ATOS : le silence est d’or, mais l’argent est rare (Article-blog)

Par EURO17.

Certains diront que la critique est facile, mais l’art est difficile.

Malheureusement, suite aux récentes infos divulguées par BFM (un support média de masse à la fois audiovisuel et écrit), exacerbées par des communiqués officiels qui s’apparentent plus à des joutes dignes du Moyen Age (… ou de cour de récréation, selon la noblesse que l’on accorde aux propos), il est navrant de devoir dresser à nouveau un constat déplorable et amer du Conseil d’Administration, cette fois dans sa stratégie de communication, incapable qu’il est d’en exploiter les finesses et rouages.

Publié le 15/06/2023 à 18h30, par Euro17, notre membre d’excellence, très prolixe à l’approche de l’AG. Nul ne s’en plaindra, mon français n’ayant pas de commune mesure avec le sien (Map). 

 

L’art (pardon, le piètre art) de laisser parler les autres à sa place

Quelques heures avant le CMD de TFco, BFM nous a fendu d’un communiqué pour le moins déstabilisant, indiquant qu’ATOS devrait « mettre au pot » pour céder TFco,

Pendant près de 4 heures, durant ce CMD, nous avons eu droit à un message tendant à dire que TFco se redresse, à la fois mieux et plus vite que prévu, le tout, avec 300 millions d’économie par rapport au plan initial.

Cela s’annonce pas mal me direz-vous, mais, quand un des journalistes, présent au CMD, demande à Nourdine Bihmane des précisions sur les discussions (évoquées par BFM) entre Atos et Kretinsky, c’est silence radio.

À la suite de ce CMD, lorsque la presse écrite, interroge Nourdine Bihmane sur ces discussions avec Kretinksy, nous avons droit à des réponses laconiques :

  • « Il y a de l’intérêt là où il y a de la valeur« .
  • « le conseil d’administration et son président étudient toutes les marques d’intérêt pour Tech Foundations«

Cependant, une nuance apparaît lorsqu’il est interviewé en direct sur Bloomberg. Après avoir poliment décliné tout commentaire sur les discussions avec Kretinsky (un sujet vraiment important qui focalise toutes les attentions tant en France qu’à l’étranger), Nourdine Bihmane confirme qu’il y a plusieurs marques d’intérêts pour TFco, sans pour autant en dire plus.

On ne peut que saluer les efforts et l’engagement de Bihmane sur ces derniers mois et lors du CMD. Et on peut comprendre tout autant la frustration qu’il témoigne peu après dans les Echos lorsqu’il indique que « c’est très frustrant pour les équipes. Le marché a réagi à des rumeurs plutôt qu’à un plan stratégique« .

Mais ce que l’on ne peut pas comprendre, c’est le silence du Président et du Conseil d’Administration.

Oui, on ne peut commenter toutes les rumeurs incessantes, ce serait une histoire sans fin, oui, on ne doit pas communiquer à tout va (le silence est parfois d’or), mais là, c’est autre chose.

  • Nous sommes à quelques semaines de l’Assemblée Générale, au combien sensible au regard des ces dernières années d’errance,
  • Nous avons un fonds et quelques actionnaires « frondeurs » qui sont montés au créneau afin de manifester leur mécontentement, au point de faire inscrire des résolutions radicales et qui seront soumises au vote lors de cette AG,
  • Nous avons un Nourdine Bihmane, et ses équipes (toutes ces personnes de l’ombre) qui se démènent pour redresser TFco, et qui en arrive à s’épancher dans la presse (presque en en s’excusant vis à vis de ses équipes) en exprimant de la frustration en raison d’une « rumeur » qui annihile ces efforts fournis, vue la réaction frileuse du marché et du cours de bourse après le CMD.

« Qui ne dit mot consent« , ce célèbre adage d’héritage socratique, (qui doit résonner sans nul doute encore plus aux oreilles de Lamaban et Watchkeeper, car repris même parfois encore aujourd’hui à la cour du Quai de l’Horloge) est une triste réalité que le Conseil d’Administration vient d’appliquer ici.

Bien sûr, il n’est pas question de détailler heure après heure, l’avancée et les évolutions de discussions en cours et que la confidentialité des affaires impose, encore plus lors d’étapes préliminaires.

Mais il est inconcevable de ne pas apporter un minimum de clarifications lorsqu’une communication, une rumeur de BFM s’apparente à une « arme de déstabilisation massive » au point que Nourdine Bihmane, en vient lui-même à laisser transpirer dans la presse, avec la pudeur qui le caractérise, sa frustration et celle de ses équipes.

Quelle a été la réponse du Conseil d’Administration ? Un silence assourdissant !  Au-delà de cet oxymore, il n’y a rien à dire, car justement, rien n’a été dit, rien n’a été communiqué.

Plus désolant encore, est l’absence de soutien public apporté à Bihmane, qui, si on y prête attention, vient justement d’envoyer un message à son Conseil d’Administration. C’est bien la première fois que Nourdine Bihmane s’exprime de cette façon. Cela démontre que cette rumeur et la situation qui en découle l’affecte tout particulièrement, ainsi que ses équipes.

Il (et on) était en droit d’attendre une réaction officielle du Board. Mais non, pas une réplique, pas un mot. Mais en revanche une belle contradiction entre un CMD plutôt positif et un communiqué BFM peu engageant.

Il est coutume de dire qu’il faut choisir ses batailles, je dirais plutôt qu’il faut gérer son temps, son énergie et ses efforts suivant l’importance stratégique des batailles. Et bien là, ATOS n’a pas mesuré l’importance stratégique de répliquer. Même si BFM ne représente pas la parole d’Atos, le Board les a « laissés parler à leur place ».

