(Par Matabeta) Les acteurs de marchés ont largement commenté les résultats 2022 d’Atos et leur impact supposé sur la valorisation du cours de l’action Atos.
Mais à la fin, seules deux notions nous importent réellement : l’impact du passé et les perspectives du futur. Étrangement, sur Atos, le marché se focalise sur le passé, omettant complètement et de manière presque névrotique de se pencher sur le futur d’Atos.
Publié par Matabeta, le 09/03/2023, à 19h00
1/ LE PASSÉ
La perte totale 2022 demeure bien sûr encore très élevée (1.012 milliard) pour Atos, mais elle traduit l’héritage du passé. On peut la diviser en 4 composantes principales :
1/ Les dernières pertes enregistrées au S1,
2/ Les dépréciations suite aux errements du passé,
3/ Les règlements exceptionnels,
4/ Les coûts de transformation des activités
Les 2 premières composantes sont globalement derrière nous. Quant aux 2 dernières, maintenant que les bénéfices sont de retour, elles garderont un impact sur les marges à venir, mais plus sur la dette (hormis Syntel, évoqué dans le point 2 : Le futur, et dans l’article-Syntel du blog).
La perspective s’engage donc désormais vers la réduction de la dette, (via les bénéfices, d’éventuelles nouvelles cessions, ou une prise de participation externe comme celle d’Airbus). En attendant, elle est tout à fait soutenable et les financements sont assurés à tous termes. Il faut donc intégrer, tout à fait objectivement, que la dette ne présente tout simplement plus un problème.
Mais cette nouvelle lecture sera relativement longue à intégrer pour le marché en général, tout simplement parce qu’il doit sortir d’ une forme de traumatisme. Le marché a certes peut-être « toujours raison », puisqu’il établit le cours, il n’en est pas moins soumis à des biais psychologiques irrationnels qui le conduisent à des excès d’ enthousiasme ou de prudence. Ce même marché n’ a en effet aucun problème à valoriser des milliards les start-up (dont 80% sont en déficit et lourdement endettées). Twitter en pertes fut introduite à 15 milliards de dollars…
Quoiqu’ il en soit, le marché finit toujours par corriger ses excès. Il intègrera lentement la nouvelle donne par excès de prudence sur Atos, mais il y viendra nécessairement. Le cours devrait donc progresser à la mesure de cette prise de conscience.
Le passé étant acté, reste à examiner le futur.
2/ LE FUTUR
Les perspectives de croissance sont différentes selon le Court, Moyen et Long terme. Les éléments ci-dessous convergent aussi pour une hausse limitée à court terme, mais solide, et exponentielle à moyen et à long terme*.
*Note ajoutée suite à des demandes de précisions : les projections de Court, Moyen et Long terme se basent sur la temporalité suivante :
–CT : prochaines semaines, prochains mois
–MT : mi 2023 (à partir du printemps). Mais en fait, c’ est moins une considération de temps que d’ étapes à franchir : Syntel, T1, Airbus, scission…
–LT : une fois franchies toutes ces étapes et avancée du redressement, et à partir de fin 2023, début 2024.
COURT TERME : HAUSSE LIMITÉE
Voyons d’ abord les principaux éléments positifs pour l’ action, issus de la publication :
–Le redressement est très dynamique et devrait se poursuivre pour le prochain exercice. Au T4, les deux entités d’Atos sont en bénéfices. Côté TFco, les marges repassent dans le vert et le redressement s’effectue avec 3 ans d’avance sur les prévisions de MOP.
Côté Evidian, La MOP au T4 s’établit à 6,7% et devrait converger vers 8% en 2023. Lors de la conférence post-publication, Philippe Oliva indique : « nous gagnons continuellement des parts de marché plus rapidement que la croissance du marché ». En particulier, la sécurité numérique et le HPC (Calcul haute performance) connaissent une croissance à deux chiffres au T4 (supérieure à celle du marché).
–Côté boursier, les analystes relèvent donc (très modestement) leurs objectifs, les fonds importants reviennent petit à petit : en témoignent par exemple les volumes très élevés après publications, sans rachats de Vade.
