Atos se penche sur le dossier sensible de sa direction. Depuis un an, le groupe de services informatiques enchaine les déconvenues : doutes sur les comptes, mauvais résultats, direction critiquée. Coup de grâce symbolique, Atos est sorti du CAC 40 il y a une semaine alors que son cours de Bourse a chuté de 40% depuis le début de l’année.
Selon plusieurs sources proches, le conseil d’administration d’Atos réfléchit à changer de directeur général. Elie Girard est très critiqué par les investisseurs qui lui reprochent un manque de décisions stratégiques majeures. Sa revue stratégique présentée fin juillet les a déçus. « Depuis quinze jours, il y a des réflexions au sein du conseil pour faire évoluer la gouvernance » nous confie un cadre d’Atos. Rien n’est officiel et les discussions entre les administrateurs restent confidentielles. Mais le sujet est dans toutes les têtes.
L’ombre de Thierry Breton
Point majeur, le président du conseil d’administration est favorable à cette option, selon son entourage. « En privé, Bertrand Meunier est assez explicite sur le sujet » confie un de ses proches. « Il y pense mais n’a pas la majorité au sein du conseil d’administration, nuance une autre source. Le sujet n’est pas mûr ». « Il n’est pas d’actualité » nuance toutefois une source proche du conseil.
Une source interne juge qu’Elie Girard dispose notamment du soutien de l’ancien PDG, Thierry Breton. Commissaire européen depuis 2019, il a encore un œil très attentif sur l’entreprise qu’il a dirigée pendant dix ans. « Remplacer Elie Girard c’est acter des erreurs de Thierry Breton et faire l’inventaire de son héritage » ajoute ce cadre. Contacté, le groupe n’a pas souhaité commenter nos informations.
Les réflexions n’en sont qu’au début. Mais quelques noms de successeurs à Elie Girard discutent déjà. En interne, c’est celui Pierre Barnabé qui fait la course en tête. Et pour cause, il dirige la pépite d’Atos: la division de cybersécurité, analyse de données et supercalculateurs . Elle ne pèse que 15% du chiffre d’affaires du groupe mais tire sa croissance et est promise à un bel avenir. Celui d’Adrian Gregory, proche de Bertrand Meunier, circule aussi. Il dirige notamment Syntel spécialisée dans le cloud, rachetée en 2018. Il est plus immergé dans les métiers historiques de services informatiques d’Atos.
En externe, un seul nom revient avec insistance, celui de Dominique Cerutti. Ancien patron d’Euronext, il a aussi été PDG d’Altran, société de services informatiques rachetée l’an passé par… Cap Gemini, le grand rival d’Atos. Cela fait plusieurs mois qu’il a manifesté son intérêt pour le poste de patron d’Atos. « Il s’agite trop, s’agace un proche d’Atos. Avant de savoir qui va diriger, il faut fixer la stratégie ».
C’est le sujet central d’Atos depuis plusieurs mois. Il y a deux ans, le groupe a vendu sa pépite Worldline, spécialisée dans les paiements. Depuis, les investisseurs boudent l’entreprise dont l’activité historique de services informatiques souffre. Les marchés et les concurrents n’ont d’yeux que pour la branche de cybersécurité, dirigée par Pierre Barnabé, remisant au placard les métiers de services informatiques de « l’ancien monde ». Des fonds activistes estiment qu’Atos devrait être scindé en deux, restructurer les métiers historiques en accélérant sur le cloud et investir massivement dans la cybersécurité et le « « big data ». Virage stratégique vers cette division, atterrissage en douceur ou adossement, c’est avant tout ces choix majeurs que le conseil d’administration d’Atos doit trancher.