Bluff, « trahison » et tableaux Excel : les dessous de la grande bataille pour Casino [LES ECHOS] CAS d’ÉCOLE POUR COMPRENDRE LE FUTUR D’ATOS

Les fonds ne voulaient pas prendre le risque de revenir devant le tribunal de commerce dans un an. Ils auraient alors tout perdu.

 

« D’une certaine façon, l’affaire est simple, résume un banquier. Les uns sont arrivés avec beaucoup d’argent, leur argent, pas une nouvelle dette. Les autres avaient un bon projet mais pas assez d’argent. » Dans les affaires, il faut toujours suivre l’argent.

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-COPYRIGHTS LES ECHOS-

Bluff, « trahison » et tableaux Excel : les dessous de la grande bataille pour Casino

Le destin de Monoprix, Franprix et des autres supermarchés du groupe s’est décidé en quatre jours. Une séquence intense où toutes les cartes ont été jouées dans une grande partie de poker menteur entre de prestigieux prétendants et d’intéressés créanciers – avec Bercy et Jean-Charles Naouri en arbitres. Récit du dénouement du dossier le plus explosif du moment.

Par Philippe BertrandGwénaëlle Barzic

Publié le 21 juil. 2023 à 06:30Mis à jour le 24 juil. 2023 à 19:14
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Le dénouement aurait été digne de cette saga quasi hollywoodienne qui a tenu en haleine le monde des affaires au début de l’été. Jusqu’au bout, les casques bleus – les conciliateurs Marc Sénéchal et Aurélia Perdereau – auront tenté de mettre tous les acteurs de l’explosif dossier Casino autour la table pour trouver un compromis qui ne viendra pas.

Le casting est cinq étoiles. D’un côté, le duo constitué du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, l’homme qui opère une razzia sur les actifs français, associé au pilier de l’establishment français Marc Ladreit de Lacharrière. Face à eux, le trio « 3F » : le fondateur d’Iliad Xavier Niel, le banquier Matthieu Pigasse et le franchisé Franprix Moez-Alexandre Zouari. « La bataille des milliardaires », ont titré les journaux , négligeant deux autres acteurs clés : le redouté PDG de Casino Jean-Charles Naouri et les fonds spéculatifs qui se sont imposés à la table des discussions après avoir racheté la dette au rabais auprès de banques étrangères, pressées de décamper devant la fonte des liquidités du distributeur.

Samedi 15 juillet, alors que la tension était à son comble, des discussions de la dernière chance se sont déroulées en tout petit comité avec les milliardaires Daniel Kretinsky d’un côté et Xavier Niel de l’autre. En jeu : le retrait de l’offre de reprise du trio 3F qui aurait en contrepartie investi aux côtés de l’homme d’affaires tchèque et décroché un rôle opérationnel pour « Moez », l’expert du « carrelage ». Les pourparlers ont duré plusieurs heures avant que « DK » n’oppose une fin de non-recevoir, dimanche matin. Trop compliqué à faire aboutir alors que le compte à rebours était enclenché. Surtout, l’homme d’affaires qui négocie en parallèle le rachat d’Editis ne voulait pas être dilué par un nouveau montage et passer au-dessous de la barre des 50 %, celle qui lui assure de piloter à sa main le bateau Casino sur le point de sombrer.

Le Tchèque gagnera par KO, l’équipe 3F ayant au final jeté l’éponge et renoncé à soumettre une offre révisée. L’épilogue d’une longue et intense bataille.

A la campagne ou les pieds dans l’eau

« C’était inimaginable », raconte un participant aux discussions, à propos des quatre jours dantesques où le sort du distributeur stéphanois en péril s’est décidé. De mémoire d’avocats et de banquiers, la place de Paris n’avait pas vu lutte d’une pareille intensité depuis le sanglant duel Veolia-Suez. « Certains risquaient de perdre beaucoup. Si vous ajoutez à l’équation la présence de protagonistes ultra-riches, ultra-visibles et influents qui s’étaient déjà affrontés sur de précédentes opérations, vous comprenez l’énorme pression qui pesait sur le dossier », explique-t-il.

Aux termes d'intenses discussions, c'est le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky qui a pris l'avantage pour la reprise de Casino.

