Voici un article fleuve plutôt intéressant du controversé et nébuleux micro-site d’information « Blast ». Logiquement intéressant car plagié sur le blog pour 50% du contenu. C’est plutôt une reconnaissance d’être plagié et prouve si besoin est la pertinence des contenus du blog.
Blast a aussi sollicité un entretien téléphonique avec le blog qui a duré presque 2 heures.
-COPYRIGHTS PARTIELS BLAST-
Le navire Atos menace de sombrer avant l’été. En charge de l’informatique des JO, de la Sécu, des impôts ou des centrales nucléaires, le groupe jadis symbole du génie national ploie sous un océan de dettes (4,8 milliards). Les principaux responsables s’appellent Breton, Mustier et Meunier, patrons surpayés multipliant les fautes, et un aréopage de conseillers, repreneurs et administrateurs, dont un ex-Premier ministre (Edouard Philippe) avide de jetons de présence. Blast a enquêté sur les causes et les responsabilités de ce sabordage. A tout seigneur tout honneur, ce premier volet ouvre sur les têtes d’affiche.
Une marche après l’autre, Atos, le géant français de l’informatique, le fleuron tricolore aux 100 000 employés (dont 10 000 en France), le mastodonte aux 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, continue l’escalier de la crise. Dans une dégringolade qui semble sans fin.
En février dernier, l’entreprise de service numérique (ESN) dont le siège est à Bezons (Val-d’Oise) avait d’abord obtenu du tribunal de commerce de Pontoise l’ouverture d’un mandat ad hoc confié à Hélène Bourbouloux, l’administrateur judiciaire la plus sollicitée quand un dossier devient explosif – elle était au chevet de Rallye Casino, d’Orpea, de FagorBrandt, etc.. Puis le 26 mars, Atos est entrée en procédure de conciliation amiable avec ses créanciers. A charge pour le groupe de trouver un accord avec les banques et détenteurs d’obligations d’ici l’été. Une négociation qui promet d’être ardue.
Ce mardi 9 avril, la direction a tombé le masque en annonçant son objectif d’obtenir l’effacement de la moitié de ses 4,8 milliards d’euros de dette. Précisant qu’elle avait besoin de 1,2 milliard de liquidités et lignes de crédits supplémentaires pour traverser 2024-2025 sans chavirer.
Des JO à la sécu, en passant par les centrales
En gros, le plan est à prendre ou à laisser. Dans le cas contraire, dernier stade de la descente aux enfers, une procédure de sauvegarde accélérée pourrait être ouverte. L’obtenir permet de se passer dans l’urgence de l’avis des actionnaires et d’une partie minoritaire des créanciers, pour mettre en œuvre un plan de restructuration. Comme dans les dossiers Orpea et Casino.
Le temps est compté : 3,65 milliards sont à rembourser d’ici la fin 2025. Et le dossier s’avère particulièrement épineux. Si Atos n’a pas la renommée d’un Gap, d’un Gifi ou d’un Casino, des marques populaires disparues ou en péril, son activité accompagne discrètement notre vie quotidienne, tout en assurant une certaine forme de souveraineté nationale. C’est elle, entre autres, qui gère les services de la carte Vitale, des pièces d’identité, qui assure la gestion des services de la CNAM, de l’Urssaf, de FranceConnect, du logiciel des compteurs Linky ou encore du système de régulation SNCF.
Ainsi, c’est Atos qui pilotera aussi cet été toute l’infrastructure numérique des JO de Paris – les accréditations, la cybersécurité, les résultats en temps réel… Encore plus explosif, le groupe intervient dans le contrôle machine des centrales nucléaires françaises et ses supercalculateurs servent à la simulation des essais (nucléaires). Autrement dit, l’entreprise occupe une place essentielle, au cœur de notre système de dissuasion.
Ballotage défavorable
Impossible, dans ces conditions, de laisser le soldat Atos se noyer. En échange d’un prêt de 50 millions d’euros, l’État a obtenu un droit préférentiel d’acquisition de ses activités les plus sensibles. En somme, un éventuel repreneur – par exemple étranger – pourra être bloqué par la puissance publique, qui conserve en dernier recours l’option de nationaliser une partie des services d’Atos. Un garde-fou, mais qui intervient bien tard pour rompre avec la passivité des autorités de contrôle et le manque d’anticipation devant la déshérence de la société.