–Les fonds vadeurs, qui se fondaient essentiellement sur un risque de difficultés de paiement et sur la réalisation d’ une AK à terme, devront écarter ce scénario, la dette ne présentant plus de risque pour le financement de l’ entreprise. Ils n’ auront plus de motifs financiers solides pour rester trop exposés sur un titre déjà sous-valorisé. Ils seront très probablement un soutien haussier de l’ action à court terme (semaines et mois à venir).
Voyons maintenant les principaux éléments négatifs pour l’ action à court terme :
–Le redressement des marges va rester impacté par les coûts de transition, ce qui présente un frein à la montée du cours de l’ action à court terme.
–Le deal avec Airbus, tant qu’ il n’est pas conclu, peut être considéré comme un risque pour certains. En réalité il n’ est plus forcément indispensable pour financer Atos à terme, mais il a encore de nombreux intérêts (notamment la sécurisation de l’ actionnariat). Le marché vivrait mal son échec et attend l’ accord.
–Plus problématique à court terme, l’impact du procès Syntel, dont le jugement approche. Il est peu probable que la cour américaine soit indulgente. Par précaution, mieux vaut donc pricer le scénario le plus négatif à ce stade : environ 570 millions à payer au plaignant. Certaines lignes provisionnées par Atos sont non détaillées, mais cette éventualité n’ est pas provisionnée.
La sanction serait finançable via les lignes de crédits disponibles. Mais pour le cours d’Atos, ce risque pèse légitimement : il s’agit du dernier exceptionnel significatif qui menace d’ alourdir la dette en 2023. (Pour se consoler sur cet aspect, selon moi, cette perte potentielle est déjà intégrée dans la valorisation actuelle, le cours étant largement sous-valorisé).
–Les conditions de la scission en deux entitées restent confuses, coûteuses, et présentent des risques sur l’ organisation interne. Le marché n’aimant pas l’ inconnu, cette perspective pèse également sur le cours.
En conclusion, l’action Atos devrait subir des freins limitant son potentiel de hausse à court terme. Des freins amenés à disparaître, voire à devenir des accélérateurs de croissance à moyen terme.
MOYEN TERME : HAUSSE CONSTANTE
Les perspectives de moyen terme, elles, sont positives, principalement pour les raisons suivantes :
–La rapidité du retour au bénéfice des activités au T4 démontre que le groupe a opéré sa transformation efficacement. Les marges opérationnelles ont vocation à augmenter durablement.
–Un autre catalyseur apporte une régularité quasiment certaine de la hausse des marges à venir. Il s’ agit, paradoxalement, d’ un des éléments perçus négativement par le marché (ce qui est légitime à court terme) évoqué plus haut : les coûts de transformation des activités (réorganisations, rationalisations, intégrations…). Ces dépenses sont en effet actuellement considérées comme des règlements de passifs, alors qu’ elles peuvent être considérées comme des dépenses d’investissement ! Elles seront en effet génératrices de valeur pour le futur.
Par exemple, la séparation en 2 entités implique des coûts à CT, mais permettra de libérer et d’ optimiser la valorisation de chaque entité à MT. Autre exemple, la transition d’ une partie de l’ infogérance vers un mix gestion & interface au cloud d’AWS dégagera de la croissance et de nouvelles activités porteuses, là où l’ infogérance ancienne était en perte, de par la fuite des clients notamment.
–Par ailleurs à moyen terme, les deux freins persistants que sont les dépenses de transformation et les éventuels règlements exceptionnels, ont vocation à diminuer exercices après exercices. La diminution de ces charges garantie mécaniquement un redressement à long terme des marges.
LONG TERME : HAUSSE DURABLE
–A long terme, il n’ y a pas débat sur les perspectives du groupe. Inutile donc de revenir en détail sur les projections, tant elles sont évidentes : Atos est un des leaders mondiaux dans des activités à la fois les plus stratégiques et porteuses des prochaines années, comme la cyber-sécurité, le réseau cloud, le big data ou le quantique. Le nouveau modèle d’ infogérance, entre réseaux propriétaires et offre cloud adaptée, offre lui aussi désormais des perspectives de développement très prometteuses. Dans tous ces secteurs, la demande excède tellement l’ offre, et les projections à long terme orientent sur des besoins toujours plus importants. Atos n’ a donc pas vraiment d’ inquiétudes à avoir sur ses perspectives de développement.