Aux termes d’intenses discussions, c’est le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky qui a pris l’avantage pour la reprise de Casino.Stanislav Krupar/Laif-rea

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Tout s’est donc joué entre le jeudi 13 et le dimanche 16 juillet, d’après différents acteurs. Le calendrier constitue l’un des rares points d’accord entre les versions des uns et des autres. Pour le reste, le récit de ces négociations de haut vol diverge du tout au tout.

Alors que les feux d’artifice éclairaient les nuits franciliennes, les échanges au téléphone ou via Teams fusaient entre ceux qui promettaient de l’argent frais et les créanciers qu’ils voulaient contraindre d’abandonner une partie de leur dette ou de la convertir en capital, tout en s’efforçant de les rallier à leur cause. Daniel Kretinsky sur un catamaran, les gestionnaires des fonds spéculatifs dispersés façon puzzle entre l’Europe, les Etats-Unis et Ibiza… « Beaucoup avaient les pieds dans l’eau », sourit un avocat. D’autres encore étaient dans leur maison de campagne normande, comme Denis Olivennes, l’homme de confiance et le poisson-pilote du milliardaire tchèque dans l’Hexagone. Les jeux de la finance tournent parfois au baroque.

La partie est pourtant sérieuse pour les 50.000 employés français de Casino, notamment les 2.500 du siège historique de Saint-Etienne .

Tout s’est emballé lorsque les conciliateurs ont fixé au vendredi 14 juillet, 21 heures, la date limite – que personne n’a respectée – pour recevoir les copies revues et amendées des deux courtisans de Casino. Le distributeur et les pouvoirs publics souhaitaient à tout prix qu’une solution puisse être trouvée d’ici à fin juillet avant que tout le monde ne s’éparpille en vacances, de crainte qu’une pause estivale provoque la panique des fournisseurs et des assureurs crédit dont les nerfs et les délais de paiement ont été mis à rude épreuve ces derniers mois. En faisant un rétroplanning des longs travaux de finalisation à prévoir pour ce « deal » d’une extrême complexité – plus de 7 milliards d’euros de dettes à restructurer, sans compter les milliards que doivent aussi rembourser les holdings dont Rallye -, il était urgent de conclure.

C’est alors que les fonds spéculatifs, devenus les faiseurs de roi en raison du montant de la dette de Casino qu’ils avaient amassée, ont été obligés de sortir du bois. Brillants, matheux, ces trentenaires et quarantenaires ont mis tout ce petit monde dans une seringue. « Les hedge, c’est violent, ils nous challengent énormément, on reçoit des mails à 3 heures du matin », dit l’un des repreneurs. « Ils sont sans pitié et ne marchent qu’aux tableaux Excel », rappelle-t-on dans l’autre camp. Au final, ce sont eux qui ont tout fait basculer.

Le trio Xavier Niel, Moez-Alexandre Zouari et Matthieu Pigasse a perdu l'avantage dans la bataille pour Casino quand une partie des fonds créanciers ont basculé du côté de Daniel Kretinsky.

Le trio Xavier Niel, Moez-Alexandre Zouari et Matthieu Pigasse a perdu l’avantage dans la bataille pour Casino quand une partie des fonds créanciers ont basculé du côté de Daniel Kretinsky. AFP

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Piétinés dans le projet initial de Daniel Kretinsky qui proposait d’écraser une bonne partie de leurs créances, les « hedge » avaient conclu au début du mois un mariage de circonstance avec les 3F, qui, les choses étant bien faites, étaient, eux, en quête de poches pleines pour compléter leur mise de départ modeste. « 3F » était ainsi devenu « 3F & Partners ».

Dès le mercredi 13 juillet, Xavier Niel et ses partenaires ont toutefois senti le vent tourner. Ils n’arrivaient plus à joindre le fonds Attestor représenté par David Alhadeff, l’un des principaux détenteurs de dette dite sécurisée avec une exposition d’environ 400 millions d’euros.

Attestor a fait tout basculer

Cosignataire de leur première offre, Attestor était en réalité monté dans le bateau de Daniel Kretinsky alors que certains de ses représentants participaient le jeudi encore aux réunions aux côtés du trio, s’étouffent les 3F. Il signera officiellement avec le Tchèque le samedi midi. Les autres fonds du « G5 », ce club fermé des créanciers sécurisés, le suivront le lendemain. « Daniel Kretinsky avait vite compris qu’Attestor était le domino qu’il fallait faire tomber pour entraîner la chute des autres partenaires de 3F », affirme un proche du dossier.

