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Nouvel article fleuve sur Atos, épisode 2, avec cette fois-ci avec beaucoup plus de blabla et d’imprécisions, voire de faux chiffres, car non plagié sur le blog comme le précédent opus. Réservés aux néophytes du dossier. Les spécialistes n’y apprendrons rien. Je rappelle que Blast est un micro-site d’information controversé et nébuleux.
Dans ce second volet de notre odyssée au cœur du sabordage du géant français de l’informatique, on croise la route des inévitables cabinets de conseil. Pendant qu’ils imaginent des plans de relance aussi inventifs qu’onéreux, comme s’il en pleuvait, les salariés d’Atos sont déboussolés. Et l’État est tout à sa passivité, qui confine à la langueur. État des lieux en trois points de rupture, alors que la mission d’information du Sénat – qui a auditionné les dirigeants actuels la semaine dernière – poursuit ses travaux.
Dans le premier épisode de cette enquête, Blast a d’abord brossé le portrait des dirigeants qui ont mené Atos à la déconfiture, sous le contrôle évanescent d’un conseil d’administration aux abonnés absent, dans lequel l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, champion de la souveraineté industrielle sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, a longtemps siégé. Le tableau de famille posé, il est temps de se pencher sur les effets délétères des choix et de la gestion de ces têtes d’affiche, pour la réputation de l’entreprise, dans le monde de la finance, et pour les salariés, ballotés par les flots du naufrage et les plans sociaux.
Point 1 : Une communication financière cafouilleuse
Comment créer le trouble chez les investisseurs ? Alors que la direction avait déclaré vouloir faire une pause dans les acquisitions, Atos est pris en flagrant délit début janvier 2021 par un scoop de Reuters. L’agence d’information financière révèle que le groupe français étudie le rachat de l’américain DXC, ancienne filiale de Hewlett-Packard. Une paille : les discussions portent sur un montant de 10 milliards de dollars.
En bourse, l’effet est immédiat et l’action dévisse de 13,05%. Pour ne rien arranger, en février 2021, les commissaires aux comptes émettent des réserves sur des filiales américaines. Puis, dans les 18 mois qui suivent, Atos émet deux avertissements sur résultats (sur une rentabilité moins bonne que prévue). Si bien que, entre janvier 2021 et janvier 2022, l’action est divisée par deux. Son cours passe de 65 à 32 euros.
Prêche dans le désert
Le poison du doute gagne les marchés. Il ne va plus jamais se dissiper. Désormais, la parole du groupe semble comme démonétisée. Quand le président Bertrand Meunier présente en juin 2022 son plan de scission, c’est rebelote : en deux séances, l’action plonge de près de 35%.
Tout aussi flou dans ses modalités financières, le plan remanié, annoncé un an plus tard, le 1er août 2023, n’a pas fait remonter le cours, qui venait de chuter de 30% sur les cinq jours précédents.
La communication financière d’Atos est devenue un sujet d’interrogation permanent. Peut-on se fier à ses déclarations ?
La question est remontée jusqu’à l’AMF (l’autorité de contrôle des marchés financiers) qui, comme à son habitude, instruit à une vitesse d’escargot. Début 2024, Atos a de son côté repoussé à deux reprises la publication de ses résultats annuels, certes en raison de l’abandon des discussions avec Airbus, pour le rachat d’une part de ses activités (voir l’épisode 1), mais pas seulement.
Auditeurs sur la réserve
Les auditeurs du groupe, les cabinets Deloitte et Grant Thornton, auraient émis des réserves sur le montant des dépréciations d’actifs et sur certaines pratiques comptables. Des interrogations sont ainsi posées sur l’étendue et le coût de l’affacturage auquel le groupe a recours, pour améliorer sa trésorerie – un intermédiaire achète à Atos une créance client, puis se fait rembourser par le client d’Atos, ultérieurement.
La direction leur a refusé l’accès
« On a demandé en CSE un rapport d’alerte économique en novembre 2023 au cabinet d’expertise Sextant, raconte Didier Moulin, élu CGT d’Atos-Eviden. La direction leur a refusé l’accès à de nombreux documents pourtant communicables de droit à l’expert. »
En janvier dernier, l’agence de notation américaine Standard & Poor’s a dégradé la note de crédit de la société de pas moins de trois crans, de BB- à B-, puis l’a ensuite rabaissée à CCC. La dette d’Atos, qui était déjà classée « junk » (« pourrie »), est passée à la catégorie « hautement spéculative ». Conséquence anecdotique de cette mauvaise note, les cartes American express des collaborateurs sont bloquées… Ils ne peuvent plus l’utiliser pour voyager et doivent avancer les frais. Le marché obligataire illustre aussi la défiance que suscite le groupe : les obligations Atos ne valent plus qu’entre 25 % et 36 % de leur valeur nominale, tandis qu’un plan d’apurement est en discussion.