–Plus précisément tout de même, on peut citer quelques indices qui signalent concrètement, déjà au présent, la poursuite de la place incontournable qu’ occupera Atos dans le plus long terme : ses partenariats avec les GAFAMS, dont le tout récent partenariat stratégique avec AWS, la positionnent sur des développements indispensables pour l’ avenir du cloud, qui s’ impose comme nouvelle évolution du stockage et de la gestion de données, et nécessite des interfaces et sécurisations dédiées. Autre indice, dans le quantique, évidemment, les développements auxquels sont associés Atos représentent de potentielles places de leadership mondial, selon la réussite ou non de ces derniers (clés de cryptages quantiques notamment)
–Surtout, les difficultés passées d’ Atos n’ ont apparemment pas tellement fragilisé l’ entreprise ces deux dernières années face à ses concurrents : contrairement à ce qui avait été craint par divers analystes, il n’ y a absolument pas eu de fuite des personnels, très peu de pertes de marchés, pas de déclassement de compétences, et des indices de résilience et d’ intérêt, comme l’ acceptation des relèvements de prix de contrats par les clients en grande majorité. Atos s’ engage donc vers le futur avec des compétences et des capacités préservées, et non affaiblies, ou peu affaiblies, par rapport à ses concurrentes.
CONCLUSION
Les objectifs de cours proposés par les analystes varient du simple au double. Ils sont souvent partiels et/ou partiaux. Enfin, ils interviennent souvent après l’ évolution boursière, comme pour constater plutôt que d’ anticiper le cours. Ces évaluations, pas même celles de votre serviteur, sont inutiles.
La seule donnée fiable pour valoriser objectivement une entreprise est le montant qu’ un candidat est prêt à payer pour l’ acquérir. Si on se fonde sur les derniers éléments de presse, Airbus pourrait payer plus de 6 milliards pour la seule Evidian. Dernièrement, Kretinsky évalue Tfco à rien du tout, voire en négatif de -200 millions (faisons comme si c’ était sérieux). En retraitant la dette et un verdict lourd dans le procès Syntel, Atos devrait encore valoriser le double de son cours actuel. (25 à 45 euros selon les scénarios optimistes ou pessimistes)
Ce raisonnement ne donne pas un objectif immédiat, mais rappelle le contexte de défiance des marchés envers l’ action Atos. Or, en conclusion des points évoqués plus haut :
1/ La dette n’est plus un problème, mais le marché, et les analystes traumatisés par le passé, ne le valoriseront pleinement qu’à moyen terme.
2/ A long et à moyen terme, la croissance est quasiment garantie de façon extrêmement fiable, grâce aux parts de marchés, à l’opérationnel, et à la réduction constante des dépenses de transformation.
3/ A court terme, des incertitudes (Airbus, Syntel, Scission) vont continuer à peser sur le cours, limitant son potentiel de hausse, malgré la dynamique de croissance des bénéfices.
EPILOGUE
Ces constats militent donc pour un redressement de long terme d’ Atos, plutôt que pour une envolée de court terme.
A moyen terme, Atos va devenir un dossier de plus en plus attractif. Contrairement aux perceptions de premiers abords, elle devient l’ un des titres sur lequel le pari haussier à moyen et long terme est l’ un des plus sûrs de la côte. Cette particularité nous offre l’ occasion de devancer le marché, avec un risque qu’ il perçoit fort, en se fondant notamment sur le passé, alors qu’ il est en réalité faible, quand on se projette dans le futur proche.
Ce n’ est pas tous les jours que le marché nous offre la possibilité de profiter d’ un temps d’ avance sur lui, pour anticiper une recovery longue et présentant un aussi fort potentiel.
L’ introduction de mes précédentes analyses s’impose en conclusion objective à tous termes :
la sortie par le haut à commencé, et ce n’est que le début.
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