Cette métaphore footbalistique a pris un peu de ride devant des français maintenant décomplexés depuis leur victoire contre l’allemagne à l’Euro 2016, mais j’espère en tout cas qu’elle vous aura faire sourire.
APERCU DU POSSIBLE DEVENIR D’ATOS VIA UN CAS D’ECOLE « ALCATEL SPACE INDUSTRIE » qui a mis en confrontation Airbus et Thalès dans le passé, de la même manière qu’un nouvel affrontement autour de la Cyber d’Atos semble de se dessiner.
Voilà une petite histoire qui à 20 ans mais qui n’a pas pris une ride. Avec les mêmes protagonistes.
Suite au remarquable travail de Matabeta j’ai eu l’idée grace à l’aide précieuse d’un contact-membre qui m’a fourni 90% du matériau, d’ajouter dans le blog cette anecdote technico-financière en retraçant en profondeur un des cas cités par Matabeta, mais pour s’attarder cette fois-ci sur des protagonistes dont l’actualité est brulante sur le dossier Atos.
Merci à mon contact-membre qui souhaite rester anonyme. Beaucoup de passages sont de lui, d’autres ont été retravaillés par votre serviteur.
Publiée le 7 janvier 2023 à 16h56. Modifiée le 20 janvier à 23h30.
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Pour comprendre les faits, il faut nous faut remonter en 1998.
ALCATEL possède une filiale dans le domaine spatial ALCATEL SPACE INDUSTRIE.
On parle d’un secteur hautement stratégique pour la France. Ce fleuron de l’industrie Française conçoit et fabrique des satellites de télécommunication, d’observation à but scientifique & militaire.
A cette date, il faut savoir que la filiale ALCATEL SPACE INDUSTRIE est détenue d’une part par Alcatel à hauteur de 51 % et d’autre part de …… Thomson-CSF à hauteur de 49 %.
En 2001 « l’électronicien de défense » qui vient de se renommer Thalès (Là je pense que ça vous parle plus) était un sleeping partner dans Alcatel Space et vient à se lasser d’avoir à financer des pertes. Alcaltel rachète les parts de Thomson-CSF et Alcatel Space Industries redevient filiale à 100 % d’Alcatel.
[A noter que nous avions réalisé une petite erreur entre les deux Thomson, le « CSF » et le « Multimédia » à propos du dirigeant de Thomson CST qui était , merci au membre Scola pour avoir signalé cette erreur]
C’est Denis Ranque PDG de Thomson-CSF futur Thalès qui décide de vendre sa participation à Alcaltel.
https://www.lexpress.fr/economie/thales-sort-d-alcatel-space_1410562.html
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Au lieu de profiter de 100% des revenus d’Alcatel Space, dans un article des Echos de 2001, on peut lire:
« En septembre 2001, Alcatel avait ainsi perdu 90 % de sa valeur par rapport à son plus haut. Après une année 2000 exceptionnelle, les commandes des opérateurs de télécoms se sont effondrées, principalement aux Etats-Unis ». Tiens, encore les Etats-Unis 🙂
Chez Alcatel Space, à partir de 2001, les commandes des américains s’effondrent (toujours les Etats-Unis) et les principaux clients d’ALCATEL SPACE deviennent les pays émergents : Chine, Turquie, Turkménistan, Egypte, Corée etc, etc…Tous voulaient (et veulent encore) « leurs satellites ».
Par exemple en septembre 2002, Les Echos écrivent:
Alcatel Space veut reprendre espoir avec la vente d’un satellite à la Chine
« Mais le marché mondial a chuté de 30 satellites de télécoms en 2000 à 12 à 15 en 2002, et la société se retrouve en surcapacité, après n’avoir vendu que 3 satellites en 2001 et autant en 2002. Son chiffre d’affaires devrait baisser de 1,4 à 1,2 milliard d’euros de 2001 à 2002, assure-t-on de source syndicale.
