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Plus cher et moins performant sur le plan technique notamment, Atos a perdu une compétition à la loyale face à Hewlett-Packard et Orange, selon nos informations. En revanche, le ministère des Armées, conscient des lacunes rédhibitoires du groupe français en matière de supercalculateur « IA militaire » va rapidement lui proposer une feuille de route industrielle et technologique pour qu’il devienne compétitif. Et donner à la France, une souveraineté dans ce domaine
Atos a perdu un appel d’offres contre plus fort que lui, Hewlett Packard (HPE) et Orange. Un appel d’offres destiné à doter l’Agence ministérielle pour l’IA de défense (AMIAD) d’un supercalculateur IA militaire le plus rapidement possible. L’AMIAD était confrontée à une urgence opérationnelle avec le lancement de ce premier marché. Et il n’y a pas eu besoin de photo-finish de la part de la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (Dirisi), qui a géré la compétition, pour départager les deux candidats. Car, selon nos informations, le groupe français de technologies numériques était moins-disant en termes de prix d’achat (un écart de prix de l’ordre de 15% à 20%) et de maintenance, de performances techniques sur les caractéristiques clés (de deux à trois fois moins performant) et, enfin, de délais de livraison (plusieurs mois pour une livraison prévue en moins d’un an).
Sébastien Lecornu sur le grill
Le résultat de la compétition est certes cruel pour Atos mais la copie du groupe français est largement en deçà de celle de HPE/Orange. Ce qui a conduit la Dirisi a sélectionné le supercalculateur de HPE, doté d’une couche de soft sécurisée (cyber) fournie par Orange. Il en a informé, comme il se doit, le ministère des Armées. L’Hôtel de Brienne doit maintenant valider ou non ce contrat estimé à plus de 100 millions d’euros (entre 100 et 200 millions d’euros) alors que cette sélection a soulevé une vague d’indignation au sein de la classe politique, qui critique ce choix au nom de la souveraineté nationale.
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’attend d’ailleurs à être très rapidement interpellé sur ce dossier, certainement dès ce lundi après-midi lors de son audition par la Commission de la défense, qui doit l’entendre sur le budget 2025. Des questions très légitimes puisque ce matériel est très critique : les armées testeront l’IA embarquée dans les systèmes d’armes en maintenant un fort degré de protection. Les industries de défense pourront aussi l’utiliser et le nourrir avec leurs données.
Pas de recours d’Atos
Pour autant, le ministre risque de rappeler certaines évidences dont l’écosystème de l’IA est déjà familier. A commencer par la position hégémonique du groupe américain Nvidia en matière de puces GPU (Graphics Processing Unit) équipant les supercalculateurs. Il détient une part de marché d’environ 90% de marché mondial ouvert. Pour ce contrat, le groupe est d’ailleurs le fournisseur majeur de HPE mais aussi d’Atos en se taillant la part de lion (entre 50% et 70% de la valeur de la commande, selon plusieurs sources). Très concrètement, une puce GPU se vend à l’unité pour environ 40.000 dollars (soit de 6 à 20 fois plus cher qu’un processeur performant). La souveraineté passera d’abord par la constitution d’une filière de puces GPU à l’échelle européenne. Ce qui est loin d’être gagné.
En outre, tous les personnels approchant ce supercalculateur, installé dans la forteresse du Mont-Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine), devront être habilités par le ministère des Armées « très secret ». En clair, il faudra montrer patte blanche pour installer ce supercalculateur classifié, puis s’occuper de son maintien en condition opérationnelle (MCO). Ce supercalculateur, dont Orange s’occupe de la partie la plus souveraine, sera « le plus gros calculateur dédié à l’IA et classifié en Europe ! », avait expliqué en mars dernier le ministre dans une interview accordée aux Échos. Le supercalculateur pourra aussi être utilisé par les entreprises de la base industrielle et technologique de défense.
Enfin, Atos, qui avait quinze jours pour déposer un recours, ne devrait pas y recourir, selon nos informations. Il ne l’a d’ailleurs pas fait à ce stade. Pas question de se fâcher avec l’État, l’un de ses clients majeurs même si le coup reçu a été rude à encaisser. Le groupe français continue néanmoins de s’interroger sur le prix proposé par HPE, dont il soupçonne de ne pas gagner de l’argent avec ce contrat mais avec l’ambition d’arracher une référence commerciale emblématique en France face à Atos. A voir… Le groupe français peut quant à lui s’enorgueillir de ses succès récents comme la fourniture d’un supercalculateur au GENCI (Grand Équipement National de Calcul Intensif) et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) mais aussi à Airbus et EDF.
L’État prêt à soutenir Atos
Cette compétition a été toutefois un révélateur cinglant pour l’État : Atos n’est pas performant en matière de supercalculateur IA. Aussi, le ministère a l’ambition de bâtir le plus vite possible un plan de politique industrielle et technologique pour aider Atos à devenir plus compétitif et, par conséquent, à créer un acteur français pour des questions de souveraineté dans ce domaine. Car dans deux ans environ, il faudra changer le supercalculateur de HPE et Orange, qui sera dépassé. L’AMIAD sera dotée de 300 millions d’euros par an sur toute la loi de programmation militaire (LPM), qui couvre la période 2024-2030, pour mener à bien sa mission.
Dans le cadre de la LPM, l’objectif poursuivi du ministère des Armées à travers le développement de l’IA est de s’assurer que « les armées puissent traiter de façon autonome le flux de données apporté par les capteurs dont elles disposent et qu’elles consolident ainsi leur capacité d’appréciation des situations stratégiques et tactiques ». Pour rappel, la loi de finance pour 2024 doit consacrer 130 millions d’euros à l’IA de défense. Un budget qui sera doublé d’ici à la fin de la LPM, qui prévoit un total de 2 milliards d’euros dédiés à l’IA. En 2026, près de 800 personnes travailleront sur l’IA au ministère des Armées.
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