 

L’art de (mal) choisir ses batailles

Nous avons au sein du Baord une personne, Caroline RUELLAN, qui intervient à « L’école du discernement » (cela ne s’invente pas).

Pour le coup, le manque de discernement est flagrant.

L’information de BFM qui déstabilise l’entreprise et frustre ses salariés ne fait l’objet d’aucune communication.

Mais quand d’autres informations (propos de sycomore, article du figaro), s’en prennent cette fois non pas à l’entreprise, mais directement à son conseil d’administration, cela fait alors l’objet d’une réaction et réponse en 24 heures. Pardon, il n’y a pas eu 1 mais 2 réponses.

Réponse sur attaque du Board 2 – Réponse sur « attaque » de l’entreprise 0.

Selon Madame RUELLAN, « Il n’y a pas de crise de gouvernance chez Atos. Les compétences requises sont représentées et la gouvernance en tant qu’organe collégial fonctionne« .

J’ai indiqué dans un thread qu’effectivement, on pouvait ne pas parler de crise de Gouvernance, mais que, par contre, il y avait une véritable crise de légitimité (qui fait d’ailleurs bien souvent suite à une crise de Gouvernance).

Et l’administratrice va plus loin et estime qu’une telle initiative menée par Sycomore « déstabilise et porte atteinte à l’intérêt d’Atos, alors que le groupe a besoin de stabilité et de continuité. Une « instabilité » pourrait « avoir des conséquences défavorables sur les relations avec les fournisseurs et les clients« .

On ne peut que s’inscrire en faux devant ces affirmations, et à tout le moins, les minorer considérablement. Parce qu’avec 2 profit warnings, 3 remaniements de direction, un cours qui tombe dans les abîmes, un credit rating dégradé, les fournisseurs et clients ont eu ici pléthore de raisons de s’inquiéter. Mais peut-être que Madame RUELLAN n’est pas au courant, elle a été cooptée au Board d’Atos qu’en juillet 2022.

Que le Board se défende, c’est de « bonne guerre » si je puis dire. Cela ne peut pas leur être retiré.  Par contre, et soit dit en passant, tous ces évènements malheureux ont connu un élément commun, en la personne du Président du Conseil d’Administration, présent à son poste durant tous ces évènements cités sur les 3 dernières années. Il y a là je pense matière à très sérieuse réflexion.

Il serait bon pour Madame RUELLAN d’apporter ses précieux conseils à son Président en l’interrogeant sur où repose le plus grand risque de déstabilisation. Un président qui prend le risque de se soumettre au vote d’actionnaires qui ont toutes les raisons d’être mécontents, et qui provoquerait un vide (temporaire) le temps de nommer un nouveau Président ? Où un Président qui agit en responsabilité et se retire en présentant sa démission avec une date à venir, le temps de trouver son successeur, et ainsi, préserver cette stabilité, dont le groupe a besoin en effet ? Parce qu’aujourd’hui, aux vues du contenu des 2 communiqués émis, on ne peut pas dire que les arguments avancés soient convaincants. La technique de communication par la peur (on provoque l’incertitude face à l’aléa à venir) aurait pu fonctionner, si auparavant il n’y avait pas eu tous ces déboires. Les actionnaires ayant déjà connu le pire, l’incertitude quand aux aléas à venir pèse peu dans l’équation.

On finit par se demander si le Conseil d’Administration est présent pour défendre l’entreprise et ses parties prenantes ou son propre intérêt. A chacun son choix de bataille.

 

L’art de communiquer

C’est vrai, il n’est pas possible pour une entreprise de commenter toutes les rumeurs, c’est une histoire sans fin.

Mais lorsque ces rumeurs sont impactantes, il est indispensable de les neutraliser.

Une première option qui a été évoquée précédemment, aurait été d’établir un communiqué suffisamment habile pour rassurer les parties prenantes, sans mettre à mal ou compromettre les discussions en cours. C’est la communication institutionnelle. Ce n’est pas l’option qui a été choisie.

Une seconde option très efficace (voir plus) qui aurait pu être utilisée, est de répondre à la rumeur… par la rumeur. C’est un outil que l’on peut utiliser à son avantage. Il suffit pour cela de distiller aux médias (que l’on sélectionne) quelques confidences savamment choisies afin d’apporter un éclairage, sans que cela ne mette l’entreprise en porte à faux, puisque justement, il s’agit d’une « rumeur » et non d’une communication officielle. C’est une bonne technique pour, en quelque sorte, maîtriser sa communication non institutionnelle. Mais là encore, cette alternative, ne s’est pas matérialisée à ce jour.

Aussi, quand une des membres du Board (je ne vais plus la citer, cela serait perçu comme personnel…) affirme que toutes les compétences requises sont représentées en son sein, on peut légitimement en douter.

Un célèbre adage, issu du Talmud nous dit que « la parole est d’argent, mais le silence est d’or« .

Et bien, le Président et son conseil d’administration sont parvenus à le réinventer. Car aux vues de ces dernières années sous sa direction et de cette gestion calamiteuse en matière de communication, la conclusion qui me vient à l’esprit, c’est que le silence est peut-être d’or, mais l’argent est rare…

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A LIRE AUSSI : dans un style plus cru, volontairement assumé par Map, son article axé plus spécifiquement sur la légitimité de Bertrand Meunier et la contre-analyse par Atos des 4 résolutions Sycomore.

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