Depuis deux ans, l’entreprise est ballotée, de droite et de gauche, sans qu’aucun projet industriel clair n’émerge. La dernière solution en date, échafaudée par la direction, proposait de céder les activités historiques et déclinantes de l’infogérance (gestion des tâches informatiques et des serveurs d’une entreprise cliente) au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Le même qui a repris Casino. Les activités hautement stratégiques, quant à elles, auraient été transférées à Airbus.
Ces scénarios ont échoué, replaçant au centre des préoccupations le niveau d’endettement.
Mais cette montagne de dettes n’est que le symptôme de la mauvaise gestion des dernières années, entre acquisitions d’entreprises peu rentables et revirements stratégiques incessants. En trois ans, la capitalisation en Bourse d’Atos est passée de 7 milliards à 230 millions d’euros.
Pour comprendre et éclairer ce plongeon dans les limbes, il faut se pencher d’abord sur l’action de ses plus hauts dirigeants.
1 Thierry Breton : entre mégalomanie et boulimie
A-t-il laissé des cadavres dans les placards ? C’est la question que tout le monde se pose, s’agissant de l’héritage laissé par Thierry Breton, à la tête d’Atos de 2008 à 2019.
Quand il en prend les commandes, la société informatique (on parlait alors de SSII, aujourd’hui d’ESN) joue en deuxième division. Bien trop petite à vrai dire pour l’ex-ministre de l’Économie, devenu prof à Harvard, en attendant mieux.
A défaut de trouver un poste à sa mesure, super Breton va faire grandir Atos démesurément. Avec son entrée au CAC 40, en ligne de mire ? Quoi qu’il en soit, le PDG mène une politique d’acquisition résolue. Il lui faut seulement six ans pour plus que doubler le chiffre d’affaires, de 5 à 12 milliards d’euros, tandis que les effectifs grimpent à 112 000 personnes.
En 2011, l’actuel commissaire européen au marché intérieur met d’abord la main sur Siemens IT pour créer un « Airbus du numérique » – un mastodonte de 70 000 salariés. En 2014, il jette son dévolu sur le français Bull, champion des supercalculateurs. Il enchaîne avec Xerox ITO, la filiale informatique du géant américain des photocopieuses, qui emploie 9 500 personnes.
Quand j’ai quitté Atos, le groupe était leader
Au sujet de ces acquisitions, les mauvaises langues assurent que personne ne voulait de Siemens IT, et guère plus de Xerox IT. Toutes deux étaient sur des métiers vieillissants, lestés d’ingénieurs grassement payés. Alors, quel est le bilan de ces emplettes ? Difficile de trancher, tant les avis divergent.
A entendre Breton, le groupe était florissant lorsqu’il est parti à Bruxelles rejoindre la commission. « Quand j’ai quitté Atos, le groupe était leader dans beaucoup de domaines : cybersécurité, supercalculateur, cloud », se défendait-il en janvier devant la mission d’information créée par le Sénat. Un plaidoyer que son ancienne garde rapprochée a aussi entonné dans un texte publié par La Tribune, en octobre 2023. « Zéro dette nette », « une marge opérationnelle dépassant les 10% », plusieurs places de « numéro 1 européen », opposent ces anciens du Comex à « l’histoire racontée » « à la une des journaux ». A les entendre, tout allait bien dans le meilleur des mondes possible. Les mêmes contestent la thèse d’une croissance boulimique mal digérée. « On avait une machine de guerre pour réussir l’intégration », assure encore à Blast Jean-Marie Simon, l’ancien patron France d’Atos.
Après Breton, le déluge… de dépréciation
Et pourtant… Dans les trois années qui suivent le départ de son emblématique PDG, Atos déprécie ses actifs pour la modique somme de 4,4 milliards d’euros : 1,9 milliard d’euros sous l’éphémère direction de Rodolphe Belmer (parti ensuite diriger TF1) et 2,5 milliards supplémentaires en mars dernier. Concrètement, cela signifie que le groupe informatique, tout « florissant » qu’il soit, a acté dans ses comptes que la valeur réelle des entreprises acquises était bien moindre que ce que son bilan avait inscrit. Un rectificatif concédé avec beaucoup de retard, estiment certains. Autre signe que la maison n’était pas en aussi bonne santé, Atos a fortement taillé dans ses effectifs, ces derniers mois : 2 000 départs en 2022, 6 000 en 2023 et encore 2 000 prévus cette année.
