Excellent article de notre membre EURO17. Ca vous changera de Map 😉
Entre le 8 et le 28 juin que va-t-il se passer ? Posons les jalons dont nous avons connaissance. C’est exhaustif, mais important pour ne négliger aucun aspect.
Il y a un conflit ouvert entre ATOS et Sycomore (et bon nombre de petits porteurs) concernant la crise de gouvernance de l’entreprise. Sur les 2-3 dernières années, on ne peut dire le contraire, avec profits warning et changements de direction à répétition. Et cette crise revêt plusieurs aspects qu’il convient de discerner.
Une méconnaissance du capital humain
Sur la dernière année, l’équipe de direction (et non le board) semble mener la barque et tenir un rôle efficace (à la vue de l’amélioration des résultats) et pertinent (à la vue de l’appréciation de ses dirigeants par les salariés de l’entreprise, avec notamment Nourdine Bihmane, « produit maison » qui a gravi les échelons).
Devons-nous cette équipe de direction à la clairvoyance du board ? Pas vraiment. Bihmane venait d’être nommé DGA par Belmer et Oliva embauché DC par Belmer et débauché de chez Eutelsat.
Le board avait amené Belmer, qui n’a pas fait long feu. Cette solution (Bihmane – Oliva) a donc été « précipitée », alors qu’en fait, elle était la plus appropriée dès le départ. C’est un élément d’importance, car, si le board connaissait mieux ses ressources internes et ses employés, il n’aurait pas amené Belmer dans l’équation, mais aurait immédiatement fait monter en puissance Nourdine Bihmane et bien évidemment Pierre Barnabé, sur lequel s’est jeté Soitec, dont le board a été plus perspicace que celui de Atos, allant jusqu’à connaitre mieux les forces vives d’Atos que le board d’Atos lui-même.
Donc, d’un point de vue capital humain, il apparaît clair que le board ne connait pas ses richesses internes, alors que son expertise première (9 membres sur 14) est sensée être ce domaine précis. Ce qui amène à s’intéroger sur la sincérité de ce tableau donc Map a déjà mentionné des paradoxes sur les compétences technologiques prêtées à plusieurs membres dans un autre article.
Le board imagine qu’apporter du « sang neuf » va booster l’entreprise. C’est possible oui, à condition d’amener une pointure, reconnue pour son expertise, mais aussi pour sa capacité à mener, guider ses équipes dans une direction vers laquelle tout le monde adhère. Et là, force est de constater que faire venir un nouveau Directeur qui part au bout de quelques mois, étant en désaccord avec les orientations du board, cela témoigne de la légèreté prise par ce board, où le directeur est attendu et espéré comme étant « un simple exécutant ».
Une stratégie non comprise – mais de quelle stratégie parle-ton ?
D’un point de vue stratégique, l’annonce d’un plan de scission a précipité l’effondrement du cours de bourse. Il avait déjà bien chuté, mais cette annonce a véritablement été un catalyseur / accélérateur puissant à la baisse. Et la dégradation de Goldman Sachs a fini « d’achever la bête »
Pourquoi ? Et bien parce que personne n’a été en mesure de discerner la pertinence de ce virage stratégique majeur. Encore à ce jour, personne ne comprend la pertinence d’un tel engagement.
Reprenons le « cas Belmer ». Au moment de son recrutement, on peut affirmer que le Board n’avait pas encore pris la décision de cette scission. Sinon, durant l’étape du recrutement, Belmer aurait été informé de cette orientation, et cela aurait été déterminant dans son acceptation (ou non) du poste. Soit il adhère et prend le rôle, soit il n’adhère pas et décline le poste.
Alternativement, si cette orientation stratégique était déjà dans les tuyaux quand Belmer arrive et que ce dernier n’est pas informé, cela signifie alors que ce dernier était véritablement considéré comme un simple exécutant (retour au point évoqué ci-avant donc).
Intéressons-nous à la pertinence opérationnelle. Il est d’usage de dire qu’une entité plus petite est plus réactive, car moins hiérarchisée. C’est vrai en général, mais cela concerne principalement l’aspect administratif et « back-office ».
