Partie 1 – Deal AIRBUS-EVIDIAN, le mode d’emploi étape par étape (analyse-membre par Euro17)

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Le Deal Airbus a eu de nombreux rebondissements depuis 2 mois. D’un article du dimanche 1er janvier à 20h dans Les Echos qui parlait d’intérêt pour Airbus qui confirmait discuter avec tous ses clients et fournisseurs, on est passé 48h après à l’officialistion de discussions non exclusives mais avancées pour une prise de participation de 29.9% d’Evidian par TFco.

10 jours plus tard la Revue Challenges nous disait que les auditeurs de Alvarez & Marsal et E&Y étaient en train de procédére à un audit de due diligence, comme si tout était lancé. Cela a créé beaucoup de confusions sur les discussions en cours.

Aussi il nous est apparu important, grace à la science de notre membre Euro17, spécialiste Fusions & Acquisitions, de repréciser toutes les étapes d’une prise de participation partielle ou d’une OPA amicale entre acheteur et vendeur.

  • Il y a tout d’abord les approches orales, secrêtes, les réunions ou chacun se dévoile un peu. Si le climat est serain, le vendeur donne accès en ses locaux à l’acheteur à quelques documents comptables plus précis que les documents publiques pour estimer la valeur de la partie cédée. C’est la première étape. Si l’acheteur a envie d’aller plus loin, il va valoir qu’il même le nez dans les comptes du vendeur, mais sans s’engager à ce stade et il faut au vendeur des sécurité pour divulger ses comptes de manière plus précise.
  • A l’issue de ces étapes orales, Airbus avait très probablement signé un NDA (Non Disclosure Agreement), afin de de pouvoir accéder aux livres de comptes (dans un timing adapté puisque cet examen avait lieu en tout début d’année 2023, soit très proche de la finalisation des comptes annuels, ce qui permet une bonne vue d’ensemble).
  • Via ce NDA, Airbus s’engage légalement à ne communiquer aucune des informations comptables ou juridiques auquel il aura accès durant la consultation des livres comptables.
  • A l’issue de cette phase intervient (ou pas), la lettre d’intention. Dans notre cas, elle est intervenue, mais sans clause d’exclusivité (cela signifie qu’Atos ne peut légalement signer d’autre lettre d’intention, mais peut continuer des discussions avec d’autres acheteurs). Cette lettre contient nécessairement une fourchette de prix. C’est la condition minimale requise pour que le vendeur accepte et signe cette lettre (inutile de perdre son temps si les attentes de prix de chacune des parties sont trop éloignées, c’est à dire hors de la ZOPA (Zone of Potential Agreement ou zone d’accord potentiel).
  • Cette lettre est bien entendu confidentielle. Ni Atos, ni Airbus n’ont à dévoiler les chiffres indiqués dans cette lettre. C’est d’autant plus certain qu’ici, cette lettre est sans clause d’exclusivité. Il n’y a donc en aucun cas d’obligation de communiquer de chiffes alors qu’Atos peut poursuivre des discussions avec d’autres candidats. J’avais expliqué dans un autre thread l’importance de la ZOPA (Zone Of Potential Agreement), où zone d’accord potentiel. C’est à dire que la fourchette proposée par Airbus croise la fourchette imaginée par ATOS. De cela, on peut déjà retenir que l’offre est sérieuse et entre dans les perspectives imaginées par ATOS, ce qui a déclenché le communiqué.
  • On peut imaginer qu’il n’y ait pas de ZOPA. Cela arrive, mais que la fourchette haute de l’acheteur potentiel, effleure la fourchette basse du vendeur et que cela soit suffisant pour motiver les intervenants à aller plus en avant, notamment si l’une des des parties s’est gardé une marge de négociation. Cette ZOPA est donc un usage des F&A et non une loi. Dans le cas Atos, ce serait que La fourchette de Airbus soit par exemple 5.5 à 6Md€ et celle de Atos de 6.5Md€ à 7Md€. Les seulement 500M€ d’écarts motiveraient quand même Meunier à donner accès à ses comptes via les auditeurs d’Airbus que sont Alvarez & Marsel, spécialisés en due diligeance. Une fois la Due Dilligence réalisée, il ne resterait plus que la négociation du prix pour conclure rapidement. Ce type d’audit peut facilement prendre trois semaine. Savoir ce qu’est une Due Dilligence
  • La nouvelle étape qui a été communiquée le 16 février se traduit par la transmission par Airbus d’une lettre d’intention. Etant un évènement majeur, ATOS s’est vu dans l’obligation de communiquer (cela faisant partie des règles pour les sociétés cotées en Bourse).
  • Dans cette lettre figure nécessairement une fourchette de prix. C’est là un point important car c’est cela qui déclenche (ou pas) pour ATOS le fait d’accepter cette lettre (ou non). D’où l’importance de la ZOPA (Zone Of Potential Agreement), où zone d’accord potentiel. C’est à dire que la fourchette proposée par Airbus croise la fourchette imaginée par ATOS. De cela, on eut déjà retenir que l’offre est sérieuse et entre dans les perspectives imaginées par ATOS, ce qui a déclenché le communiqué.

C’est un premier point essentiel, capital même, car tout aurait pu s’arrêter là. Airbus aurait pu renoncer s’il ne décelait pas un potentiel qui crée de la valeur. Il faut retenir que la volonté d’acheter une entreprise ou une activité repose sur des perspectives à venir créatrices de valeur et non des résultats passés.