« Ces acquisitions nous ont permis d’avoir une dimension mondiale mais en même temps cela a donné naissance à une très grande structure, complexe et difficile à comprendre pour nos clients », commente Nourdine Bihmane, DG adjoint du groupe jusqu’en mars.
Expansion mondiale, payée cash
Tout le monde s’accorde au moins à dire que l’acquisition en 2018 de Syntel aux Etats-Unis a été surpayée. Ultra rentable avec près de 20% de marge, cette boîte active dans les domaines du cloud, des réseaux sociaux ou de l’analyse de données avait l’essentiel de ses équipes à Bangalore, en Inde (17 000 salariés sur 23 000). L’idée, pour Atos, était d’accélérer dans l’offshoring pour abaisser sa base de coûts. Soit. Mais est-ce que cela valait vraiment 3 milliards d’euros, soit 50% de la capitalisation boursière d’Atos à l’époque, payés cash de surcroît ?
Entrée dans le giron d’Atos, la pépite Syntel s’est révélée un peu moins brillante qu’espérée, marge et chiffre d’affaires s’érodant. Pour se désendetter après l’opération, le groupe français a ensuite cédé, en octobre 2019, puis février 2020, des actions de sa filiale cotée Worldline, le spécialiste des moyens de paiement électronique, estimant cette activité loin de son cœur de métier.
De fait, la dette est retombée à presque zéro au moment du départ de Thierry Breton. Du moins la dette nette, c’est-à-dire la dette totale de l’entreprise moins la trésorerie disponible. Or Atos a depuis grillé beaucoup de cash et la dette (emprunts et émissions obligataires) est restée. Celle laissée par Breton. Celle aussi contractée, par la suite : Atos a encore procédé à 9 acquisitions en 2020 et 11 en 2021, certes de moindre envergure, dans la cybersécurité (SEC Consult, digital.security), le cloud (Edifixio), l’intelligence artificielle (le cabinet de conseil Miner & Kasch) et le conseil numérique (Eagle Creek, Ecoact).
2,3 milliards de dividendes, 45 millions pour le patron
Pour réduire sa charge financière, Atos ne s’est pas contentée de vendre ses parts dans Worldline. Pour calmer les marchés boursiers en mai 2019, alors que l’action dévissait – elle était encore autour de 70 euros contre 1,9, fin mars 2014 -, l’ESN a offert, quelques mois plus tôt, 23 % du capital de Worldline à ses actionnaires : 2 actions Worldline données pour 5 actions Atos détenues. Un dividende en nature, autrement dit un cadeau de 2,3 milliards d’euros aux actionnaires qui aurait pu être, au moins en partie, utilisé pour restructurer les activités en déclin du groupe.
Thierry Breton a lui-même bénéficié de l’opération. Soucieux d’éviter tout conflit d’intérêts (ou de couper rapidement les ponts), le commissaire européen a cédé en partant ses 104 734 actions Worldline en plus de ses 579 705 actions Atos. Il est ainsi parti l’esprit tranquille et les poches pleines : 45 millions d’euros bruts, une vingtaine de millions encaissés après impôt. Sans compter sa retraite chapeau financée par le groupe, de 711 000 euros par an selon le Canard enchaîné.
Il ne rentre pas dans le détail de l’opérationnel
Dans l’examen de l’héritage Breton, il convient d’ajouter un dernier élément : on lui reproche aussi d’avoir tardé à prendre le virage du cloud, dominé par Amazon, Microsoft et Google. L’ancien ministre de Jacques Chirac aurait estimé que les grandes entreprises et les administrations ne renonceraient pas au contrôle de leur parc informatique par un prestataire comme Atos (on parle d’infogérance ou de cloud privé) en mettant leurs données dans le cloud public. « Ce virage, sans doute tardif, impliquait une restructuration des centres obsolètes d’infogérance », observe Frédéric Sebag, le président du groupe Open, partenaire d’Atos sur certains contrats.
