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Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a indiqué que l’Etat n’investirait pas dans Atos. En revanche, il se dit prêt à protéger les technologies les plus sensibles. Notamment les supercalculateurs garants de la dissuasion nucléaire française.
Sur Atos, Bruno Le Maire a été clair. Très clair. Pas question de nationaliser le groupe numérique, ni de prendre une participation comme le réclament pourtant de nombreux parlementaires de droite comme de gauche ainsi que du Rassemblement national. « Je rappelle que Atos est une entreprise qui a bien entendu des activités très sensibles, d’autres qui le sont moins. Là, ma responsabilité n’est pas d’investir dans l’entreprise, c’est de protéger les technologies les plus sensibles. Elles seront protégées », a martelé le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, mercredi lors des Assises de l’Industrie 2023. Et là aussi, Bruno Le Maire a été également très clair en explicitant le terme « protégée » : ces technologies « resteront françaises ». C’est notamment le cas de l’activité des supercalculateurs indispensable à la dissuasion nucléaire française. Atos, qui est le seul constructeur européen de supercalculateurs, est le quatrième groupe mondial dans ce domaine.
« La bonne solution, ce n’est pas d’avoir l’État qui est au capital. Et je ne pense pas que la solution soit que, dès qu’il y ait une difficulté dans une entreprise privée, l’État monte au capital et dirige l’entreprise à la place des entrepreneurs, qui ont 1.000 fois plus de talent et 1.000 fois plus de connaissances pour le faire. La présence de l’État au niveau du capital d’entreprises se justifie lorsque l’activité est absolument stratégique et lorsque l’ensemble de l’économie est concernée, par exemple EDF. Dans ce cas-là, je n’hésite pas, notre président de la République a nationalisé EDF parce que derrière, il y a un intérêt général majeur », a précisé Bruno Le Maire.
Le ministre a également rappelé qu’il avait pris au cours des dernières semaines des décisions afin de protéger des entreprises françaises stratégiques qui intéressaient « des investisseurs, y compris de pays amis, comme les États-Unis », notamment dans la filière nucléaire, à l’image de Segault. « Et je n’ai aucune hésitation à le faire. Croyez-moi, ce n’est pas simple, parce que les pressions que vous ne voyez pas sont extrêmement fortes pour vous empêcher de prendre des décisions et d’appliquer le contrôle sur les investissements étrangers en France, a-t-il souligné. Je n’ai jamais eu la main qui tremble ».
Passe d’armes au Sénat
Cette déclaration n’a pas rassuré les parlementaires inquiets de l’avenir d’Atos, en très grande souffrance. Le président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Cédric Perrin, qui s’oppose à l’arrivée du milliardaire tchèque Daniel Kretínský dans le capital d’Atos, est monté au créneau mercredi après-midi lors des questions au gouvernement pour demander à l’État de s’impliquer dans ce dossier. Le ministre délégué chargé du numérique Jean-Noël Barrot lui a répondu en confirmant que le gouvernement n’était « pas favorable à la nationalisation d’Atos ». Et de faire valoir qu’une « telle décision ne réglerait pas les problèmes opérationnels et financiers de l’entreprise. Ce n’est pas de la tutelle de l’État qu’Atos a besoin mais bien de partenaires industriels et d’investisseurs ».
Le député PS et rapporteur spécial pour la Commission des finances Philippe Brun avait proposé le 25 octobre un amendement visant à la nationalisation temporaire de certains actifs stratégiques d’Atos – Atos Big Data and Cyber Securities (BDS) et Atos Worldgrid -, « dont la restructuration ne doit pas entraîner une perte de souveraineté. Il n’est pas concevable que nos supercalculateurs, qui définissent la trajectoire de nos missiles, passent sous pavillon étranger. Pour nous en prémunir, je vous proposerai de consacrer 390 millions d’euros à cette opération », avait-il expliqué.
Le ministre délégué a également rappelé qu’une prise de participation de 10%, comme celle de Daniel Kretínský dans le capital d’Atos (7,5%), « aura une influence très marginale sur la vie de l’entreprise ». Et de conclure que « le gouvernement est attentif à l’avenir d’Atos et à la garantie de la souveraineté numérique de la France ». La Direction générale de l’armement (DGA) et la Direction générale des entreprises (DGE) sont sur le pont pour s’assurer de l’avenir, l’autonomie et la souveraineté de cette entreprise. Une réponse insuffisante pour Cédric Perrin, qui a répliqué que le Sénat était contraint « d’exercer son devoir constitutionnel de contrôle dans l’affaire Atos ».
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