« Dans une classe de créanciers, quand le leader se positionne, les autres suivent », reconnaissait quelques jours auparavant l’un des banquiers du trio sans se douter que l’histoire lui donnerait bientôt raison. Une fois les « sécurisés » gagnés à la cause tchèque, la partie était quasiment jouée. La loi permet aux porteurs de dette garantie par des actions d’imposer leur vue aux autres.

« Trahison », ont crié les 3F, qui menacent aujourd’hui le fonds britannique de poursuites, invoquant le principe de loyauté des affaires et rappelant qu’un accord de confidentialité avait été signé. « Business is Business », répondent d’autres acteurs pour lesquels ces fonds raisonnent par pur arbitrage entre les perspectives de gains futurs et le risque encouru. Adepte des optionnalités comme tous ces investisseurs souvent anglo-saxons, Attestor avait refusé de signer l’accord d’exclusivité que lui avait réclamé 3F.

C’est un bien grand chapeau à faire porter à Attestor, relativise une source au fait des discussions, selon laquelle le fonds, adepte de la discrétion pour gérer les fonds de nombreux « family offices », s’est retrouvé, bien malgré lui, jeté en pâture au milieu de ces fauves milliardaires. En réalité, quelques jours seulement après la remise des premières offres, début juillet, des discussions s’étaient engagées entre le représentant de l’Etat – le Comité interministériel de restructuration industrielle, le Ciri -, les conciliateurs et les créanciers. L’échange portait sur les deux propositions, celle de 3F soutenue par une part substantielle des fonds , mais aussi celle du Tchèque. « La possibilité qu’ils changent de cheval en route était évidente », tranche un banquier.

Les fonds ne voulaient pas prendre le risque de revenir devant le tribunal de commerce dans un an. Ils auraient alors tout perdu.

Un avocat du dossier

L’annonce par Casino d’un énième avertissement sur résultats le 13 juillet a contribué à changer la donne en obligeant toutes les parties à refaire leurs calculs. En cas de scénario du pire, quel candidat aurait suffisamment d’argent dans les caisses pour remettre au pot ? « Les fonds ne voulaient pas prendre le risque de revenir devant le tribunal de commerce dans un an. Ils auraient alors tout perdu, plus que les associés de 3F qui ont apporté une somme limitée », fait valoir un avocat.

Les négociations se jouent aussi parfois sur des détails. Le 11 juillet, lors d’une réunion au Ciri à Bercy, qui réunissait la direction de Casino, les conciliateurs, les créanciers et les candidats à la reprise, Moez-Alexandre Zouari, la figure de proue du navire 3F , l’expert de la distribution sur lequel reposait leur projet industriel, a cité un chiffre d’affaires au mètre carré pour les magasins Monoprix que la direction de Casino a contesté. La différence faisait descendre l’objectif de résultat (Ebitda) de 200 millions d’euros et mettait à mal la capacité du distributeur à rembourser les 3 milliards de dette que 3F conservait dans son offre initiale. C’est la version de la société. Chez 3F, on assure que le franchisé a simplement repris les chiffres disponibles dans la « dataroom » ultra-sécurisée ouverte aux deux candidats, photo à l’appui. « Ils contredisent leurs propres chiffres », expliquent-ils, estimant que les dés étaient pipés depuis le début.

Du 7e arrondissement à Sartrouville

« Le choix de Casino est depuis longtemps biaisé parce qu’ils ont un mépris de classe pour Zouari. Chez Casino, on gère les supermarchés depuis les bureaux du 7e, on ne va pas dans les supermarchés à Sartrouville », distille un proche de 3F.

Jean-Charles Naouri, le PDG du groupe Casino, est sur le point de perdre le contrôle du géant de la distribution qu'il a bâti depuis vingt-cinq ans.

Jean-Charles Naouri, le PDG du groupe Casino, est sur le point de perdre le contrôle du géant de la distribution qu’il a bâti depuis vingt-cinq ans. Pascal Sittler/REA

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L’histoire rappelle toutefois que le docteur en mathématiques et énarque Naouri a aidé Zouari, l’enfant de l’immigration tunisienne, diplômé de Dauphine, en lui permettant de gérer plus de 500 Franprix, Leader Price et Monop en franchise et en finançant plus de 300 d’entre eux.