Un bon connaisseur de l’entreprise s’essaye à une forme de synthèse : « Breton est un excellent stratège. Mais il ne rentre pas dans le détail de l’opérationnel. Pour cela, il faut être entouré de bonnes équipes car, dans nos métiers, une entreprise peut basculer très vite du mauvais côté. »
A tout le moins, on peut reprocher à Thierry Breton d’avoir très mal préparé sa succession. Il est vrai que la France poussait initialement la candidature de Sylvie Goulard à la Commission européenne : Breton, c’était le plan B.
2 Bertrand Meunier : l’héritier catastrophe
Chez Atos, il y a un vrai « discount Meunier ». Ce tacle, ce n’est pas un observateur lambda qui le prononce en juin 2023 mais Leo Apotheker, l’ancien PDG d’Hewlett-Packard et de SAP. Le point de vue de ce ponte du secteur informatique n’est pas tout à fait désintéressé : il brigue alors la présidence du groupe français, soutenu par le fonds d’investissement Sycomore AM, détenteur de 2% du capital. Mais la charge est aussi inhabituelle que largement partagée.
La valse des DG
Apotheker n’est en effet pas le seul à dénoncer le mandat catastrophique de celui que Thierry Breton a poussé à la présidence, après son départ. Bertrand Meunier est certes un X Mines, mais ce pur financier ne connaît pas grand-chose au numérique. Passé par divers fonds d’investissement, comme PAI Partners et CVC Capital Partners, le nouveau président d’Atos a passé sa vie à monter des deals mais n’a jamais dirigé de grande entreprise. Or ce polytechnicien de 63 ans, présenté comme obtus et sourd à toute critique, ne s’est pas cantonné à son rôle de président du conseil d’administration. Il s’est rêvé en PDG, rognant les ailes de ceux qui étaient chargés de piloter l’entreprise. Résultat, en trois ans, Atos a connu six directeurs généraux successifs.
L’énumération donne la mesure du jeu de massacre : en septembre 2021, Elie Girard, choisi par Thierry Breton, est remplacé à titre intérimaire par Pierre Barnabé ; en janvier 2022, arrive Rodolphe Belmer, qui démissionne dès juillet – il a touché 1,8 million d’euros pour six mois de boulot -, remplacé par le duo Nourdine Bihmane / Philippe Oliva ; puis, en novembre 2023, M. Bihmane cède son siège à Yves Bernaert, lequel s’en va dès janvier 2024 au profit de l’installation d’un nouveau duo, Paul Saleh / Carlo d’Asaro Biondo…
Le règne des banquiers d’affaires
Durant ses presque quatre ans de présidence, Bertrand Meunier a échafaudé toutes sortes de scénarios, conseillé par des banquiers d’affaires supposés les meilleurs de la place – de David Azéma (Perella Weinberg Partners) à Grégoire Chertok (Rothschild & Co), en passant par Jean-Marie Messier. Bilan de ces plans successifs et tous avortés : une action qui a chuté de 90% et une marge opérationnelle réduite à 4 %.
Dans pareille situation, il est d’usage de charger l’héritage laissé par son prédécesseur. Meunier ne s’en est pas privé, invoquant « une sélectivité discutable ou insuffisante » des acquisitions réalisées sous l’ère Breton. Seulement, voilà : le même Bertrand Meunier a siégé durant quinze ans au conseil d’administration d’Atos, et a même été président de son comité des comptes de 2015 à 2020, autrement dit celui qui supervisait l’audit. Difficile de se dédouaner dans ces conditions.
Plaintes, fronde et démission
Mi-octobre, face à un tir groupé d’actionnaires minoritaires et de représentants des salariés contre son projet de découpage du groupe – les opposants ont réuni 34% des voix en AG pour réclamer son départ –, Meunier a fini par jeter l’éponge. Une affaire soldée par un sobre communiqué dans lequel le partant se dit « heureux de céder la Présidence du Groupe à Jean-Pierre Mustier », son successeur. Par ailleurs, deux actionnaires minoritaires, les fonds Alix AM (1) et Ciam, ont porté plainte contre X devant le Parquet national financier (le PNF).
