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Le conseil d’administration d’Atos a préféré la proposition présentée par David Layani à celle de Daniel Kretinsky pour redresser le groupe de services numériques. Soutenue par les créanciers obligataires, cette offre semble ne régler aucun de ses problèmes industriels et financiers.
Un nouveau chapitre s’ouvre dans le dossier Atos. « Et cela ne va pas être le plus facile », admet Didier Moulin, délégué CGT chez Atos-Eviden. Après des semaines d’incertitude, le conseil d’administration du groupe de services informatiques a annoncé le 10 juin dans la soirée retenir l’offre de reprise de David Layani, président de OnePoint, en concurrence avec celle présentée par le milliardaire Daniel Kretinsky. « La proposition reçue par le consortium OnePoint est la mieux orientée en matière d’intérêt social de la société, en particulier de ses employés et de ses clients », a expliqué Atos dans un communiqué.
Intéressé dès cet été pour reprendre une partie des activités d’Atos, l’homme d’affaires tchèque n’avait pourtant pas lésiné pour emporter la décision du conseil d’administration. Soutenu par BNP Paribas et les principales banques françaises, il avait revu trois fois son offre à la hausse.
En face, David Layani a fait campagne en insistant sur le fait qu’il n’y aurait qu’un Atos. Pas question de démantèlement, de scission des activités, comme cela avait été évoqué pendant des mois par la direction du groupe. Pas même question de cessions, même si elles semblent inéluctables. David Layani promet de redresser le groupe en quatre ans et même de créer à nouveau des emplois en France.

Associé au fonds Butler Capital et au groupe Econocom, il va mettre 170 millions d’euros, ce qui leur permettrait de détenir 21 % du capital. L’offre, recommandée par la mandataire judiciaire Hélène Bourbouloux, a été jugée comme la plus « conforme aux paramètres financiers », assurant « une structure de capital plus solide » que celle du milliardaire tchèque. Certains y voient comme une sorte de revanche pour le président de OnePoint, tenu à distance d’Atos depuis des mois. Proche de Nicolas Sarkozy, l’entrepreneur est soupçonné d’avoir participé à l’opération « Sauver Sarko » et a été mis en examen pour complicité de subornation de témoin.
Rébellion contre l’entre-soi parisien
« La décision du conseil d’administration ne marque pas la victoire de David Layani. La seule vraie victoire, c’est celle des créanciers obligataires. » Depuis plusieurs mois, les fonds d’investissement, parmi lesquels figurent BlackRock, Fidera, Boussard & Gavaudan, et AG2R, étaient entrés en rébellion, dénonçant la façon dont était géré le dossier Atos, l’entre-soi qui règne dans le petit monde parisien où tout semble se régler en petit comité, dans la plus grande opacité. « Orpea, Casino, Atos… À chaque fois, on retrouve les mêmes conseils, les mêmes banquiers d’affaires, les mêmes avocats, les mêmes administrateurs judiciaires. Tout ce petit monde s’entend à merveille et s’enrichit sur le dos de tous les autres », expliquait au début de cette rébellion un connaisseur du dossier.
Ce soutien a été vu comme décisif par le conseil d’administration d’Atos. Car le groupe n’en a pas fini avec les procédures judiciaires. Il doit obtenir l’accord des créanciers pour la restructuration de la dette puis l’approbation de son plan de sauvegarde par le tribunal de commerce. Avec le soutien des principaux créanciers obligataires, le groupe a l’assurance que le projet de David Layani présenté dans le cadre du plan de sauvegarde sera validé par la justice commerciale.
En dépit des propos très rassurants du conseil d’administration, les connaisseurs du dossier disent leur perplexité et même leur inquiétude en voyant la solution retenue. « Avec cette offre, aucun des problèmes d’Atos n’est résolu. Cela fait des mois, voire des années que le groupe a besoin d’une vraie solution industrielle et capitalistique. L’État n’a jamais été présent, bien qu’Atos porte des activités stratégiques et souveraines. Là, il continue de procrastiner », analyse un observateur.