Sombre « Vaders »
Quand l’animal est blessé, les vautours rodent. L’action Atos se retrouve ainsi victime d’un vaste mouvement spéculatif des vendeurs à découvert, ces « Vaders » qui spéculent à la baisse sur un titre. Depuis le début de l’année, dix fonds d’investissements ont pris des positions à découvert sur 15 à 18% du capital de la société. Ravageur.
« C’est un système mortifère animé par les fonds anglo-saxons, estime Hervé Lecesne, président de l’Union des actionnaires d’Atos constructifs (Udaac), qui réunit de petits actionnaires. Le thermomètre de la bourse est complètement cassé. » Au point que l’association plaide pour une suspension de la cotation.
Le léger redressement constaté en 2023 ne semble pas inverser cette spirale diabolique. Atos a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 10,69 milliards d’euros, en croissance organique de 0,4% sur un an : + 2,9% pour Eviden (sa partie cybersécurité) et – 1,7% pour Tech Foundations (sa partie gérance de parcs informatiques). Surtout, la marge opérationnelle remonte et le résultat net est revenu dans le vert, à 73 millions d’euros, après 2,9 milliards de pertes en 2021 et 1 milliard en 2022. Enfin, Atos affirmait en mars disposer de 2,4 milliards d’euros de trésorerie, de quoi tenir jusqu’à juillet et l’obtention d’un accord avec ses créanciers. Mais le calendrier s’est accéléré.
Point 2 : Plan A, plan B, plan C… la valse des scénarios
Dans les années 80, certains écrivains se sont essayés au livre à choix multiples, dans lequel le lecteur arbitre entre plusieurs options, pour connaître la suite de l’histoire. Le héros se marie ? Rendez-vous page 32. Il tombe malade, allez à la page 45. Ce genre littéraire n’a pas prospéré, et on comprend pourquoi. Chez Atos, la direction a inventé quelque chose d’approchant. La stratégie à choix multiples : d’un plan A ou peut passer à un plan B, voire un plan C, comme qui rigole. Enfin, les salariés, eux, ne rigolent pas.
L’ivresse du mécano
Le récit des différents mécanos imaginés entre 2022 et 2024 donne le tournis. Accrochez-vous car c’est dur à suivre.
Avant le départ de Thierry Breton, il était question d’introduire en bourse l’entité BDS, la pépite de la data, de la cybersécurité et des supercalculateurs, pour financer ses grosses dépenses en recherche et développement. Le duo qui lui succède, le DG Elie Girard et le président Bertrand Meunier, a enterré l’idée (lire en encadré). En janvier 2022, le tout nouveau DG Rodolphe Belmer propose, lui, de vendre BDS. Le conseil d’administration refuse.
Bertrand Meunier a un tout autre projet en tête, qu’il révèle en juin : couper Atos en deux entités, toutes les deux mises en Bourse, avec d’un côté les activités en croissance dans le cloud et la cybersécurité (baptisé Evidian et intégrant BDS) et de l’autre les métiers historiques en déclin dans l’infogérance (Tech Foundations ou TFco). L’idée vient ensuite de faire entrer Airbus au capital d’Eviden (nouveau nom d’Evidian), mais elle est abandonnée en janvier 2023. D’ailleurs, en juillet, Atos renonce à mettre en Bourse Eviden car un autre scénario sort du chapeau : la vente de TFco à Daniel Kretinsky, doublée de son entrée au capital d’Eviden. Mais voilà que BDS refait surface, en janvier 2024 : il est question cette fois de vendre l’entité à Airbus. Ce qui était exclu en 2022 est désormais admis…
Ce projet n’a pas de sens.
