Le conseil d’administration de l’entreprise a voté le remplacement du directeur général par un nouveau venu, Rodolphe Belmer, actuel patron d’Eutelsat. Ce changement brutal souligne qu’Atos avait trop tardé à se remettre en question, estime Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».
Comment solder le passé pour qu’il ne pèse pas sur l’avenir ? En stratégie d’entreprise, comme en psychanalyse, la question est centrale. Prisonnière de son passé si confortable, la grande société de service informatique française Atos est brutalement confrontée à cette question qui taraude les hommes depuis l’Antiquité. Ce mercredi 20 octobre, son conseil d’administration a voté le remplacement de son directeur général, Elie Girard, par un nouveau venu, Rodolphe Belmer, actuel patron d’Eutelsat.
Comme le reconnaît le président du conseil Bertrand Meunier dans le Figaro, Atos a trop tardé à se remettre en question, face à la rente de situation de son activité historique de gestion des infrastructures informatiques de ses clients. Or cette activité est en déclin, accéléré au profit du cloud, cette informatique dématérialisée, accessible par Internet, beaucoup plus flexible et économique.
Cybersécurité
L’informatique d’entreprise a connu trois âges, le premier avec les ordinateurs ronronnant dans le sous-sol des banques et des multinationales. Puis avec les années 1980-1990 est né le concept d’externalisation. On confie cette tâche à des acteurs extérieurs avec de gros contrats pluriannuels à la clé. Ce fut l’âge d’or des sociétés de services informatiques. Atos est née ainsi de la consolidation et du rachat d’un nombre considérable d’activités informatiques de grands groupes, du Crédit lyonnais à ses origines, en 1972, à Siemens en 2011, en passant par Philips en 2000. Cette époque est aujourd’hui balayée par le cloud et ses champions : Amazon, Microsoft et Google. A coups de milliards, ils amassent les ordinateurs dans de gigantesques centres de données répartis dans le monde entier.
Anticipant ce mouvement, Atos a tenté de sortir de la nasse, se développant dans la cybersécurité, le conseil numérique, et en signant un accord avec Google sur le cloud en Europe. Mais l’ancienne informatique, celle qu’il opère pour Siemens et les autres, représente encore la moitié de son chiffre d’affaires. Pressé par la course à la taille pour rattraper le concurrent de toujours Capgemini, Atos a continué sur sa lancée sans unifier suffisamment un groupe de plus en plus hétéroclite. La crise sanitaire, en accélérant le basculement vers ce nouvel âge informatique, a stoppé net la croissance de l’entreprise. Les investisseurs ont massacré le cours de bourse. Le piège s’est refermé.