Atos : la charge de Léo Apotheker, l’homme qui convoite la présidence (LE FIGARO)

Avec la candidature de ce vétéran de l’industrie tech, Sycomore AM entend contribuer à injecter plus d’expertise du secteur technologique et numérique. «Je trouve aberrant que le conseil d’Atos n’ait pas au moins un tiers de ses membres qui comprennent vraiment les métiers et les technologies. Il faut faire rentrer les talents nécessaires», ajoute Léo Apotheker.

Ma carrière et ma réputation sont faites, je m’engage par devoir moral devant ce naufrage

Léo Apotheker

«Le conseil d’administration dispose des compétences et expertises utiles aux défis d’Atos et pour assurer le retour à la création de valeur», rétorque-t-on chez Atos, qui a nommé mi-mai deux nouveaux administrateurs indépendants, Jean-Pierre Mustier (ex Unicredit et fonds Pegasus) et Laurent Collet-Billon (direction générale de l’Armement). Et d’attaquer Léo Apotheker en s’interrogeant sur ses «antécédents» à la tête de SAP et de HP et sur un possible conflit d’intérêts avec sa fonction d’administrateur de la société israélienne Nice Ltd.

«Ceux qui avancent cet argument ne connaissent rien aux activités de Nice Ltd, rétorque l’intéressé. Il n’y a aucune activité dans la cybersécurité et donc, à ma connaissance, aucun conflit d’intérêts avec Atos. Ma carrière et ma réputation sont faites, je m’engage par devoir moral devant ce naufrage. Il faut bien s’engager pour redonner à ce groupe ses lettres de noblesse. Voir un fleuron comme Atos, avec ses activités technologiques de pointe, mettre dans une situation de danger aussi bien la souveraineté française que ses employés et ses clients, c’est inadmissible.» Les talents sont, selon lui, une priorité: «Le premier rôle du Président du conseil doit être de travailler avec les équipes et les autres administrateurs pour créer une vision qui permette de retenir les talents et en attirer d’autres. Ce serait donc une priorité si j’en devenais Président.»

Seuil des 3% franchi

Depuis le début de l’offensive de Sycomore AM, Atos dénonce le risque de créer de l’instabilité en pleine période de mise en œuvre du plan de transformation stratégique. Ce plan prévoit de scinder les activités d’Atos en deux entités distinctes, avec d’un côté les activités historiques d’infogérance (TechFoundations), de l’autre celles en forte croissance regroupées au sein d’Eviden (supercalculateurs, cybersécurité, cloud…).

La crainte d’une déstabilisation d’Atos est un argument qui résonne chez plusieurs actionnaires, et complique la croisade de Sycomore AM. Le gestionnaire d’actifs a franchi lundi le seuil de 3% du capital d’Atos dans le cadre d’une action de concert. Les deux parties s’accordent sur un point: les premières actions du plan stratégique commencent porter leurs fruits plus vite que prévu, en termes d’économies et de redressement de la branche historique. «L’équipe de management actuellement aux commandes me semble très compétente. Nous allons l’aider à travailler mieux» souligne Léo Apotheker.

Quand on réalise des cessions avec le couteau sous la gorge, le rapport n’est jamais favorable au vendeur, et Daniel Kretinsky l’a bien compris

Cyril Charlot, associé-fondateur de Sycomore AM

La convergence de point de vue s’arrête là. Alors que le conseil actuel mène des négociations approfondies avec Daniel Kretinsky pour lui vendre Tech Foundations, Sycomore AM estime qu’il n’y a pas d’urgence, car Atos n’est pas soumis à la même pression financière que Casino, lui aussi en pourparlers avec le milliardaire tchèque. «Avant de se précipiter à vendre, il faut se donner le temps pour réfléchir au découpage le plus adéquat des activités et optimiser la valeur créée pour toutes les parties prenantes. Nous avons le temps nécessaire pour faire ce travail en profondeur, avec un conseil transparent et professionnel» estime Léo Apotheker. «Quand on réalise des cessions avec le couteau sous la gorge, le rapport n’est jamais favorable au vendeur, et Daniel Kretinsky l’a bien compris. Nous pensons qu’Atos a le temps et de retarder le plan de cession serait plutôt une bonne nouvelle» insiste Cyril Charlot.