Ces plans (sur la comète) ont tous lamentablement échoué tandis qu’Atos était contraint de céder pour 700 millions d’euros d’actifs, notamment Atos Italie, pour récupérer de l’argent frais et résoudre ses problèmes de trésorerie : on parle de 100 millions d’euros grillés chaque mois. « Le contour de la scission n’a manifestement pas été clairement défini, observe Frédéric Sebag, le président du groupe Open. Il faut un cap industriel, l’ingénierie financière ne vient qu’après. »
Mais cette valse-hésitation n’a pas été inutile pour tout le monde. « Ce projet n’a pas de sens. C’est un deal broker, comme disent les Anglais, c’est-à-dire qu’il n’enrichit que les banquiers, avocats ou consultants qui conseillent la direction de l’entreprise », s’est indignée Anne-Sophie d’Andlau, codirigeante du fonds activiste CIAM.
Conseils bien payés
N’en déplaise au sens commun, les conseilleurs ne sont pas les payeurs mais ils sont bien payés. L’Udaac avance ainsi le chiffre de 350 millions d’euros dépensés à leur profit, pour le projet de scission, dont 150 millions au seul cabinet McKinsey…
« L’échec des négociations avec Airbus a créé un choc, une vraie dépression », rapporte l’élu CGT Didier Moulin. En attendant, les équipes souffrent. Car si la scission a capoté, elle est déjà une réalité opérationnelle : Atos s’est organisé en deux entités distinctes, ce qui complique grandement le travail des équipes. « La séparation ne peut générer que des difficultés, estime l’ancien patron France Jean-Marie Simon, sollicité par Blast. On avait passé sept ans à optimiser les fonctions support et à consolider nos forces commerciales. Une scission impliquerait de doublonner à nouveau. »
Plus accès aux annuaires des collègues
En l’état, ce divorce sous un même toit aboutit à des situations ubuesques. Prenez un gros client, qui achète des prestations chez Eviden et TFco. Atos regarde qui fait le plus de chiffre d’affaires, pour choisir qui aura le lead avec ce client ; l’autre entité devient sous-traitante de la première. « En CSE, le directeur Europe du Sud Eviden nous a dit : on ne va pas se cacher, on s’est tiré la bourre entre Atos et Eviden en 2023 », raconte Didier Moulin. Avec ce détail cocasse, rapporté par le syndicaliste : les réseaux étant séparés, « on n’a plus accès aux annuaires des collègues ».
Point 3 : L’inquiétante passivité de l’État
Avec sa posture habituelle, Bruno Le Maire assure qu’il surveille attentivement le dossier Atos. Avec lui à Bercy, les activités stratégiques resteront « sous contrôle exclusif de la France » et il agira avec « fermeté ». Il l’a dit le 13 novembre 2023, évoquant à demi-mot le décret Montebourg sur les investissements étrangers. Puis répété le 4 février 2024. Le 19 mars, c’est Gabriel Attal qui a enchaîné, parlant devant les députés « d’une solution nationale de protection des activités stratégiques ».
Mais de quoi parle-t-on au juste, derrière ces grandes déclarations ? D’un repreneur d’envergure du type de Dassault ? D’une prise de participation de la BPI (la banque publique d’investissement chargée de porter l’effort et le soutien de l’État aux causes nationales) ? D’une nationalisation, comme l’a réclamée la commission des finances dans un amendement voté le 25 octobre 2023 ? Et, surtout, de quel périmètre d’activités ?
Ces questions peuvent se ramener à celle-ci : le gouvernement a-t-il seulement une vision industrielle du sujet ? On peut en douter. C’est à se demander si sa seule préoccupation, ces dernières semaines, n’était pas qu’Atos soit toujours en mesure de piloter toute l’ingénierie numérique des Jeux Olympiques de Paris. Et que le bilan de l’intouchable Thierry Breton, relais précieux de Macron à Bruxelles, ne soit pas questionné. Pour le reste…
Le dossier Atos, en définitive, est indéniablement un enjeu de souveraineté et d’intérêt national. La première priorité est bien sûr de protéger ses activités sensibles, les supercalculateurs pour la dissuasion nucléaire, les systèmes de cryptage pour la Défense, les contrôle machine des centrales nucléaires. Cet ensemble occupe aujourd’hui à peu près 3 000 personnes, principalement au sein de BDS. La vente de ce bloc à Airbus, espérait-on du côté de l’État, aurait permis de sanctuariser ces activités. Mais, selon certains observateurs, les partenaires allemands d’Airbus n’étaient pas très enthousiastes.