D’un point de vue activités/métiers, le postulat initial est de dire que certains secteurs (TFco), sont en déclin et ont un avenir avec une faible croissance et rentabilité. A l’inverse, d’autres secteurs (EVIDEN), ont un vrai potentiel de croissance, avec des marges élevées.
Un an plus tard, on peut raisonnablement émettre des doutes sur la pertinence de ce postulat. Certes les marges sont peut-être différentes, mais il ne s’agit pas d’une plongée abyssale pour TFco. Le CMD est venu confirmer cela.
Pour la partie cyber, en l’état il est difficile de valider le postulat initial, le CMD n’ayant pas encore eu lieu. (Petite parenthèse, c’est là une très grave erreur du board de ne pas avoir fait ce CMD avant l’AG, obsédé qu’il a été par un accord transactionnel, et qui ne leur permet pas aujourd’hui de défendre leur bilan annuel correctement).
On sait tous qu’ils ont intégré des éléments dans EVIDEN afin d’empêcher toute opération hostile d’acquisition. Le postulat ici est louable si et seulement si, l’objectif est de créer de la valeur pour les parties prenantes (actionnaires compris), et de se prémunir d’une acquisition qui aurait pu détruire, ou à tout le moins, minorer la valeur d’entreprise.
Mais voilà, de quelle valeur parle-t-on ? D’une valeur légitime ou disproportionnée définie par le Board et leurs conseils ? La réponse à cette question ne peut venir que par les chiffres, ou plus exactement, les marges et la rentabilité de l’entreprise. Nous connaissons les résus 2022 et le CA du T1 2023. On pourrait dire que cela va dans la bonne direction, la société ayant amélioré ses résus par rapport à l’année précédente, et par rapport aux objectifs.
Ce serait simple, si ces éléments n’étaient pas en « trompe l’œil ». En effet, étant donnés les très mauvais résultats précédents, le board s’est bien gardé d’afficher des objectifs ambitieux. Ils ont minoré les objectifs afin de créer un effet de surprise lorsque les résultats sont tombés. Un autre élément confirmant ce trompe l’œil est la comparaison avec d’autres sociétés du même secteur, qui elles, ont affiché des résultats et marges bien meilleurs. Enfin, un dernier élément de ce trompe l’œil (à ce jour) je précise) est l’incapacité de comprendre clairement les marges de l’entité EVIDEN, puisque justement, nous n’avons pas encore eu le CMD.
Enfin, toujours d’un point de vue opérationnel, il n’est nullement besoin de passer par une scission. Tout le monde connait au moins une entreprise qui possède plusieurs divisions clairement scindées en interne, et faisant pourtant partie d’un même groupe. Allez, un exemple connu en guise de clin d’œil : Airbus (Aviation civile – Hélicoptères – Défense et espace). Pour l’anecdote, Airbus initialement scindée, a décidé de fusionner en 2016, afin de (i) simplifier la gouvernance et (ii) optimiser l’efficacité (tout en maintenant des processus administratifs et d’exécution distincts).
Et pour clore ce chapitre, nous savons tous également que cette stratégie est du McKinsey pur souche. Ayant fait partie de McKinsey, je peux dire qu’ils peuvent apporter des stratégies pertinentes oui, mais qui reposent sur des benchmarks (ce n’est pas difficile quand on conseille la majorité des plus grandes entreprises mondiales, dans tous les secteurs, cela fait une belle base de données, qui, il est vrai, fait l’objet d’une grande confidentialité. Il revient à l’entreprise de façonner cette stratégie pour que son application / exécution colle à son ADN, ses particularités et spécificités.
Et c’est là que le bât blesse au niveau du board. Dans l’automobile, nous avons des capitaines qui connaissent le métier sur le bout des doigts (voir des ongles même) Ils ont qui chez Peugeot ? Dans l’énergie, idem. Ils ont qui chez Total ? Ce sont des gens issus du sérail et qui comprennent et connaissent le métier.
