos d’atteindre « une taille plus critique sur la France où (il) rencontre des difficultés. »
Une marge « à deux chiffres »
Sans donner d’objectif de chiffre d’affaire précis, les deux PDG ont estimé que la croissance de la nouvelle entité devrait se faire « à deux chiffres ». « Les marges aussi », ont-ils précisé, satisfaits. Si la principale source de revenu d’Atos reste l’infogérance (« managed services », c’est-à-dire la gestion externalisée de tout ou partie d’un système informatique d’entreprise, 4,7 milliards d’euros en 2013) et si les investissements liés aux activités de cloud et de big data sont lourds, ces activités sont tirées par une demande très forte (le marché du cloud devrait grossir de 50 milliards d’euros entre 2014 et 2016, selon les chiffres de Gartner) et les marges sont d’autant plus fortes que les économies d’échelle réalisées sont importantes. A ce titre, le rapprochement Atos/Bull permettrait, sur le segment du cloud, de donner naissance au premier acteur européen.
Interrogés sur les conséquences d’une telle fusion sur l’emploi, les deux PDG ont mis en avant le fort taux d’attrition (départs naturels) chez Bull, de l’ordre de 10 % en France, parfois beaucoup plus à l’étranger. Si des retraits sur certaines zones géographiques sont envisagés par le plan de restructuration et d’économies One Bull, que l’entreprise a engagé en début d’année pour redresser sa rentabilité (divisée par trois en 2013), Philippe Vannier a refusé d’en dévoiler les détails, préférant les réserver aux salariés concernés. Son homologue d’Atos a lui mis en avant le fait qu’Atos embaucherait 8 000 personnes dans le monde cette année.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/05/26/atos-lance-une-opa-de-620-millions-d-euros-sur-bull_4425899_3234.html