Intérêt national et taille critique
Surtout, l’intérêt national ne se réduit pas à cela. Peut-on laisser sombrer un grand groupe français et ses quelques 100 000 salariés, dont 11 000 dans l’hexagone ? La question se pose d’autant plus qu’Atos est un très gros fournisseur de la sphère publique : cartes d’identité, cartes vitale, gestion des services de la CNAM, de l’Urssaf, de FranceConnect, logiciel des compteurs Linky, système de régulation SNCF, tous ces outils indispensables au fonctionnement des services publics portent son empreinte. Ces données sensibles ne doivent pas tomber entre n’importe quelles mains. Et l’État se doit d’obtenir de solides garanties de la part d’un éventuel repreneur.
Qui fait quoi ?
En réalité, les deux enjeux, économique et de souveraineté, sont intimement liés. Car Atos a besoin d’un minimum de taille critique pour financer les investissements nécessaires en R&D dans les domaines d’avenir (IA, informatique quantique, cyber, etc.) et pour retenir les talents. BDS a ainsi vu ces derniers mois partir de grosses pointures, chez Dassault, Thales ou Airbus, et s’en trouve fragilisé. Protéger les activités souveraines, déclare Le Maire. Elles sont déjà bien abîmées.
Difficile, dans ces conditions, de comprendre la passivité de l’État et surtout sa ligne directrice. Qui pilote d’ailleurs le dossier. Bercy, via le CIRI (le Comité interministériel de restructuration industrielle) ? Des fuites de presse ont révélé qu’Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée, avait reçu Daniel Kretinsky et d’autres acteurs du dossier. A quel titre ? Et sous le contrôle de qui ? A croire que les errances d’Atos ont contaminé jusqu’à l’exécutif.
Ce grand flou a donc conduit le Sénat à créer une mission d’information sur Atos. Elle a notamment reçu à huis clos Thierry Breton et son ex-bras droit Charles Dehelly, parti à la retraite en 2017. Les deux hommes, selon les indiscrétions de Libération, se sont auto-satisfaits de leur gestion et de leur bilan. Le 10 avril, la mission a également auditionné, cette fois de façon publique, le président d’Atos Jean‑Pierre Mustier et son DG Paul Saleh. Le duo dirigeant a assuré pour sa part « être très confiant dans l’avenir du groupe ».
L’avenir appartient aux audacieux, paraît-il.
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Crédits photo/illustration en haut de page :
Diane Lataste
https://www.blast-info.fr/articles/2024/atos-anatomie-dune-chute-2-la-souverainete-en-etendard-les-cabinets-de-conseil-dabord-6a82VxrITIa2VoaWT0Q5Mw
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Si vous avez subi d’énormes pertes sur Atos, sachez qu’une action en réparation est en cours de constitution sur le site Upra.fr (l’Union Pour la Réparation des Actionnaires), pour recouvrer une partie de vos pertes par voie de justice. Cette action sera totalement gratuite pour les plaignants car nous la ferons financer auprès de fonds spécialisés qui prendront un pourcentage en rémunération et l’UPRA ne vous demandera aucun paiement ni cotisation ou autres. À ce jour, plusieurs fonds ont fait part de marques d’intérêts, mais nous n’avons pas encore de réponse définitive. La réponse dépendra du nombre de personnes pré-inscrits et des comptes audités 2023.
Afin de ne pas déstabiliser la société, cette action ne visera ni Atos, ni ses dirigeants ou ex-dirigeants, mais uniquement ses auditeurs (commissaires aux comptes) en particulier DELOITTE supposé être le n°1 mondial de l’audit, mais que l’UPRA soupçonne avoir été très complaisante vis-à-vis d’Atos avec les règles comptables en vigueur, et leur reproche d’avoir fait manquer une chance aux actionnaires de ne pas acheter l’action quand elle était surcotée vis-à-vis de sa réelle valeur et d’avoir fait manquer une chance d’avoir vendu, quand la société s’effondrait et que la comptabilité ne reflétait pas cet effondrement, en particulier une absence totale de dépréciation d’actifs en 2022.
Je rappelle qu’à la publication d’un jugement qui dirait le contraire, Deloitte est supposé avoir certifié les comptes d’Atos de manière totalement sincère, et l’avis exprimé ci-dessous est l’avis de l’UPRA uniquement et reste à l’état de soupçons tant que nos preuves n’auront été validé par un juge.
Pour des raisons de coûts de procédure, elle est réservée aux personnes ayant subi des pertes supérieures à 10 000€, sinon les coûts judiciaires, avocats, expertises, etc… en millions d’euros seraient supérieurs à la perte et ne seraient pas rentables pour le fonds qui financera ce recours. Soyez assuré qu’il ne s’agit pas de snobisme, mais réellement de contraintes financières.