Chez ATOS, quel a été le parcours de notre cher Président ? Que connait-il des ESN à part un fauteuil de bureau d’une fonction exécutive dans un seul et unique board depuis des années ? C’est léger pour connaître le métier, et délicat pour apprécier la valeur des hommes de métier (tel Bihmane) quand on n’est pas en mesure de parler son langage, de comprendre ses problématiques métier…. Et j’imagine que Map rajouterait « de prononcer le nom de son DG » 🙂
Donc, la pertinence de cette stratégie de scission n’a à ce jour, pas été comprise, et encore moins démontrée.
Une démarche purement financière
Pourquoi une scission ? Et bien appelons un chat un chat. Cette scission est une démarche purement financière. Ça tombe bien me direz-vous, notre cher Président a plus d’expérience en finance que dans d’autres domaines (étrange pour une ESN, non ?). Et sur ce sujet, je me garderai d’évoquer les performances et réussites passées du Président. C’est parce qu’en fait, il y a peu de chose à dire à ce sujet, pour ne pas dire rien du tout.
La scission a donc eu pour unique but, non pas d’améliorer l’efficacité de l’entreprise (des divisions distinctes au sein d’un même groupe peut très bien faire l’affaire, et à du sens même), mais de créer un secteur d’activité isolé et attractif afin d’attirer et de s’adosser à un partenaire de poids, désireux de développer une activité déjà présente en leur sein et donc complémentaire, permettant ainsi de générer du cash et ainsi combler les lacunes (et pertes) passées (merci Breton et sa folie des grandeurs).
Soyons honnêtes, cette démarche peut être considérée comme louable, dans la mesure où elle permet d’éviter une augmentation de capital. De ce point de vue, on ne peut pas reprocher au board son initiative.
Mais là où ça coince, c’est la façon dont cette scission a été communiquée (vendue). Depuis le début, l’intérêt opérationnel a été vanté, alors que, de façon unanime ; personne, je dis bien personne, n’a compris la pertinence opérationnelle d’une telle démarche. Cela d’autant plus que c’est une démarche coûteuse et dont la création de valeur espérée demeure incertaine. Qui peut dire aujourd’hui le cours d’intro d’EVIDEN si aucun candidat ne se porte acquéreur d’une quote part avant mise sur le marché ?
Avec tout le respect pour Emijel (contributeur de qualité sur ce forum), ses tableaux de projections (très bien faits au demeurant), n’ont de valeur que si les données constitutives sont claires, transparentes, lisibles, bref, comprises de tous. Mais chez ATOS, à l’image du CMD, qu’avons-nous ? Des pourcentages, des ordres de grandeurs, mais pas des chiffres précis et vérifiables, car manquant de détails. Par exemple, que savons-nous précisément des contrats non profitables ? Quelle est la valeur exacte ? Quelles sont les pénalités ? Quand on dit non profitable, quelle est le montant des pertes ? Nous avons eu droit à un joli tableau … de pourcentages.
Ah mais attendez, on a les bilans et comptes de résultats. C’est intéressant oui, mais insuffisants sans les éditions détaillées. Après des années en finance, je peux dire qu’il est tout à fait possible de présenter 5 bilans différents, qui pourtant, seront tous exacts et acceptés par les commissaires aux comptes. Tout comme le dernier mois précédent la clôture, qui va faire naître pas mal d’OD (les initiés comprendront) afin de personnaliser le bilan en fonction du message que l’on veut faire passer au lecteur (la cible) concernée. C’est comme un CV, on le personnalise en fonction de la cible (l’entreprise) visée. Ce n’est en aucun cas de la fraude, pas du tout, c’est juste de l’affinage de présentation.
Ce travail admirable d’Emijel se trouve confronté à la même problématique des analystes, des institutionnels, des fonds de gestion… comment donner une valeur à l’entreprise et à ses 2 entités TFco et EVIDEN ?
Et c’est là où le board est à nouveau défaillant. On ne lui demande pas tous les détails, il ne s’agit pas de révéler des informations exploitables par la concurrence, mais il est indispensable qu’ils en disent suffisamment afin que tout à chacun puisse, de façon raisonnable, appréhender la vraie valeur de l’entreprise, et des ces 2 entités, TFco et EVIDEN.
