Atos : une bataille entre créanciers décale le plan de reprise [LE MONDE]

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Le groupe se donne jusqu’au 5 juin pour arbitrer entre l’offre de Daniel Kretinsky et celle de David Layani. Les banques et les fonds d’investissement se déchirent.

Atos n’a toujours pas choisi entre David Layani et Daniel Kretinsky, les deux candidats à la reprise du groupe d’informatique étranglé par près de 5 milliards d’euros de dette. Un week-end de négociations intenses, marqué par plusieurs revirements, n’a pas permis de trouver une solution acceptable, comme espéré initialement. Les deux hommes d’affaires ont précisé leurs plans, mais aucun des deux n’a réussi à embarquer la majorité qualifiée des créanciers nécessaire à la signature d’un accord.

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Publié aujourd’hui à 10h05, modifié à 10h11

Temps de Lecture 4 min.

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« Les deux propositions sont globalement conformes aux paramètres financiers fixés par la société, notamment s’agissant de la réduction de dette et des besoins de financement à court et moyen terme », a déclaré Atos, dans un communiqué publié lundi 3 juin. Mais il lui faut encore quelques jours, avec l’aide de la conciliatrice, Hélène Bourbouloux, pour qu’un « soutien maximal à l’une de ces propositions soit susceptible d’être assuré d’ici au 5 juin 2024, dans le but de parvenir à un accord final de restructuration financière d’ici à juillet 2024 ». Le nom du repreneur pourrait ainsi être annoncé le 6 juin au matin. Ouverte le 26 mars, la procédure de conciliation financière peut s’étendre, au plus tard, jusqu’au 26 août.

Réputée pour son fort caractère, Mme Bourbouloux a donc soixante-douze heures pour convaincre les créanciers de basculer définitivement dans un camp ou dans l’autre, et atteindre la majorité qualifiée des deux tiers. Les tractations s’annoncent serrées, alors que le week-end a mis au jour leurs dissensions.

Eviter une seconde restructuration

Deux blocs s’affrontent. D’un côté, huit sociétés d’investissement (Boussard & Gavaudan, D. E. Shaw, BlackRock, Tresidor, Syquant, SPG, Fidera et AG2R La Mondiale), détentrices d’environ un tiers des 2,4 milliards d’euros de dette obligataire d’Atos. Ces dernières, qui disent être en mesure de fédérer 80 % des créanciers obligataires, sont favorables à la solution proposée par David Layani : écraser 2,9 milliards d’euros de dette et apporter 1,5 milliard d’euros d’argent frais, dont 300 millions de garanties bancaires. Ces créanciers obligataires récupéreraient alors la majorité du capital d’Atos, à hauteur d’environ 70 %. David Layani et ses deux associés, Butler et Econocom, se partageraient 21 % du capital, assez loin des 35 % que l’entrepreneur visait initialement. Des banques étrangères se sont ralliées, pendant le week-end, à ce projet.

Les banques françaises soutiennent, elles, Daniel Kretinsky. BNP Paribas, proche de l’homme d’affaires tchèque, et qui s’était assez rapidement mis à l’écart du groupe de créanciers, a réussi, lors du week-end, à entraîner avec elle plusieurs de ses consœurs françaises, dont Société générale et Natixis.

Même si la solution proposée par M. Kretinsky prévoit plus d’abandon de dette (3,4 milliards d’euros) – moins toutefois que les 4 milliards initialement annoncés –, ces banques estiment que celle-ci à plus de chances de régler le problème une bonne fois pour toutes et d’éviter qu’une seconde restructuration soit nécessaire dans un an si Atos n’a pas réussi à se redresser. En assurant les activités de banque au quotidien de la société, ces établissements financiers ont aussi davantage de chances de récupérer une partie de leur mise, ce qui peut expliquer certaines des dissensions avec les fonds d’investissement.

Activités sensibles

Quel sera le rôle de l’Etat au milieu de cet affrontement ? Même s’il n’a pas officiellement pris parti, on veut croire, dans le camp de M. Layani, que le ministère de l’économie soutient cette solution, portée par un entrepreneur français. Du côté de M. Kretinsky, on considère que l’obstacle politique est levé depuis que Bercy s’est dit prêt à racheter les activités sensibles d’Atos.

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a annoncé, le 28 avril, que l’Etat avait formulé une lettre d’intention pour racheter trois activités sensibles du groupe informatique (systèmes militaires, supercalculateurs et produits de cybersécurité) pour éviter qu’elles ne tombent entre des mains étrangères. « La phase de due diligence [vérifications] avec l’Etat français (…) progresse de manière satisfaisante », a indiqué Atos, le 3 juin. « L’émission d’une offre confirmatoire non engageante est attendue pour mi-juin 2024 », a-t-il précisé.

En plus de cette proposition, M. Le Maire, a annoncé, le 28 mai, vouloir sanctuariser également Worldgrid, la filiale de logiciels pour le secteur de l’énergie, évoquant une éventuelle reprise par « EDF, ou une entreprise proche d’EDF », sans donner plus de détails. Atos dit avoir reçu « plusieurs propositions et examine actuellement ces offres ».

Assurer sa mission olympique

Dans un tel tourbillon financier, les équipes d’Atos tentent de se concentrer sur un autre défi de taille : les Jeux olympiques. Le groupe est le partenaire technologique du Comité international olympique et, à ce titre, responsable de toute l’informatique des Jeux, y compris de la cybersécurité de l’événement. Pour être sûr de pouvoir tenir jusqu’aux JO, Atos a obtenu, le 9 avril, un financement d’urgence de 150 millions d’euros, dont 50 millions apportés par l’Etat, via le Fonds pour le développement économique et social et 100 millions débloqués par des détenteurs d’obligations, auxquels s’ajoutent 300 millions d’euros d’affacturage. Ces sommes ont été perçues, a précisé Atos, le 3 juin.

Sans cet argent, Atos risquait de ne pas pouvoir assurer sa mission olympique dans de bonnes conditions, même si le partenaire des Jeux fait tout pour rassurer. Organisée du 13 au 17 mai, « la dernière répétition technologique avant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 s’est déroulée avec succès », a annoncé Atos, le 30 mai. Mille quatre cents scénarios ont été testés, comme des « retards de compétition dus aux conditions météorologiques, des déconnexions de serveur ou des absences de personnel pour maladie », sur trente-neuf sites différents, tels que le centre des opérations technologiques, le village des médias, le Stade de France ou les sites de compétition à Lille, Lyon, Marseille et Tahiti. Cette mise en situation « n’a pas mis en évidence de difficultés majeures sur les procédures, et elle a contribué à optimiser certains processus », a assuré le groupe d’informatique.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/06/03/atos-une-bataille-entre-creanciers-decale-le-plan-de-reprise_6237045_3234.html

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