Atos n’exclut pas une entrée de ses créanciers au capital [LES ECHOS]

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La tension est palpable alors qu’Atos doit annoncer lundi soir les paramètres financiers de son plan de sauvetage. Jusqu’à la moitié de ses 4,8 milliards d’euros de dette pourrait devoir être effacée par conversion de dette en capital, estime-t-on chez ses prêteurs.

Par Anne DrifLaurent Flallo

Publié le 4 avr. 2024 à 17:28 Mis à jour le 4 avr. 2024 à 18:25
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La tension grimpe encore chez Atos, à trois jours du coup d’envoi de sa restructuration. Lundi soir, l’ex-fleuron informatique, qui a perdu plus de 80 % de sa valeur en Bourse en un an, dévoilera l’ampleur de ses carences financières et les paramètres de son plan de sauvetage.

A l’approche de l’échéance, une hypothèse devient de plus en plus forte : une bascule, entre les mains des créanciers, d’une part significative du capital du groupe d’infogérance qui livre les supercalculateurs de la dissuasion nucléaire et des systèmes de commandement à l’armée de terre.

En début de semaine, le géant, plombé par 3,4 milliards d’euros de pertes, a lui-même évoqué la perspective d’une évolution de « sa structure de capital » à la suite des « discussions sur le refinancement avec ses créanciers financiers ». La conversion de la dette fait partie des options avec l’augmentation de capital, fait-on ainsi savoir dans le camp du groupe informatique, qui n’a pas voulu commenter. Dans tous les cas, l’ardoise est lourde : Atos doit rembourser 3,6 milliards d’euros d’ici la fin de l’année prochaine à ses créanciers, et 4,8 milliards d’ici cinq ans.

Des créanciers déjà « virtuellement » propriétaires

Exit donc les scénarios « soft » de simples et uniques reports des échéances de remboursement, comme l’association des petits porteurs, l’UDAAC, les appelait de ses voeux pour la dette obligataire d’échéance courte. « Cette option-là, elle est clairement dépassée », considère-t-on chez les prêteurs. A compter de lundi soir, les discussions vont donc entrer dans le dur.

Les créanciers s’estiment déjà « virtuellement » propriétaires d’Atos compte tenu du fardeau de la dette. Et certains groupes ont leur plan en tête : « Il faut effacer 40 à 50 % de la dette par conversion en capital, soit 2 à 2,5 milliards d’euros. Il n’y a pas mille options sur la table », estime un acteur.

Ils estiment que la dette d’Atos doit peser bien moins que trois années d’excédent brut d’exploitation. Début février, l’agence S&P a dégradé la note de B- à CCC avec une perspective négative, jugeant que le groupe pouvait rencontrer des difficultés de liquidité dans les mois à venir, avec le risque d’une restructuration, voire d’un défaut.

Dans le secteur, le levier jugé raisonnable entre la dette nette et l’Ebitda tourne même entre 1,5 et 2 fois. D’après AlphaValue, Sopra Steria, qui a conduit une série d’acquisitions, est à 3 fois, et Capgemini, qui s’est désendetté, à 1,2 fois.

Du côté du premier actionnaire, David Layani, réduire l’endettement à moins de trois années d’excédent brut opérationnel est aussi le niveau jugé soutenable, selon des sources. Mais dans le même temps une conversion en capital d’une grosse part de la dette entraînerait une forte dilution du patron de Onepoint. « Il y aura un équilibre à trouver entre les actionnaires et la nécessaire conversion et les efforts des créanciers », estime-t-on parmi ses soutiens.

David Layani au centre du jeu

L’entrepreneur pousserait à un scénario où il monterait plutôt à 30-35 % du capital comme actionnaire de référence, les prêteurs montant à 30-40 %, mais aucun individuellement avec une position supérieure à la sienne. David Layani a un atout : il est quasi-incontournable, juge-t-on y compris chez les créanciers, afin d’assurer la gouvernance et la vision industrielle d’Atos.

Quant à l’Etat, il n’a pas vraiment la main. Mercredi, le Premier ministre a réitéré, à son tour, après deux interventions de Bruno Le Maire, que la « priorité » pour la France est « d’assurer la stabilité financière d’Atos », qu’il a qualifié de « société d’informatique et de logiciels en difficulté du pays ». Toutefois le gouvernement n’a toujours pas précisé à quelle « solution nationale » il faisait référence pour protéger les activités critiques d’Atos après le retrait d’Airbus.

Et chez les acteurs de la restructuration financière, on n’a aucune envie de s’attaquer à ce problème. « Le temps de la sanctuarisation ou de nouveaux découpages viendra après », estime un créancier.

Nouveaux prêts

D’autant qu’Atos s’est fixé… une autre contrainte : obtenir un financement relais auprès de ses banques et de ses créanciers obligataires, qui, selon nos informations, serait de l’ordre de 400 millions d’euros. L’objectif serait de soutenir sa notation de crédit et de s’assurer un coussin le temps des négociations, avec comme date butoir pour activer ce prêt les alentours du 25 avril. Contacté, le groupe n’a pas voulu commenter non plus sur ce point.

Les négociations sont là aussi complexes. « On ne sait rien de la façon dont le groupe veut monter ce financement, quelles garanties il peut offrir et à qui », explique un créancier qui craint que les banques en profitent pour obtenir plus de sûretés que les autres et rejouent le scénario Orpea. Elles pourraient alors « écraser » les autres détenteurs de dette (via ce qu’on appelle un « cross-class cram-down »).

D’ici lundi, donc, chacun recompte ses rangs. « A la minute où Atos fera ses annonces, il y a fort à parier que la dette va rapidement changer de mains ! » estime un financier.

Anne Drif, Laurent Flallo

https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/atos-nexclut-pas-une-entree-de-ses-creanciers-au-capital-2086938

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