Devant le recul du marché, l’autre constructeur européen, Astrium (EADS), aimerait fusionner avec Alcatel Space. Mais Serge Tchuruk a affirmé samedi qu’il n’en était pas question, en rappelant qu’« Alcatel Space s’en sort mieux que d’autres », en devenant le premier constructeur européen et le troisième mondial derrière Boeing et Lockheed Martin. « Il peut y avoir des coopérations stratégiques et techniques avec Astrium, mais pour fusionner il faut être deux, a-t-il affirmé. L’intégration d’Alcatel Space au sein d’un groupe de télécoms comme Alcatel présente des avantages considérables, car l’activité spatiale a toute sa place en synergie avec les communications terrestres. » »
De façon surprenante, Serge Tchuruk envoie une fin de non recevoir à EADS et croit alors fort en Alcatel Space certes encore peu rentable mais selon lui à très à fort potentiel.
En 2002, l’action est au plus bas, après toutes ces attaques en règles pour fragiliser Alcatel leurs commandes, les américains rêvaient sans doute de se payer Alcatel en solde, mais à l’époque tous les équipementiers souffrent de l’effondrement de la bulle internet et la recovery des équipementiers se dessine de façon encore incertaine. C’est trop tôt pour lancer une attaque, de la même façon que c’était trop tôt pour lancer une attaque sur Atos en juin avec une activité en effondrement.
D’autre part il y a le probable véto de l’état à cause de branches stratégique notamment cette activité satelite à forte composante statégique et militaire. Tiens, comme pour Atos…
Les années 2003-2004 corrigent les excès du dégonflement de la bulle internet et Alcatel remonte et le secteur devient de nouveau spéculatif avec l’arrivée de la 4G. Et si la branche téléphone grand public est en cours de disparition, la branche équipementier reste solide.
Finallement en 2006 les américains entrent au capital d’Alcaltel.
Il leur faudra se contenter en d’une fusion entre LUCENT et ALCATEL plutôt qu’un rachat et les actionnaires de Lucent récupéront des actions de la société fusionnée Alcatel-Lucent. Serge Tchuruk reste président du CA et la direction générale revient à l’américaine Patricia Russo qui au fil des mois met Tchuruk sur la touche.
Les satellites deviendraient donc franco-américains ?
Le nouveau management décide officiellement un recentrage avec pour objectif de devenir une des leaders mondiaux des Telecoms et dans la foulée le dossier ALCATEL SPACE INDUSTRIE réapparait sur la table. On peut certainement y voir la patte de l’état qui ne voulait pas voir les américains trifouiller ce joyau et ALCATEL LUCENT dans ce soucis de rencentrage revend l’intégralité de sa filiale satellites à devinez qui ?
EADS
En effet EADS (renommé depuis « Airbus ») est sur les rangs. EADS ambitionnait d’affirmer sa présence dans la défense en jouant un rôle pivot dans l’élaboration d’un «Airbus des satellites», stratégie de diversification pour moins dépendre de la branche aviation.
Cependant les discussions tatonnent. C’est compliqué, car il faut l’accord des français et des allemands. Et puis le prix commence aussi à poser problème, ça tergiversse, l’accord n’est toujours pas signé…
Et donc Alcatel-Lucent commence à se lasser quand soudainement arrive un chevalier blanc…
… au final et avec les faveurs de l’état c’est THALES qui remporte la mise au détriment d’EADS qui reste sur la touche. La société Alcatel Space Industrie, devient THALES ALENIA SPACE.
«L’état français a donné sans tarder sa bénédiction à l’opération. Il fallait en effet préserver les activités stratégiques d’Alcatel, liées à la défense, de toute influence américaine. »
Le Temps écrit:
« De fait, le rapprochement entre Alcatel et Thales apparaît comme un revers pour le franco-allemand EADS. Né en 2000 de l’union du français Aerospatiale Matra, de l’allemand DASA et de l’espagnol CASA, le consortium ambitionnait d’affirmer sa présence dans la défense en jouant un rôle pivot dans l’élaboration d’un «Airbus des satellites». Pour ce faire, il a longtemps convoité Thales. En vain. Il aura tout autant échoué dans sa tentative d’influer sur le cours des négociations entre Alcatel et Thales. »
https://www.letemps.ch/economie/alcatel-cede-satellites-thales-laisse-eads-touche
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Sous le dynamisme de Thalès, la filiale THALES ALENIA SPACE devient en 2009 le leader mondial en termes de commandes et le premier constructeur en Europe dans le domaine des satellites et un acteur majeur dans le domaine de l’infrastructure orbitale.