L’un pour corruption active et passive, l’autre pour informations fausses et trompeuses.
Le remplaçant de Meunier ? Un proche et encore une fois un financier ! Le banquier Jean-Pierre Mustier, ancien patron d’Unicredit, est surtout connu pour avoir été chargé de déboucler les positions acrobatiques de Jérôme Kerviel à la Société générale.
Le messager a sauté
« Le messager a sauté mais le message reste le même », a commenté Catherine Berjal, la présidente du fonds activiste CIAM, sur cette arrivée. Mustier, pas plus que son prédécesseur, n’a réussi à mener à bien les négociations avec Airbus ou avec Daniel Kretinsky. Pis, peu avant que les discussions avec le milliardaire tchèque (en blanc ?) ne capotent, fin février, Mustier n’était pas au bureau mais… sur la mer.
Comme l’a révélé le blog Atos.bourse.blog, le nouveau président avait programmé de participer à la Rorc Transatlantique Race. Une course en équipage qui l’a mobilisé presque tout le mois de janvier, entre les Canaries et les îles Grenadines, aux Antilles. Faut-il activer la balise de détresse ?
3 Les administrateurs : fantômes et fantoches
Le croira-t-on ? Parmi les 13 administrateurs d’Atos, c’est à peine si l’on comptait ces derniers mois 3 représentants pouvant revendiquer une bonne connaissance des métiers du numérique. Par ailleurs, plus de la moitié des membres du conseil d’administration étaient et restent de nationalité étrangère, et donc de fait moins viscéralement attachés à l’histoire d’un groupe qui prend ses racines en France. Enfin, certains d’entre eux siègent depuis 14 ans et sont pourtant encore qualifiés « d’indépendants ».
Chambre d’enregistrement
On comprend dans ces conditions que le conseil n’ait été qu’une chambre d’enregistrement des décisions hiératiques de son président. Illustration la plus flagrante : le 1er août 2023, dans la torpeur de l’été, Atos annonce être entrée en négociation exclusive avec Daniel Kretinsky pour lui céder Tech Foundations (TFCo), la branche d’infogérance (maintenance des parcs informatiques des clients). La veille, un conseil d’administration (CA) a été convoqué en catastrophe pour approuver ce plan aux contours flous. Lequel CA avait été réélu en assemblée générale un mois plus tôt sans que ce sujet majeur ne soit présenté aux actionnaires, pas plus que n’avait été évoqué l’augmentation de capital massive envisagée pour l’autre branche du groupe, Eviden, qui regroupe les activités de cybersécurité, cloud, ou encore big data.
Graves préoccupations quant à la transparence et l’intégrité
Au sein du conseil, seul l’Anglais Vivek Badrinath, DG de Vantage Towers (antennes relais 4G et 5G), a voté contre ce plan Kretinsky. Dans la foulée, il a rendu son fauteuil. Un autre administrateur a néanmoins fait connaître son opposition à ce projet de scission. Ancien patron de Morgan Stanley France, René Proglio présidait alors le comité des comptes d’Atos. Pas de chance, il n’a pu participer au vote du 31 juillet 2023 : il était dans l’avion, en vol vers la Chine.
Une mauvaise manière de Bertrand Meunier ? On ne sait. Mais ces méthodes à la hussarde ont provoqué l’ire des actionnaires. En particulier des petits porteurs réunis au sein de l’UDAAC (l’Union des actionnaires d’Atos constructifs) : le 13 octobre, Sophie Vermeil, l’avocate de l’association, envoie une lettre au vitriol aux administrateurs, dénonçant un « comité des comptes qui refuse de jouer son rôle de contrôle ».
« La conduite de votre conseil d’administration soulève de graves préoccupations quant à la transparence et l’intégrité de vos actions », poursuit Me Vermeil, demandant la tenue d’une AG exceptionnelle pour renouveler le conseil.
Edouard Philippe, bien traité
René Proglio, déjà en retrait, a finalement quitté le conseil en janvier 2024. Non sans avoir au préalable adressé un courrier à l’Autorité des marchés financiers (l’AMF), dénonçant à son tour « des dysfonctionnements graves dans le fonctionnement du conseil ».