Une équation financière et industrielle non résolue
Alors que le groupe frôle l’insolvabilité, la solution financière retenue paraît gravement sous-dimensionnée par rapport à ses besoins. « Effacer la totalité de la dette était la seule chance pour aider Atos à repartir », dit sans ambages un ancien cadre du groupe. « Déjà, les 700 millions d’euros de recapitalisation proposés par Daniel Kretinsky paraissaient insuffisants. Mais penser que 170 millions d’euros vont suffire pour restaurer le bilan est juste une galéjade », ajoute un autre.
Pour répondre aux besoins de financement les plus urgents, David Layani a prévu de contracter un prêt de 500 millions d’euros. « Mais à quel taux ? », s’interroge Didier Moulin. « La BPI [Banque publique d’investissement – ndlr] a consenti en urgence un prêt de 50 millions à Bull au taux de 15 %. Et c’est une banque publique. Quel taux vont demander les créanciers pour nous prêter 500 millions ? Et à quel taux vont-ils accepter la restructuration de la dette existante ? »
Le futur gouvernement se sentira-t-il tenu par les engagements pris avant lui ?
Didier Moulin, délégué CGT chez Atos-Eviden
« Les 1,9 milliard d’euros de dette restants pourraient nous coûter plus cher que les 4,8 milliards d’endettement actuels », poursuit de son côté un ancien cadre. Certains redoutent que le pillage à grande échelle d’Atos, qui a dépensé 700 millions d’euros pour son projet de scission de ses activités d’infogérance, dont 400 millions d’euros pour ses conseils (McKinsey, avocats, banquiers d’affaires), se poursuive sous une autre forme.
Pour résoudre cette équation financière, David Layani compte beaucoup sur les projets de cession de BDS (une filière big data et sécurité), qui porte les activités jugées stratégiques par l’État (supercalculateurs, défense, cybersécurité). Le ministère des finances a émis une lettre d’intention en vue d’acquérir ces activités. Le prix de rachat pourrait aller entre 700 et 1 milliard d’euros. De même, le ministre des finances, Bruno Le Maire, a évoqué la cession de Worldgrid, la filiale qui conçoit les commandes de contrôle des centrales nucléaires, « à EDF ou une entité proche d’EDF ». « Mais que deviennent tous ces projets maintenant ? Le futur gouvernement se sentira-t-il tenu par les engagements pris avant lui ? », se demande Didier Moulin.
David Layani, qui est appelé à devenir directeur général d’Atos, aura-t-il la capacité de mener ce chantier titanesque ? C’est la question que beaucoup se posent à l’intérieur comme l’extérieur du groupe, constatant que redresser une entreprise de 100 000 salarié·es, pour l’essentiel des ingénieurs, n’est pas la même chose que gérer une société de conseil en informatique de 3 500 personnes.
Peu convaincus, certains ingénieurs et cadres dirigeants, qui avaient pourtant résisté à des mois de tourmente et d’incertitude, se préparent à leur tour à partir sur la pointe des pieds.
https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/110624/atos-la-victoire-des-creanciers
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Afin de ne pas déstabiliser la société, cette action ne visera ni Atos, ni ses dirigeants ou ex-dirigeants, mais uniquement ses auditeurs (commissaires aux comptes) en particulier DELOITTE supposé être le n°1 mondial de l’audit, mais que l’UPRA soupçonne avoir été très complaisante vis-à-vis d’Atos avec les règles comptables en vigueur, et leur reproche d’avoir fait manquer une chance aux actionnaires de ne pas acheter l’action quand elle était surcotée vis-à-vis de sa réelle valeur et d’avoir fait manquer une chance d’avoir vendu, quand la société s’effondrait et que la comptabilité ne reflétait pas cet effondrement, en particulier une absence totale de dépréciation d’actifs en 2022.
Je rappelle qu’à la publication d’un jugement qui dirait le contraire, Deloitte est supposé avoir certifié les comptes d’Atos de manière totalement sincère, et l’avis exprimé ci-dessous est l’avis de l’UPRA uniquement et reste à l’état de soupçons tant que nos preuves n’auront été validées par un juge.
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