Le combat de géants entre Airbus et Thales n’aura pas lieu pour le rachat d’Evidian (LA TRIBUNE)

C’est non ! Evidian, l’entité qui regroupera les activités en croissance d’Atos après sa scission (spin-off), n’intéresse pas Thales. Dans sa configuration actuelle, cette opération « ne correspond pas à la stratégie du groupe, qui n’a aucune intention de se diversifier dans des marchés autres que ceux qu’il sert déjà », souligne le groupe de technologies. Et pourtant, Thales semblait, selon plusieurs observateurs contactés par La Tribune, être le groupe le plus pertinent pour entrer dans le capital d’Evidian, l’entité qui va rassembler les activités les plus prometteuses d’Atos (cybersécurité, data, quantique, calcul à haute puissance…). Selon le plan Atos, Evidian doit être cotée en Bourse au deuxième semestre 2023 et une fois la scission réalisée, le groupe dirigé par Nourdine Bihmane ne conservera que l’activité historique d’infogérance informatique.

Michel Cabirol

Le groupe tricolore semblait cocher pas mal de cases, notamment celle de la souveraineté, pour devenir un actionnaire de référence adoubé par l’État français. Atos et Thales ont d’ailleurs créé en mai 2021 la société commune Athea destinée à développer une plateforme souveraine associant traitement de données massives et intelligence artificielle pour les secteurs de la défense, du renseignement et de la sécurité intérieure.

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Athea a été choisie en juin dernier par la Direction générale pour l’armement (DGA) pour la première phase du projet Artemis.IA. Enfin, cette opération aurait permis à Thales de se renforcer à travers Evidian, en Allemagne, où le groupe est quasiment absent. Sans aucun état d’âme, Berlin lui a claqué à plusieurs reprises la porte ces dernières années alors qu’il était candidat aux dossiers Hensoldt, activités électroniques de défense d’Airbus, Atlas Elektronik…

Pourquoi Thales ne veut pas d’Evidian

Mais, pour le groupe présidé par Patrice Caine, pas question de s’alourdir d’activités de services de transformation numérique logées chez Evidian et donc d’acquérir… une SSII habilement embellie par certaines activités prometteuses. Sur les 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’Evidian, les activités Big Data et Sécurité pèsent moins de 30% des activités (1,5 milliard) et celles de cybersécurité 10% (soit 500 millions d’euros), selon nos informations.

C’est ce qui fait reculer Thales, qui a d’ailleurs déjà une SSII dans son périmètre pour ses propres besoins. En outre, Atos ne vend qu’une participation minoritaire (30%) et souhaite la céder au prix fort (1,2 milliard d’euros). Cette vente, si elle se finalise, lui permettra de financer la restructuration de ses activités historiques. Au total, Evidian est valorisée 7 milliards d’euros (dette comprise) par Atos. Enfin, cette participation minoritaire ne permet pas de faire jouer de synergies entre Evidian et l’acheteur, lequel devra lancer une OPA sur le reste du capital pour être majoritaire.

Airbus en pole ?

Intéressé par Evidian, Airbus a en revanche déjà ouvert des discussions avec Atos, comme l’ont révélé Les Echos. Le groupe européen logerait ces activités au sein d’Airbus Defence & Space, une division dirigée par les Allemands (Michael Schoellhorn). Plus précisément, elles atterriraient probablement chez Airbus Secure Land Communications, dirigé par le Français Olivier Koczan qui est supervisé par le Néerlandais Evert Dudok (Connected Intelligence), réputé très proche des intérêts allemands.

Pour Airbus, cette opération serait l’occasion de renforcer dans le cadre d’une stratégie de développement la digitalisation de son offre, notamment dans les « systèmes C2 » (multi-domaines / cloud de combat / C3I). Le SCAF fait certainement partie de l’équation. Airbus rattraperait une partie de son retard sur Thales dans ce domaine. « Atos est un partenaire, Atos est un fournisseur, Atos fait des activités de cybersécurité, donc on travaille avec eux et on réfléchit à l’avenir des relations avec Atos. C’est un partenaire très important pour nous, donc oui on discute avec Atos », a confirmé vendredi Guillaume Faury sur BFM Business.

Pour autant, cette opération pourrait embarrasser l’État français. Ce dernier s’inquiète de l’avenir d’Atos avec qui il a passé un certain nombre de contrats sensibles. Ce géant de la sécurité et de l’informatique pourrait rester sous pavillon tricolore pour des raisons de souveraineté. A l’État français de se prononcer. Et les interminables négociations entre Airbus et Dassault Aviation pour finaliser le pilier 1 du SCAF (NGF, ou New Generation Fighter) ont laissé des traces au sein du gouvernement français, notamment au ministère des Armées, qui n’a guère apprécié l’attitude du géant européen jugé trop proche des intérêts allemands.

« Airbus est une entreprise européenne, avec une grande présence en France, avec des activités qui sont (…) pour la défense de la France et pour des intérêts extrêmement souverains et on sait gérer ça. Donc, je n’accepte pas d’entendre qu’on n’est pas suffisamment français pour des activités de cybersécurité ou autres », a rétorqué vendredi Guillaume Faury sur BFM Business, rappelant l’« avantage considérable d’être une entreprise européenne » pour obtenir un « effet d’échelle ».

Atos a rejeté une offre du groupe Onepoint

Contacté par Reuters, Atos a indiqué avoir engagé, en lien avec la mise en œuvre de son plan stratégique, « des discussions exploratoires avec de potentiels futurs actionnaires minoritaires du périmètre d’activités regroupé sous le nom d’Evidian ». Le groupe a cependant précisé que « ces discussions ne sont pas suffisamment avancées pour permettre tout autre commentaire ». Atos a rejeté en septembre une offre de rachat d’Evidian pour une valeur d’entreprise de 4,2 milliards d’euros émanant du groupe Onepoint. Enfin, Orange serait également intéressé par les activités d’Evidian.

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Michel Cabirol

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