Assommé par la déconfiture de l’affaire de sa vie et mû par la volonté de préserver l’intégrité de son groupe, Jean-Charles Naouri « n’avait pas de préférence », affirme l’un de ses conseils. De fait, le PDG s’était montré très motivé par le projet Teract que les associés de 3F avaient construit avec InVivo avant que Daniel Kretinsky ne change la donne avec son offre préfinancée à hauteur de 900 millions.

Sous des abords affables, Daniel Kretinsky est décrit comme rigide, plutôt rude en affaires, « avec un petit côté prussien ». Au tout début des discussions, il est arrivé avec son plan, en disant que c’était à prendre ou à laisser, sans même prendre la peine de discuter avec les créanciers, raconte un de leurs proches. Il a fallu que le Ciri et les conciliateurs lui disent que son projet irait dans le mur s’il ne faisait pas des concessions, dit-on de même source.

Strike de Krentinsky

Daniel Kretinsky a compris le message : il a attiré Attestor dans ses filets en lui ouvrant les portes de son holding, lâché des engagements sur l’emploi et le périmètre des activités et promis un rôle – non exécutif – pour le PDG de Casino, sur le point de tout perdre. Un strike. En face, les 3F n’avaient pas vraiment caressé la société dans le sens du poil, en critiquant auprès du gendarme des marchés financiers le tableau mis sur pied par Casino pour présenter les offres – avant de faire machine arrière – et en épinglant publiquement au Ciri les cadres du distributeur, à l’exception de son PDG.

« Je comprends la frustration de 3F, poursuit le connaisseur du dossier. Sur le projet industriel, Moez était clairement au-dessus du lot. Il n’y a pas photo. Alors qu’au début il voulait vendre beaucoup de choses, le plan de Kretinsky, in fine, c’est celui de Zouari. »

« D’une certaine façon, l’affaire est simple, résume un banquier. Les uns sont arrivés avec beaucoup d’argent, leur argent, pas une nouvelle dette. Les autres avaient un bon projet mais pas assez d’argent. » Dans les affaires, il faut toujours suivre l’argent.

Philippe Bertrand et Gwénaëlle Barzic

https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/bluff-trahison-et-tableaux-excel-les-dessous-de-la-grande-bataille-pour-casino-1963970

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Si vous avez subi d’énormes pertes sur Atos, sachez qu’une action en réparation est en cours de constitution sur le site Upra.fr (l’Union Pour la Réparation des Actionnaires), pour recouvrer une partie de vos pertes par voie de justice. Cette action sera totalement gratuite pour les plaignants car nous la ferons financer auprès de fonds spécialisés qui prendront un pourcentage en rémunération et l’UPRA ne vous demandera aucun paiement ni cotisation ou autres. À ce jour, plusieurs fonds ont fait part de marques d’intérêts, mais nous n’avons pas encore de réponse définitive. La réponse dépendra du nombre de personnes pré-inscrits et des comptes audités 2023.

Afin de ne pas déstabiliser la société, cette action ne visera ni Atos, ni ses dirigeants ou ex-dirigeants, mais uniquement ses auditeurs (commissaires aux comptes) en particulier DELOITTE supposé être le n°1 mondial de l’audit, mais que l’UPRA soupçonne avoir été très complaisante vis-à-vis d’Atos avec les règles comptables en vigueur, et leur reproche d’avoir fait manquer une chance aux actionnaires de ne pas acheter l’action quand elle était surcotée vis-à-vis de sa réelle valeur et d’avoir fait manquer une chance d’avoir vendu, quand la société s’effondrait et que la comptabilité ne reflétait pas cet effondrement, en particulier une absence totale de dépréciation d’actifs en 2022.

Je rappelle qu’à la publication d’un jugement qui dirait le contraire, Deloitte est supposé avoir certifié les comptes d’Atos de manière totalement sincère, et l’avis exprimé ci-dessous est l’avis de l’UPRA uniquement et reste à l’état de soupçons tant que nos preuves n’auront été validé par un juge.

Pour des raisons de coûts de procédure, elle est réservée aux personnes ayant subi des pertes supérieures à 10 000€, sinon les coûts judiciaires, avocats, expertises, etc… en millions d’euros seraient supérieurs à la perte et ne seraient pas rentables pour le fonds qui financera ce recours. Soyez assuré qu’il ne s’agit pas de snobisme, mais réellement de contraintes financières.

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