Qu’est devenue depuis Thalès Aliena Space?
Regardez cet article à propos du carnet de commande record 2022:
Et qu’est devenue Alcatel ?
Lorsque Serge Tchuruk prend la direction d’Alcatel en 1995, il base sa stratégie sur le recentrage vers les Telecom en en faisant un groupe spécialisé.
En 2001, à la suite de l’explosion de la bulle Internet, le groupe est encore un géant qui compte 150 000 salariés et 120 sites industriels. Le patron d’Alcatel rêvait d’une entreprise « sans usines »,
Alcatel occupe une place centrale dans le monde des équipementiers télécoms.
Deux ans après en 2003, le groupe ne compte plus que 30 sites industriels et 58 000 salariés10.
Au désastre industriel et humain s’ajoute un désastre financier puisque l’action est passée de 100 euros à 30 euros. C’est d’ailleurs là le principal échec de Tchuruk, car sa stratégie était censée augmenter le cours de l’action en délestant l’entreprise des usines à faible valeur ajoutée.
Sa deuxième erreur sera la fusion avec l’équipementier américain Lucent, en , qui s’avérera désastreuse pour les deux groupes.
À son départ d’Alcatel-Lucent, en 2008, Serge Tchuruk laisse une entreprise totalement exsangue. Sa vision stratégique a vidé Alcatel de sa substance et détruira un groupe autrefois prospère et puissant.
Tchuruk, lui au moins, ne cherche pas à s’accrocher à son siège. Officiellement, il démisssione.
Regardons l’évolution du cours, pas besoin de commentaires. Ou alors on pourrait juste titrer « disparition d’un fleuron, français » et en sous-titre « Merci Tchuruk ».
Par contre pour notre Atos, on peut y trouver quelques similaritudes. En 2000, Tchuruk scissionne Alcaltel-Alsthom en Alcatel et Alsthom (renommée Alstom) pour que chaque entreprise soit autonome dans son marché de prédilection et puisse trouver des alliances, etc… Toujours ce même et unique mythe de la scission salvatrice et créatrice de valeur.
Conclusion:
C’est fou comme 20 ans après l’histoire semble se répéter :
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La « proie » est une entreprise à forte valeur stratégique ALCATEL SPACE hier et ATOS aujourd’hui.
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Les attaques des cours venant d’outre atlantique sont souvent évoquées.
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Les valorisations des proies présentent des pertes vertigineuses et bizarrement on parle toujours de dettes plus ou moins impactantes.
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AIRBUS (Groupe symbole de l’alliance franco-allemande) se positionne toujours pour s’accaparer la proie au départ… Ou bien, comme évoqué dans un article précédent pour faire monter le cours de façon accélérée pour contrer son concurrent, tout sachant que la proie ne sera pas accessible car > Veto d’intérêt national
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THALES dont l’état est actionnaire fait feinte de fuir le business… Puis revient par la grande porte avec un cours au plus bas.
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La proie plus bas que terre au moment de l’achat redevient un business très très performant les années qui suivent grace au savoir faire de Thalès…
Les prochains semaines nous en dirons plus pour le futur d’ATOS
Si cette fois c’est Airbus qui rafle la mise, on pourra parler de revanche, mais c’est loin d’être gagné, jusqu’à présent EADS et Atos ont perdu tous leurs combats avec Thalès et Patrice Caine un des meilleurs stratèges du CAC40. Raison de plus pour dire que à 13€ à la mi-février 2023 l’action a encore un énorme potentiel court-terme, encore loin de ses niveaux de 20€ post-résultats catastrophiques du 1er mars 2022.
Suite de l’article : Cyber-Atos : Thalès est-il désormais hors jeu ?
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