Donc, le potentiel est tel que :

  • Airbus soumet une lettre d’intention
  • ATOS accepte cette lettre et poursuit les échanges car la fourchette de prix entre dans la zone cible qu’il s’est fixé.
  • Commence alors la phase de due diligence avec examen approfondi des critères légaux, financiers, sociaux. Durant cette phase, et dans l’optique d’une issue favorable, les parties travaillent en effet sur les termes de la GAP (Garantie d’Actifs et de Passifs). Pour être clair, société cotée ou non, un accord appelé SPA (Share Purchase Agreement) contient une GAP. Aucun acheteur sain d’esprit ne s’engagerait sans GAP. Quand je dis toujours, c’est plus pour des raisons de bon sens que pour des raisons légales. Une petite structure non coté vendue aux enfants ou aux cousins peut en effet ne pas comporter de GAP (car une acte de vente est dit sous seing privé, et ne lie que les parties qui le signent suivant les termes qui leur conviennent). Mais je ne m’attarde pas sur ce point car c’est hors propos dans le cas d’ATOS.

L’annonce indique qu’ATOS ne prévoit pas d’accorder une exclusivité à Airbus. C’est là que je peux comprendre la réaction mitigée de certains. Mais il faut prendre en compte plusieurs points :

  • Le premier et peut-être le plus important, c’est qu’avec une telle indication (négociations non exclusives), c’est qu’ATOS n’est à ce jour pas au bord du gouffre, loin de là. Ils ont confiance dans la situation économique actuelle et à venir de l’entreprise. De ce fait, ils ne sont donc pas acculés au point de s’engager avec une négo exclusive. (C’est d’ailleurs probablement un signal positif pour les résus 2022 si on lit entre les lignes).
  • Le second est qu’ATOS ne ferme aucune porte. Ce n’est pas nécessairement dans l’attente d’une autre offre (bien que cela soit possible, quand je vois les analyses exhaustives qui ont été réalisées et décrites sur ce post, dont la forme était certes romancée, mais le fond non dénué d’intérêt) mais cela permet d’envoyer un message pour dire qu’ATOS n’a pas l’intention de brader la valeur (le prix) associé à l’entité Evidian. Encore une fois, il faut retenir le point 1 évoqué ci-avant.
  • Dans la phase à venir (due diligence et négos), plusieurs aspects vont être décortiqués (aspects financiers, aspects sociaux (ne pas oublier qu’un plan de départs était dans les tuyaux), aspects légaux…). Bref, pas mal de points à verrouiller où chacun défend ses arguments et son “pré carré” si je puis dire. Mais, dans la très grande majorité des cas, lorsque on entre en négo après lettre d’intention, le prix est dans la fourchette haute (ou revu à la hausse). S’y ajoutent parfois également des clauses et mécanismes d’earn out (compléments de prix) suivant l’atteinte d’objectifs. Bref, autant d’éléments qui font évoluer la valeur à la hausse.
  • Enfin, du point de vue d’Airbus, ils ont une activité mature et génératrice de cash (avions), ils ont d’autres activités avec du potentiel mais petite en taille (défense, cyber entre autres…). Ils savent pertinemment que l’activité avions va petit à petit s’éroder avec l’émergence chinoise (entre autres) qui va s’affranchir des constructeurs historiques (Airbus et Boeing) et pouvoir offrir des flottes aux pays émergents. C’est aujourd’hui qu’ils doivent se placer pour les 10-15 ans à venir. Et là, s’offre à eux une opportunité de monter en taille et en puissance “du jour en lendemain” avec une entité formée, déjà en place, d’une taille significative, un des leaders mondiaux en cyber, et complémentaire à leurs activités. Si on prend en compte la NPV (Net Present Value qui permet de comparer le montant investi aujourd’hui avec sa valeur future, et donc son retour sur investissement et rentabilité), il va de soit qu’Airbus sera prêt à réviser à la hausse son offre.
  • Prenons la chose dans le sens inverse. Si Airbus ne s’engage pas, comment vont-il faire pour développer leurs autres activités ? Croite en interne ? Beaucoup trop long. Racheter quelqu’un d’autre ? Thalès ? Beaucoup, beaucoup  plus chère. Donc, Airbus a tout intérêt à s’entendre avec ATOS et non l’inverse. Sinon, ils peuvent oublier le développement de ces activités car ne pourront pas atteindre facilement une taille critique. Et cela les pénalisera vis à vis de l’association Dassault-Thalès. Car c’est bien de cela qu’il s’agit pour Airbus. Créer une entité “Airbus-Evidian” pour être “armé” (adapté dans le contexte) face à Dassault-Thalès”. Donc, Airbus à tout intérêt à obtenir un accord.

La communication d’Atos a pu paraître froide, mais ATOS n’a pas le droit de montrer tout excès d’optimisme ou de fanfaronner. Le manque d’humilié (de Breton) par le passé a couté extrêmement cher. Il ne s’agit pas de reproduite les mêmes erreurs. Ce n’est pas encore signé en plus.

Selon moi (et j’accepte bien volontiers des avis divergents voir même opposés), dans l’histoire, c’est Airbus qui a le plus à perdre qu’ATOS, ce qui place ce dernier en position favorable. A titre d’exemple, et dans le contexte actuel, c’est un peu comme dans les groupe politiques, c’est le petit groupe minoritaire qui est en position de force quand il s’agit de faire pencher la majorité dans un sens ou dans l’autre en permettant d’obtenir la majorité lors d’un vote…

Et quand au cours de bourse, l’article des échos de fin décembre / début janvier a fait grimper le cours, mais pas en une seule séance. La VAD n’a pas appuyé ces derniers temps, étant en position d’attente comme les acheteurs. Mais nous sommes passé du stade de discussions à un stade de “lettre d’intention”, ce qui est est un signal très encourageant.

Mais, aux vues de l’annonce, on peut penser qu’ATOS a confiance vis à vis des résus à venir, de l’avancement du plan de scission et surtout des perspectives (ce que le marché privilégie car il “price” le futur et non le passé.

 

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