Les agences Bloomberg et Reuters ont publié, le 2 février, un schéma de dépeçage du groupe de service informatique Atos, affaibli par ses mauvais résultats. La saison de la chasse est ouverte, constate Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».
Dans la jungle boursière, les animaux blessés font l’objet de toutes les attentions. Fonds d’investissement, hedge funds, concurrents et banques d’affaires tournent autour des proies et tentent quelques attaques pour tester la vitalité de la bête. Mercredi 2 février, les agences Bloomberg et Reuters ont publié un schéma de dépeçage du groupe de service informatique Atos. Selon celui-ci, la société Thales aurait approché des fonds d’investissement, dont l’américain Bain, pour acheter l’entreprise, puis la dépecer. L’électronicien de défense français n’est en effet intéressé que par l’activité de cybersécurité et de big data (11 % du chiffre d’affaires).
Des dossiers de ce type, les banques d’affaires du 8e arrondissement de Paris en font circuler des dizaines, parfois sans en avertir les principaux intéressés… Thales s’est en tout cas empressé d’affirmer par voie de communiqué qu’il n’avait pas l’intention de racheter Atos, mais qu’évidemment il était ouvert à toutes les opportunités pour se renforcer dans le domaine de la cybersécurité…
Sables mouvants
Le moment est choisi. Atos est affaibli par ses mauvais résultats, qui ont provoqué le départ du directeur général, Elie Girard, nommé à la suite du départ de Thierry Breton pour la Commission européenne, et son remplacement par Rodolphe Belmer. La firme souffre des conséquences d’une stratégie qui a consisté pendant des années à aller chercher la croissance par acquisition, notamment pour se renforcer dans la gestion informatique pour compte de tiers, l’infogérance (outsourcing). Ce secteur est délaissé au profit de services informatiques décentralisés accessibles sur Internet par le cloud computing. La firme est devenue un château de cartes bâti sur les sables mouvants d’un métier en déclin. Résultat, le chiffre d’affaires baisse, la marge s’effondre et le cours de Bourse a perdu la moitié de sa valeur en 2021. On peut aujourd’hui s’offrir cette ancienne gloire du CAC 40 pour moins de 4 milliards d’euros quand son principal concurrent, Capgemini, en vaut dix fois plus.
Pour Thales, valorisé plus de 17 milliards d’euros, la proie est tentante. Le groupe est en train de se délester de sa signalisation ferroviaire, vendue au japonais Hitachi, et de se renforcer dans la cybersécurité. Il avait acheté le champion français de la carte à puce, Gemalto, en 2019 pour 4,8 milliards d’euros. Il pourrait s’offrir la pépite d’Atos pour deux fois moins. Ce n’est d’ailleurs pas sa première tentative. Mais toute opération hostile semble exclue dans le contexte politique actuel. Cela laisse un tout petit répit pour le nouveau patron d’Atos. Mais il n’a pas le droit à l’erreur, les loups se rapprochent.