C’est là aussi où le décalage du CMD d’EVIDEN après l’AG est extrêmement préjudiciable. Cela aurait du intervenir à une semaine d’intervalle, car crucial pour comprendre la valeur de l’ensemble ATOS en additionnant 2 valorisations de divisions.
Le cas Kretinsky est un bel exemple. Selon des tas de sources toutes plus proches les unes que les autres du dossier (le voisin du cousin de ma coiffeuse compris), ATOS devrait laisser du cash pour que l’homme d‘affaires reprenne l’entité TFco, ceci alors même que cette entité, annoncée en grand déclin, se révèle rentable, quand on y met une personne appréciée, que l’on a envie de suivre, et que l’on soit attentif à la rentabilité des contrats signés (chose qui dépasse l’entendement pour une ESN supposée apporter les outils aidant à une bonne gestion). Il n’y a pas mieux pour déstabiliser le marché, refroidir les institutionnels. Il ne s’agit pas de publier des démentis (ce serait une histoire sans fin), mais il s’agit de communiquer un peu plus avec quelques éléments permettant de comprendre les orientations générales des discussions en cours, sans pour autant compromettre la négo, ni son issue.
Quelles sont les options ?
Le 28 juin approche à grand pas. N’étant pas décideurs, nous ne pouvons émettre que des options possibles :
Concernant le Président, plusieurs options.
- Il peut annoncer sa démission à une date fixe et irrévocable, qui permet alors de travailler sereinement sur sa succession (une mesure sage et non déstabilisante, qui lui permet de partir « la tête haute »).
- Il peut s’accrocher à son poste, et miser sur un vote favorable. Une option à risque, sauf si, d’ici le 28 (plusieurs jours avant seraient mieux) ATOS nous sort une annonce très favorable avec par exemple, un accord de principe qui montre une vraie création de valeur avec quelque parti que ce soit, pour quelque entité que ce soit. C’est possible, mais pas l’option privilégiée, le manque de temps plaçant ATOS en position de faiblesse. En cas de vote défavorable, un intérim devra être assuré le temps d’élire un nouveau Président.
Concernant le board, révoquer les administrateurs de longue date n’est pas une mauvaise chose, afin d’apporter une nouvelle dynamique et de rompre le copinage de longue date entre administrateurs et président. Interviendra alors une recherche de nouveaux administrateurs pertinents, même si cela n’est pas une obligation (une équipe réduite fonctionne également) si les personnes visées n’apportent pas de valeur (et de grâce, plus de financiers…)
Concernant l’AG, une demande de report, motivée par les turbulences actuelles, et permettant de faire passer la CMD d’EVIDEN avant l’AG. C’est un moyen pour le président de gagner du temps et convaincre les actionnaires qu’ATOS se redresse enfin, ou au moins de permettre à tout le monde de se faire une opinion fondée sur l’ensemble des informations du groupe et non de la moitié uniquement.
Concernant Léo Apotheker, son passé récent ne plaide pas en sa faveur en tant que Président. Néanmoins, en tant qu’administrateur, ce peut être une option, même si d’autres candidats peuvent être plus à même de contribuer aux intérêts d’ATOS.
A titre complémentaire, concernant la scission, même si cela ne fait pas l’objet de l’AG et sera débattu pus tard, il est nécessaire de connaître les détails du CMD d’EVIDEN, et ainsi de disposer d’éléments comparatifs, entre la CMD 2022 et les CMD 2023. Mais ce n’est pas l’objet des discussions, car cela ne se produira pas avant le 28 juin, et nécessitera une démonstration de pertinence.
Alors, Juin 2023, nouveau mois du débarquement ?
POUR ETRE AUTOMATIQUEMENT AVERTI A CHAQUE NOUVEL ARTICLE PUBLIÉ SUR LE BLOG, inscrivez vous à la NEWSLETTER, y compris pour les membres du forum. L’ESPACE INSCRIPTION est sur page d’accueil en haut de la colonne de droite, juste sous le price-ticker de l’action (sur la version PC du blog). Vous pourrez vous désinscrire à tout moment.