Au final, c’est toute la place financière de Paris qui s’est trouvée abîmée par cette cacophonie, la responsabilité des administrateurs et présidents, pourtant garants de l’intérêt social de l’entreprise, n’ayant à ce jour jamais été engagée. Au passage, on peut se demander quel rôle a joué l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui a siégé au CA de septembre 2020 à mai 2023. Le maire Horizons du Havre a du pourtant être très assidu dans son suivi de l’entreprise : il a été rémunéré à plus de 70 000 euros par an quand l’indemnisation fixe annuelle des administrateurs était fixé à 20 000 euros de part fixe et 2 500 euros de part variable, par réunion « à laquelle l’administrateur assiste », selon le document universel d’enregistrement d’Atos. Ce qui fait, à ce tarif, plus d’une vingtaine de symposium par an…
Cherche actionnaire référence désespérément
L’absence d’actionnaire de référence a, bien sûr, contribué à ce désastre. Le conglomérat allemand Siemens était l’actionnaire le plus important, avec 11 % du capital, jusqu’en 2023. Mais celui-ci ne s’est jamais vraiment investi dans la gouvernance du groupe français. Par ailleurs, aucun autre actionnaire ne possédait plus de 5 % des actions. Si bien que 90 % de son capital est flottant.
Un actionnaire est sorti du bois ces derniers mois : David Layani (2). Le patron de la petite société informatique Onepoint, monté à 11,4% du capital, a l’ambition de fédérer autour de lui un plan de reprise de l’ensemble du groupe. Il vient de recevoir le soutien de la société d’investissement Warren Butler et espère convaincre certains créanciers de participer à une augmentation de capital. L’occasion d’enfin mettre de l’ordre dans la maison Atos, de sauvegarder ce qui peut encore l’être et surtout rassurer quelque peu les investisseurs, clients et clientes.
Layani va devoir démontrer ses talents, s’il veut réussir. Au-delà des lubies de ses dirigeants, le géant français a été plombé depuis des années par une communication désastreuse, un manque de vision stratégique à long terme et la passivité de l’État. Une déliquescence par la tête qui a fini par se répercuter sur l’outil industriel lui-même.
(1). Contrôlé par l’homme d’affaires Hervé Vinciguerra.
(2). Le nom de cette étoile montante des affaires, très en vogue en Macronie, est célèbre depuis sa mise en examen en octobre 2021 pour « escroquerie en bande organisée » et « complicité de subornation de témoin » dans l’affaire de la vraie-fausse rétractation de Ziad Takieddine. Le sulfureux intermédiaire franco-libanais – qui accuse Nicolas Sarkozy d’avoir financé sa campagne de 2007 avec l’argent de Kadhafi – avait été l’objet d’une opération insensée aboutissant à la publication/diffusion (dans Paris-Match et sur BFM) de ses fausses rétractations en 2020. L’équipe de pieds nickelés (dont l’inénarrable Mimi Marchand) qui l’a menée était selon les soupçons de la justice financée par David Layani.
Crédits photo/illustration en haut de page :
Diane Lataste
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Afin de ne pas déstabiliser la société, cette action ne visera ni Atos, ni ses dirigeants ou ex-dirigeants, mais uniquement ses auditeurs (commissaires aux comptes) en particulier DELOITTE supposé être le n°1 mondial de l’audit, mais que l’UPRA soupçonne avoir été très complaisante vis-à-vis d’Atos avec les règles comptables en vigueur, et leur reproche d’avoir fait manquer une chance aux actionnaires de ne pas acheter l’action quand elle était surcotée vis-à-vis de sa réelle valeur et d’avoir fait manquer une chance d’avoir vendu, quand la société s’effondrait et que la comptabilité ne reflétait pas cet effondrement, en particulier une absence totale de dépréciation d’actifs en 2022.
Je rappelle qu’à la publication d’un jugement qui dirait le contraire, Deloitte est supposé avoir certifié les comptes d’Atos de manière totalement sincère, et l’avis exprimé ci-dessous est l’avis de l’UPRA uniquement et reste à l’état de soupçons tant que nos preuves n’auront été validé par un juge.
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